publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Dermatologie pédiatrique

Publié le 30 nov 2015Lecture 8 min

Aspects épidémio-cliniques du psoriasis de l’enfant

M. MSEDDI, F. FRIKHA, H. CHAABÈNE, A. MASMOUDI, S. BOUDAYA, H. TURKI, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

Le psoriasis de l’enfant est une maladie fréquente, qui présente certaines particularités épidémio-cliniques comparativement à la forme de l’adulte. Les facteurs déclenchants, notamment infectieux, et la topographie lésionnelle contribuent à distinguer le psoriasis de l’enfant comme une entité à part entière. Bien qu’aucun facteur prédictif de l’évolution ne soit identifié, le psoriasis de l’enfant a un meilleur pronostic que la forme de l’adulte. Le retentissement psychologique, esthétique et social n’est pas négligeable sur le plan personnel, mais aussi parental, voire familial.

Le psoriasis est une dermatose érythématosquameuse chronique fréquente. Un début dans l’enfance est noté chez 30 à 50 % des patients, voire deux tiers dans les formes familiales de psoriasis(1). Le diagnostic est le plus souvent clinique et ne nécessite aucune exploration complémentaire. Le but de ce travail était d’illustrer des caractéristiques épidémio-cliniques du psoriasis chez l’enfant à travers une étude rétrospective.   Matériels et méthodes   Il s’agissait d’une étude rétro spective des dossiers de 207 malades colligés sur une période de 11 ans (2004-2014), dans le service de dermatologie du CHU Hédi Chaker (Sfax, Tunisie). Tous les malades étaient des enfants âgés de 15 ans ou moins à la première consultation. Le diagnostic était retenu devant l’aspect clinique des lésions et ne nécessitait que rarement le recours à l’histologie.   Résultats   L’âge moyen des enfants à la première consultation était de 8,8 ans avec des extrêmes de 40 jours et 15 ans. L’âge moyen de début des symptômes était de 7,7 ans avec prédominance de la tranche d’âge allant de 7 à 12 ans (figure 1).   Figure 1. Répartition des malades selon les tranches d'âge.   Le sexe féminin était prédominant avec un sexe ratio (H/F) de 0,7. Sept enfants uniquement avaient des parents consanguins et un antécédent familial de psoriasis était noté dans 20 cas (9,7 %). Les facteurs déclenchant la maladie étaient une infection streptococcique dans 9,2 % des cas, un stress dans 2,4 % des cas, une vaccination par le vaccin VHB (virus de l’hépatite B) dans 0,5 % des cas et par le vaccin HI (Hæmophilus influenzea) dans 0,5 % des cas. Le diagnostic de psoriasis a été retenu devant l’aspect clinique (dans la majorité des cas), la négativité de l’examen mycologique (certaines atteintes du cuir chevelu, des plis ou du siège) et rarement l’histologie (6 cas). La biopsie a été faite dans le cadre d’un psoriasis pustuleux ou devant un doute diagnostique. Dans 165 cas (79,2 %), les lésions initiales retrouvées étaient des plaques érythémato-squameuses. Trente-trois enfants (16 %) avaient, en revanche, des lésions érythémato-squameuses en gouttes (figure 2) et 9 malades (4,3 %) avaient les deux types de lésions (plaques et gouttes) (figure 3).   Figure 2. Lésions érythémato-squameuses en gouttes. Figure 3. Association de lésions à type de plaques et de gouttes.   On notait chez un enfant (0,5 %) une forme érythématosquameuse linéaire (figure 4). Dix-neuf enfants (9,2 %) avaient initialement (5 cas), ou au cours de l’évolution (14 cas), des critères de gravité à type de psoriasis pustuleux, érythrodermique, étendu ou arthropathique. Les topographies prédominantes étaient le cuir chevelu (101 cas : 48,8 %), le tronc (82 cas : 39,6 %), les membres inférieurs (80 cas : 38,6 %) et supérieurs (72 cas : 34,8 %). L’atteinte palmoplantaire à type de kératodermie était notée dans 34 cas (16,4 %) (figures 5 et 6). Figure 4. Forme érythémato-squameuse linéaire. Figures 5 et 6. Atteinte palmo-plantaire.   La localisation au niveau de la région génitale était notée dans 23 cas (11,1 %), dont 9 avaient un âge de début inférieur à 2 ans (Napkin psoriasis) (figure 7). Cinquante-huit enfants (28 %) avaient un psoriasis inversé avec une atteinte prédominante des plis inguinaux (24 cas : 11,6 %), sous-axillaires (25 cas : 12,1 %) et rétroauriculaires (22 cas : 10,6 %) (figure 8). Une atteinte isolée des fesses était présente chez 9 malades (4,5 %).   Figure 7. Napkin psoriasis. Figure 8. Atteinte rétroauriculaire.   Une atteinte de la langue était notée chez 4 de nos patients (2 %) (langue géographique dans 3 cas et scrotale dans un cas). Vingt-trois cas (11 %) présentaient une atteinte des ongles, surtout à type de ponctuations en dé à coudre dans 11 cas. D’autres formes d’atteinte unguéale étaient retrouvées, isolées ou associées, à type de striations transversales ou longitudinales, onychodystrophie, onycholyse, hyperkératose sousunguéale, paronychie et leuchonychie.   Discussion   À travers notre étude, le psoriasis de l’enfant était plus fréquent chez les enfants de sexe féminin, avec prédominance dans la tranche d’âge de 7-12 ans. La localisation la plus fréquente était le cuir chevelu et la forme la plus fréquente était en plaques. Le psoriasis est relativement fréquent chez l’enfant. Il représente environ 5 % des affections dermatologiques pédiatriques(2). Il survient souvent sur un terrain génétiquement prédisposé, les antécédents familiaux étant fréquents (36 à 64 %)(2). Dans notre série, une histoire de psoriasis familial était présente chez 9,7 % des enfants. L’infection streptococcique a un rôle privilégié dans la pathogénie du psoriasis de l’enfant. Elle est surtout à type d’angine. D’autres types d’infections sont rapportés telle une vulvite, une anite et une balanite(1). Cette association incite à examiner systématiquement la gorge et la sphère anogénitale chez ces enfants(1). L’infection est aussi impliquée dans les poussées de psoriasis en gouttes(5). Des antigènes streptococciques, notamment la protéine M des streptocoques bêtahémolytiques (streptocoques A, C, G), agiraient comme des super antigènes capables d’activer les lymphocytes T sensibilisés de l’épiderme(3-5). Dans notre série, l’infection streptococcique (rhinopharyngite et angine) précédait le psoriasis dans 9,2 % des cas, elle était associée à un psoriasis en plaques dans deux tiers des cas et en gouttes dans un tiers des cas. D’autres facteurs (médicaments, stress, traumatisme [phénomène de Koebner]) interviennent également dans les poussées de psoriasis. À l’inverse, le soleil a un effet bénéfique(1). Il faudra cependant être prudent dans les prescriptions thérapeutiques de ces nourrissons(1). Le rôle favorisant de certaines molécules (par exemple, les corticoïdes par voie générale) dans le déclenchement de poussée de la maladie, incite à plus de vigilance dans les prescriptions médicamenteuses chez les enfants psoriasiques. On notait, chez nos malades, l’incrimination, dans le déclenchement des poussées de stress dans 5 cas, du vaccin VHB dans un cas et du vaccin HI dans un cas, d’angine dans 2 cas, de stress psychique dans 2 cas et d’intervention chirurgicale dans un cas. Le psoriasis de l’enfant peut coexister avec une dermatite atopique, et donc peut être non diagnostiqué et sous-estimé(11). Le psoriasis commun (vulgaire) en plaques nummulaires est le plus fréquent. Il représente entre 34 % et 70 % des cas(2,6,7,12). Les plaques sont plus petites et les squames plus fines que chez l’adulte, pouvant prendre un aspect volontiers eczématiforme(1). Chez nos malades, des plaques érythémato-squameuses étaient notées dans 80 % des cas. Les formes graves sont plus rares chez l’enfant(1,13). Contrairement à l’adulte, le psoriasis pustuleux de l’enfant n’est généralement pas précédé de psoriasis vulgaire(7), il survient plus volontiers chez le garçon. Dans notre série, 10 enfants (5 %), en majorité de sexe féminin (6 cas) avaient, initialement ou au cours de l’évolution, un psoriasis pustuleux étendu (3 cas) ou non. La forme étendue était présente chez 6 enfants et la forme arthropathique chez un seul. L’érythrodermie psoriasique était décrite chez deux de nos malades au cours de l’évolution de la maladie. La localisation la plus fréquente est le cuir chevelu suivi par le tronc et les ongles(1,12). Cela concorde bien avec les résultats de notre série. Certaines localisations semblent plus fréquentes chez l’enfant, comme l’atteinte des organes génitaux externes, du visage et les pulpites sèches(6,8). Dans notre série, 16 enfants avaient une atteinte du visage (atteinte des paupières dans 5 cas et des oreilles dans 9 cas). Vingt-trois enfants avaient un psoriasis du siège et 4 une pulpite sèche. Le psoriasis des langes (Napkin psoriasis) reste la forme de psoriasis la plus fréquemment observée chez l’enfant de moins de 2 ans ; il peut être isolé ou secondairement extensif(6). Il évolue vers un psoriasis étendu dans 5 à 25 % des cas(7). La localisation au siège s’observe aussi chez l’enfant plus grand. Le psoriasis se localise alors au niveau des organes génitaux externes(3). L’incidence du psoriasis unguéal est estimée à 37,8 %(9). Les dépressions en dés à coudre représentent la forme la plus fréquente, suivies de l’onycholyse(7). L’atteinte unguéale peut précéder, accompagner ou succéder au psoriasis cutané(7). L’atteinte linguale touche moins de 10 % des enfants psoriasiques ; elle est principalement de type « langue géographique » (plaque rouge, dépapillée)(1,3). L’arthrite psoriasique est exceptionnelle chez l’enfant(1,7,12). L’atteinte articulaire est en général une oligoarthrite asymétrique prédominant aux membres inférieurs avec une nette prédilection pour le genou (86 % des cas). L’atteinte des gaines synoviales des fléchisseurs et des petites articulations des doigts ou des orteils, réalisant le tableau classique de l’orteil ou du doigt « en saucisse », est particulièrement évocatrice(10). On notait un seul cas dans notre série. Il s’agissait d’arthralgies de type inflammatoire touchant les deux genoux et apparaissant quelques mois après le début de la maladie. Les différentes grilles d’évaluation de la sévérité du psoriasis n’ont pas été validées chez l’enfant. En pratique, la sévérité est assez subjective et s’appuie sur des critères fonctionnels (douleur, prurit), physiques (extension des lésions, sévérité de l’inflammation et de l’hyperkératose) et sociaux(3).

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème