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Dermatologie pédiatrique

Publié le 05 avr 2023Lecture 5 min

Déficit immunitaire primitif de l’enfant - Les signes dermatologiques évocateurs

Caroline GUIGNOT, Lille

Si les infections récurrentes et persistantes constituent un signe d’appel, le démembrement progressif des déficits immunitaires suggère que d’autres manifestations (néoplasiques, auto-immunes, auto-inflammatoires…) peuvent aussi interpeller. Revue de cas incitant à la prudence.

Aujourd’hui, les déficits im munitaires primitifs (DIP) sont bien démembrés et le nombre de maladies monogéniques spécifiques a explosé. Aussi distingue-t-on les déficits immunitaires combinés touchant les lymphocytes T et B, ceux touchant les seules cellules B, ceux impactant la phagocytose, les défauts intrinsèques de l’immunité innée, ainsi que les pathologies auto-inflammatoires, les déficits en complément et les phénocopies des DIP. Les infections ne sont donc pas les seules manifestations révélatrices, rejointes par les néoplasies, les auto-immunités et les autoinflammations, les allergies et les hyperplasies lymphoïdes. D’une manière générale, 50 % des DIP sont associés à une atteinte cutanée, qui est une infection dans un tiers des cas. Des infections sévères, persistantes et récurrentes doivent, en ce sens, interpeller. Cependant, une atteinte cutanée moins sévère peut conduire à écarter à tort un tel diagnostic. Aussi, d’une manière générale, un DIP peut être plus largement suspecté en présence d’une infection cutanée récidivante et/ou inhabituelle, associée à une dermatose inflammatoire chronique étendue, résistante ou dépendante aux dermocorticoïdes forts, notamment à la naissance et durant les premiers mois de vie, et/ou lorsqu’il y a des anomalies morphologiques constitutionnelles.   APPROCHE GÉNÉRALE En pratique clinique, les manifestations cutanées révélatrices peuvent être différentes selon l’âge. Leur association à d’autres manifestations – infection, inflammation/dysimmunité et anomalies du développement – aide à orienter le diagnostic, notamment en cas d’histoire familiale et de signaux au niveau de la courbe staturopondérale. En cas de doute, un bilan suffisant mais non exhaustif permet de screener largement les risques et de se faire une première idée : il doit comporter NFS, plaquettes, dosage des différentes immunoglobulines, sérologies vaccinales, anticorps antiprotéines, et antipolysaccharides. Si les résultats sont anormaux (attention à l’interprétation des taux selon l’âge de l’enfant), le DIP est probable, et l’enfant doit être orienté vers un centre expert pour compléter l’exploration. Si les résultats sont normaux, mais les lésions sont persistantes malgré une bonne prise en charge, il est également important de les envoyer vers ces centres. La difficulté est de ne pas investiguer trop loin ni de passer à côté d’un DIP véritable. Aussi, il est important de ne jamais minimiser des infections microbiologiques différentes associées et inhabituelles (bactériennes, virales) et/ou une infection qui persiste et s’étend, même si les premiers bilans sont normaux. Il peut être nécessaire de reproduire le bilan après quelques mois lorsque le tableau d’un enfant continue à présenter des événements réguliers. Il invite aussi à ne jamais considérer comme trivial un signe clinique cutané chez l’enfant (prurit, saignement, otites à répétition).   QUELQUES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS À GARDER EN TÊTE Deux causes rares illustrent bien cette difficulté, car elles sont associées à un tableau clinique initial peu sévère : le syndrome de WHIM (verrues, hypogammaglobulinémie, infections HPV et bactériennes cutanées) qui correspond à des infections bactériennes récidivantes souvent mineures mais associées et persistantes, ou le syndrome de Wiskott-Aldrich qui combine une microthrombocytopénie, un eczéma de type atopique et des infections (maladie monogénique récessive liée à l’X). Un purpura, des infections d’étiologies diverses, une urticaire, de l’allergie, un asthme, etc. peuvent compléter le tableau clinique tandis que le bilan biologique peut être normal ou quasi normal initialement, puis évoluer avec le temps. Cette maladie est associée à un risque élevé de lymphome. Le syndrome de Job ou de Buckley, se caractérise par une éruption papuleuse, dès les premières semaines avec un fort prurit et une lichénification. La présentation de ce syndrome, lié à un syndrome d’hyper-IgE, peut être différente selon l’âge, avec des anomalies morphologiques plus ou moins marquées (front proéminent, piqûres de la peau du visage, anomalies natales, etc.). Par la suite, il conduit à des infections cutanées staphylococciques, des candidoses et des pneumopathies bactériennes ou fongiques récidivantes avec des abcès cutanés « froids » (sans signe inflammatoire ou fièvre, etc.) récurrents à staphylocoques. Le DIP peut aussi constituer un diagnostic différentiel face à une érythrodermie, aux côtés des deux autres étiologies, d’une part infectieuse, notamment à staphylocoque avec décollement superficiel de la peau, d’autre part de génodermatose. Une biopsie permet de mettre en évidence un infiltrat inflammatoire typique dans le DIP, dont l’aspect peut être trompeur. Parmi les syndromes autoimmuns à expression cutanée, peuvent notamment être cités deux syndromes rares : le syndrome IPEX (Immune dysregulation, Polyendocrinopathy, enteropathy, X-linked) chez l’enfant de quelques semaines qui présente des diarrhées, une hyperéosinophilie, un syndrome hyper-IgE, avec exocytose lymphocytaire et nécrose kératinocytaire. Le syndrome APECED (Autoimmune Polyendocrinopathy Candidiasis Ectodermal Dystrophy), de transmission autosomique récessive, qui doit être évoqué face à une triade de symptômes : candidose cutanéo-muqueuse chronique, hypoparathyroïdie et insuffisance surrénalienne, sachant qu’en cas d’antécédents familiaux, la survenue d’un seul de ces éléments suffit. D’autres événements de type anomalies de l’émail et des ongles, atteinte digestive, pelade ou vitiligo, etc. peuvent leur être associés, l’érythrodermie n’étant pas systématique. Certains DIP favorisent une prédisposition élective aux candidoses cutanéomuqueuses, notamment ceux associés à une mutation touchante l’IL17 : tableaux d’infections cutanées fongiques, candidoses cutanéomuqueuses, dermatophytoses profuses ou mycoses invasives à atteinte cutanée. Des manifestations de type BCGite disséminée peuvent survenir chez des enfants ayant un DIP et ayant été vaccinés par le BCG (virus atténué). Dans 1 à 10 % des cas, la vaccination peut conduire à des réactions loco-régionales au point d’injection (nodule induré, ulcération, adénopathie axillaire ou abcès) qui évoluent favorablement, mais ces manifestations sont plus sévères en cas de DIP et peuvent être révélatrices : un abcès > 1 cm, une lymphadénopathie suppurée et une atteinte systémique (ostéomyélite ou maladie multisystémique) dans les 6 mois après le vaccin peuvent être rapidement évolutives et fatales en l’absence de traitement. Enfin, il faut citer l’infection chronique active à l’EBV (CAEBV) : après la primo-infection, le virus qui reste habituellement en latence dans les lymphocytes B, peut rester en latence dans les LT. La CAEBV peut rester localisée au niveau cutané avec, par exemple, des allergies sévères et des réactions cutanées majeures après des piqûres de moustique, mais il peut aussi devenir systémique ou évoluer vers un lymphome T EBV-induit. Parmi les causes de cet échappement figurent l’immunodéficience cellulaire. La CAEBV, qui touche surtout l’adolescent ou le jeune adulte, est largement sous- diagnostiqué, cette entité est récente et sa présentation clinique est assez polymorphe, avec des réactions inflammatoires atypiques, une hypersensibilité aux piqûres de moustique, des rashs cutanés un hydroavacciniforme (œdème facial), des vascularites, un infiltrat lymphocytaire T inexpliqué, une dermatomyosite. Dès lors, une PCR-EBV doit permettre d’orienter le diagnostic.

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