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Chirurgie

Publié le 22 juin 2011Lecture 13 min

Optimisation esthétique de l’exérèse-suture d’une tumeur cutanée

D. BACCONNIER, Marseille
L’exérèse-suture représente le procédé phare de reconstruction en chirurgie cutanée. Il permet la gestion de la grande majorité des interventions carcinologiques en assurant un résultat esthétique le plus souvent excellent (même pour les longs fuseaux s’ils sont intégrés dans les lignes de moindre tension cutanée) et une sécurité carcinologique permettant une reprise orientée en cas de limites non saines lors de l’exérèse initiale. 
Même si le fuseau est généralement un acte technique simple de réalisation, il peut aussi demander une certaine compréhension des mouvements cutanés pour les fuseaux plus complexes et devenir le premier stade d’un double lambeau d’avancement lors de décollements sous-cutanés importants.   Biomécanique tissulaire La fermeture d’une perte de substance peut être décomposée en un rapprochement de deux lignes parallèles associé à la fermeture de deux angles opposés (figure 1).  Figure 1. Le rapprochement des berges reporte le problème d’un manque central en celui d’un excédent bilatéral aux extrémités de la suture. Plus la cicatrice se raccourcit, plus les angles sont ouverts et plus l’excédent tissulaire de chaque extrémité devient important. Il faut différencier les excès tissulaires superficiels cutanés d’un excédent profond graisseux dont l’ignorance aboutit à un allongement cicatriciel, alors qu’un simple dégraissage est suffisant. Cette différence est importante car si l’on peut attendre beaucoup de la peau en expansion et en rétraction, à l’inverse, un excédent graisseux localisé ne se modifiera plus. Le tissu cellulaire sous-cutané, essentiellement graisseux, joue un rôle de maintien de la peau en assurant un amarrage par rapport au plan profond musculaire ou aponévrotique. Il est divisé en deux par le fascia superficialis. On va donc pouvoir décrire différents types de mobilité en fonction de la profondeur du décollement réalisé (figure 2).   Figure 2. Coupe de peau : les différents niveaux de profondeur. Figure 3. Exérèse avec lambeau d’avancement. La mobilité de type I est une mobilité de surface assurée par les propriétés expansives dermo-épidermiques (sans décollement pour les fuseaux de petite taille). La mobilité de type II correspond à un décollement dans le tissu sous-cutané avec une mobilité par rapport au tissu profond (2a ou 2b selon si l’on se situe audessus ou au-dessous du fascia). La mobilité de type III met en jeu une mobilité du plan profond luimême, c’est-à-dire du muscle ou de l’aponévrose elle-même. La mobilité de type IV résulte de l’association des trois mobilités suscitées. Lors de ces fuseaux améliorés avec des décollements sous-cutanés importants, on se rapproche du lambeau d’avancement (figure 3).   Recommandations de l’exérèse-suture Recommandations préopératoires Il faut tout d’abord réaliser une analyse dermatologique tumorale précise afin de classer la lésion en fonction de son type anatomopathologique et de sa localisation pour déterminer des limites d’exérèse clinique appropriées.  Figure 4. Cicatrice discrète respectant le relief cutané. Figure 5. Principaux plis cutanés du visage, perpendiculaires aux fibres musculaires profondes. Puis il faut évaluer la mobilité tumorale par rapport au plan profond afin de décider du plan de clivage. Enfin, il faut délimiter la tumeur sous une bonne luminosité et en palpant à nouveau celle-ci. Après s’être intéressé à la tumeur, il convient d’analyser notre patient (chacun étant différent malgré d’innombrables similitudes). On va donc évaluer la laxité cutanée des tissus périlésionnels afin d’imaginer les premières reconstructions envisageables. Bien entendu, les considérations esthétiques sont à la mesure de l’engagement thérapeutique et il est clair qu’une chirurgie carcinologique, tout en étant la moins mutilante possible, est sans concession sur des critères esthétiques qui compromettraient la guérison. En conséquence, il ne faut pas minimiser les marges d’exérèse pour envisager une reconstruction plus aisée pour l’opérateur. L’idéal pour lutter contre cette tentation serait de faire réaliser l’exérèse par un opérateur qui ne se soucierait pas de la reconstruction pratiquée par un autre opérateur. On marquera les sillons naturels visibles sans oublier de faire pratiquer des mimiques au patient avant toute infiltration d’anesthésique. Enfin on individualisera les différentes unités esthétiques dans lesquelles se trouvent la tumeur et les sousunités esthétiques environnantes.   Recommandations per-opératoires L’anesthésie locale est réalisée le plus souvent à la lidocaïne adrénalinée à 1 %. On débute par une injection hypodermique plus longue à agir mais moins douloureuse. Puis on réalise un deuxième passage en intradermique d’action plus précoce.  Figure 6. Cicatrice très visible croisant les plis cutanés naturels du visage.   Figure 7. Cicatrice temporale. L’anesthésie est effectuée en zone péritumorale. L’exérèse doit se pratiquer à la lame de 15 ou de 11 (en fonction des habitudes de l’opérateur et de la localisation anatomique), sur une peau tendue (soit par une aide opératoire soit avec sa main opposée) pour réaliser une incision franche. La lame du bistouri doit être perpendiculaire à l’épiderme, voire orientée vers l’extérieur de la lésion, afin de faciliter la congruence des berges lors de la suture cutanée. Lorsque l’on pratique la chirurgie de Mohs, une des difficultés réside dans la réalisation de coupes presque tangentielles à la peau, ce qui limite la fermeture épidermique. L’exérèse doit être suffisante en profondeur toujours jusqu’au fascia pour assurer une sécurité carcinologique et permettre d’éviter une protrusion du tissu sous-cutané qui viendrait exercer une pression sous-cutanée sur la suture, source d’élargissement cicatriciel. On peut être amené dans des exérèses de grande taille à réaliser une ablation du fascia ou des incisions de décharge au niveau du fascia pour la même raison. Un repérage per-opératoire de la tumeur à l’aide d’un fil repère ou d’une incision est impératif afin de se guider en cas d’exérèse insuffisante. Celle-ci est plus aisée avant l’exérèse tumorale. Une fois la lésion réséquée, une analyse macroscopique de la limite profonde est faite par le praticien et une reprise per-opératoire est indispensable en cas de doute. Pour la prise en charge des tumeurs difficiles ou dans des zones à risque, une chirurgie avec analyse des marges extemporanées ou une chirurgie en deux temps ou une chirurgie de Mohs paraît nécessaire. La reconstruction doit être débutée après une hémostase soigneuse à la pince bipolaire ou monopolaire afin de limiter au maximum le risque de complications. La réparation a pour but de laisser une cicatrice la moins visible possible en plaçant les sutures dans les plis cutanés (figure 4), en évitant toute déformation des repères anatomiques. Les sutures doivent donc être placées dans les lignes de moindre tension cutanée décrites par Kraissl. Elles sont l’expression cutanée des contraintes profondes musculo-aponévrotiques (plis cutanés superficiels perpendiculaires au trajet des fibres musculaires profondes) (figure 5). Elles constituent les lignes d’incisions cutanées préférentielles, les tensions intracicatricielles y étant moindres. Si l’on s’en éloigne, la cicatrice barrera les plis naturels, les excès tissulaires seront majorés et la cicatrice n’en sera que plus visible (figure 6).   Figure 8. Exérèse d’une tumeur frontale, avec cicatrice verticale.   Figure 9. Principe d’horizontalisation des sutures.  Figure 10. Principe d’horizontalisation des sutures (a) ; résultat (b). Mais il existe des variantes liées à la tumeur et au patient pris en charge qui peuvent entraîner volontairement de la part du chirurgien des cicatrices d’orientation différente, voire perpendiculaire à ces lignes de moindre tension. Ainsi, au niveau temporal, pour des pertes de substance dépassant les 10 mm, l’orientation des sutures va être horizontale pour aller se fondre dans les rides de la patte d’oie et dans le cuir chevelu (figure 7). Au niveau frontal, pour les pertes de substance proches de repères anatomiques comme le sourcil ou la lisière du cuir chevelu, il ne faudra pas hésiter à verticaliser le fuseau pour éviter toute déformation de ces repères (figure 8). Le plus souvent, pour des pertes de substance dépassant le centimètre, il vaut mieux réaliser une exérèse circulaire ou adaptée aux formes tumorales et, après avoir réalisé un testing cutané, entreprendre la résection des excès tissulaires à la demande, orientés en fonction des contraintes liées au patient. Le grand axe des orifices médiofasciaux et de leurs bords libres est horizontal. L’axe d’incision périorificiel à privilégier est perpendiculaire ou oblique afin de ne pas les déformer et de restituer la continuité de ses bords libres et des muscles orbiculaires.   Les sutures Les sutures, points clés de la rançon cicatricielle, doivent assurer un bon contact tissulaire en profondeur et en superficie afin d’éviter tout décalage dans le sens vertical ou horizontal. Le plan profond est primordial.   Figure 11. Point sous-cutané dermique. a. Principe. b. Charge proximale profonde. c. Charge distale superficielle. d. Résultat.   Figure 12. Point sous-cutané dermique de palan autobloquant. Il joue le rôle de bâti de la suture (la zone de résistance pour les sutures étant représentée par le derme), est le plus souvent suffisant et va permettre une invisibilité des points réalisés à l’inverse des points superficiels sous tension créant les échelles de perroquet perpendiculaires à la suture de par leur effet ischémiant épidermique. Le plan superficiel devient alors un plan de correction pour les décalages verticaux parfois réalisés ou en cas de noncongruence parfaite épidermique. Pour éviter tout décalage horizontal de la cicatrice, on utilise classiquement la règle du milieu des milieux, mais ceci engendre parfois une difficulté lors du premier point central réalisé en tension. On préférera alors utiliser une suture en alternance par les extrémités en terminant par le point central, ce qui permet de répartir progressivement les tensions exercées. Il faut limiter toute distorsion en zone périorificielle en utilisant le principe de l’horizontalisation des sutures (figures 9 et 10). On distingue donc différents types de points.  Point sous-cutané dermique (figure 11) Figure 13. Point superficiel simple. a. Suture initiale. b. Point superficiel épidermique de correction. Il s’agit d’un point dermique dit inversant, le noeud étant lié vers la profondeur. On charge la berge la plus proche de l’opérateur, de la profondeur vers la superficie, puis la berge opposée, de la superficie vers la profondeur. Il convient de charger plus le derme en profondeur qu’en superficie, ce qui entraîne l’éversion de la cicatrice en superficie. On essaiera de passer le plus superficiellement en sous-épidermique pour améliorer la congruence épidermique. Il est souvent plus aisé d’incliner l’aiguille afin de faciliter la réalisation de ces points surtout quand l’espace devient plus étroit entre les sutures. Les points sont placés tous les 5 à 10 mm en fonction de la volonté ou non de mettre en place un plan superficiel. On utilise classiquement un fil résorbable, mais il est possible d’utiliser du matériel non résorbable qui minore le risque de cicatrice inflammatoire ou de granulome. Dans ce cas, les points dermiques seront disposés un peu plus profondément pour éviter qu’avec le temps ils apparaissent en négatif dans l’épiderme.  Point sous-cutané dermique de palan (figure 12)   Figure 14. Surjet cutané intraépidermique. Ce type de point est intéressant lors de sutures sous tension de par son caractère autobloquant. Le principe est de multiplier les boucles sous-cutanées, afin de démultiplier les contraintes et donc de faciliter le rapprochement des berges (notamment si l’on commence par un point central). La première boucle débute comme un point sous-cutané, puis on réalise une deuxième boucle identique parallèle à la première. On peut placer deux à cinq boucles de manière juxtaposée espacées d’environ 2 mm. On tire alors sur les deux brins du fil pour refermer la perte de substance et on fait un noeud profond.  Point superficiel simple (figure 13) Les points séparés doivent charger l’épiderme et le derme de façon symétrique sur chaque berge. La suture initiale doit être éversante afin d’éviter toute invagination cicatricielle. Pour ce faire, l’aiguille doit charger plus largement en profondeur qu’en superficie. Si le plan sous-cutané est parfait avec une bonne inversion de la cicatrice, les quelques points superficiels de correction pourront n’être qu’épidermiques, servant simplement à l’optimisation de la congruence épidermique.   Figure 15. Surjet simple. Le noeud ne doit pas être trop serré pour éviter toute ischémie épidermique marquant la peau définitivement.  Surjet cutané intradermique (figure 14) Il permet d’éviter l’aspect en échelle de perroquet lié à l’utilisation de points superficiels simples sous tension. Il ne peut être réalisé que sur une suture sans tension (plan sous-cutané de bonne qualité ou blépharoplastie). Il est important de vérifier qu’il coulisse bien à chaque passage lors de l’utilisation de fil non résorbable pour éviter qu’il ne se casse lors du retrait. L’aiguille charge horizontalement le derme de chaque berge, de façon à former une sinusoïde. Le point d’entrée suivant se fait un peu en arrière de la sortie du point précédent. Le fait de tendre le surjet peut froncer la peau, ce qui majore l’éversion cicatricielle garant d’un meilleur résultat final.  Surjet simple (figure 15) Les points doivent être bien répartis et le fil pas trop serré pour éviter une invagination de la cicatrice. Il permet de gagner du temps dans la suture et doit être retiré tôt pour éviter de marquer la peau.  Figure 16. Surjet passé ; intéressant au niveau du cuir chevelu.  Surjet passé (figure 16) Il s’agit d’un surjet dans lequel le fil est passé dans la boucle du passage précédent. Il s’agit de points ischémiants responsables de cicatrices visibles, mais intéressants au niveau du cuir chevelu en raison de leur pouvoir hémostatique.  Figure 17. Point de Blair Donati.  Point de Blair Donati (figure 17) Il s’agit d’un point réalisable lorsqu’il existe une certaine tension et que les points sous-cutanés ne sont pas réalisables. Ils ont un fort potentiel éversant mais laissent une cicatrice visible. Au premier passage, le fil charge à distance des berges et profond ; le second passage est le plus proche des berges et plus superficiel (loinloin/ près-près).     Figure 18. Point de Skoog Teissier.  Point de Skoog Teissier (figure 18) Il permet d’égaliser une différence de hauteur entre les deux berges ou d’éviter de laisser des cicatrices sur une berge lorsque les berges sont de nature différente (proche de l’aréole mammaire ou de la jonction lèvre blanche-lèvre rouge). Il prend l’épiderme d’un côté et le derme de l’autre.  Point d’angle (figure 19) Il permet de limiter la nécrose de la pointe de lambeau triangulaire. Il s’agit d’un point cutanéodermique en cadre qui ne prend que le derme au niveau de la pointe du lambeau.   Figure 19. Point d’angle.  Point en x (figure 20) Il permet une suture vasculaire ou d’un plan musculaire.   Conclusion  Figure 20. Point en x. Le dermatologue qui sait allier sa connaissance tumorale clinique à une formation adéquate à la prise en charge chirurgicale des tumeurs cutanées prend une place de premier ordre dans le traitement des tumeurs malignes de la peau.    

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