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Psoriasis

Publié le 30 mar 2022Lecture 6 min

Psoriasis : comment gérer les situations difficiles

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Le psoriasis est une dermatose chronique avec laquelle les patients apprennent à vivre. On dispose aujourd’hui de traitements efficaces et bien codifiés. Toutefois, dans certaines situations, la stratégie thérapeutique est plus complexe, notamment au cours de la grossesse ou chez les patients en rémission depuis plusieurs mois qui s’interrogent sur la possibilité d’arrêter leur traitement.

En France, plus d'un quart des personnes atteintes de psoriasis sont des femmes en âge de procréer(1). Si le psoriasis n’affecte pas la fertilité, il semble qu’une part de ces femmes renoncent à la maternité, puisque le taux de natalité dans cette population est inférieur à celui de la population générale(2,3). Seulement 20 % des dermatologues interrogent les patientes sur leur sexualité et leur désir de grossesse à court terme, et 28 % connaissent les recommandations de prise en charge chez les femmes en âge de procréer(4). Le manque d’information ou les idées fausses en ce domaine sont susceptibles de retarder ou de faire renoncer à une grossesse ; 88 % des patientes cherchent l’information sur Internet, 21 % abordent le sujet avec leur médecin(5). Les principaux sujets de préoccupation concernent : la compatibilité du traitement avec une gestation et le risque de transmission du psoriasis à l’enfant. Des données rassurantes La plupart du temps, le psoriasis s’améliore durant la grossesse (55 % des cas) ; il reste stable dans 21 % des cas et s’aggrave chez 23 % des femmes(6). Il n’y a pas de lien entre l’amélioration (ou non) de la dermatose et la sévérité du psoriasis. En revanche, chez une même femme, l’évolution du psoriasis au cours de la gestation est généralement la même d’une grossesse à l’autre(7). L’évolution positive de la dermatose pendant la grossesse est probablement due à l’imprégnation hormonale spécifique (corps jaune) et à la tolérance immunitaire transitoire de l’organisme, qui permet au fœtus de se développer. Malheureusement, au cours des mois qui suivent l’accouchement, dans 40 à 90 % des cas, on observe un rebond de la maladie. Il s’agit alors souvent de psoriasis en gouttes. À noter que l’aggravation en post-partum n’a pas de lien avec l’amélioration durant la gestation(8). Enfin, l’allaitement a peu d’influence sur l’histoire naturelle du psoriasis. Autre sujet de préoccupation des femmes, la dermatose peut-elle avoir des répercussions négatives sur le déroulement de la grossesse ? Là encore, il convient de rassurer les patientes. Le psoriasis n’augmente pas le risque de complication gestationnelle (après ajustement des paramètres susceptibles d’intervenir tels que le tabagisme, la parité, l’âge maternel, l’IMC, le diabète ou la dépression). Toutefois, la présence de comorbidités associées au psoriasis devra être prise en compte dans le suivi de la grossesse(9). Quels traitements proposer pendant la grossesse ? La question du traitement de la dermatose durant la grossesse est centrale dans les préoccupations des femmes comme des médecins. Doit-on arrêter les médicaments ? Que proposer aux patientes avec des lésions sévères durant la grossesse ? Il n’y a pas d’essais randomisés spécifiques chez les femmes enceintes. Mais il existe des recommandations. Parmi les traitements locaux, les analogues de la vitamine D topiques et les dermocorticoïdes peuvent être utilisés normalement ; pour l’acide salicylique et le tacrolimus, la surface et le rythme d’application doivent être réduits(9). Les recommandations concernant les traitements systémiques diffèrent selon les pays. En 2019, en France, les UVB ou la ciclosporine étaient indiqués en 1re ligne ; en cas d’insuffisance de résultats, le choix portait sur l’étanercept, l’adalimumab ou l’infliximab (excepté au 3e trimestre de la grossesse). En 2020, la Belgique comme l’Allemagne recommandaient le certolizumab pegol en 1re intention dans les formes sévères. En pratique, le médecin peut se référer aux données actualisées du CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes). Selon cet organisme, le certolizumab pegol peut être utilisé si nécessaire, quel que soit le terme de la grossesse (il ne passe pas la barrière placentaire). Dans la mesure du possible, on cherchera une alternative à l’ustékinumab et au sécukinumab (en choisissant, par exemple, le certolizumab pegol). L’adalimumab et l’infliximab peuvent être utilisés en programmant si possible une dernière administration au début du 3e trimestre. Enfin, l’étanercept peut être utilisé, quel que soit le terme de la grossesse. D’une façon générale, les vaccins vivants doivent être évités les premiers mois suivant la naissance chez les enfants nés de mères sous biothérapie. Rémission sous traitement : stop ou encore ? Autre question d’actualité : faut- il arrêter ou non le traitement chez un patient en rémission complète depuis plusieurs mois ? En effet, les nouvelles thérapies disponibles permettent un blanchiment durable des lésions chez de nombreux patients : plus de 75 % des patients obtiennent un PASI 90 et 50 % un PASI 100(10).Il y a des arguments pour et des arguments contre l’interruption (ou la diminution) du traitement. Plusieurs éléments plaident en faveur de la poursuite : la fréquence des rechutes à l’arrêt brutal de la thérapie(11), le stress engendré par une récidive et l’incertitude concernant la bonne efficacité du traitement en cas de reprise après l’arrêt(12,13). De plus, la poursuite d’un traitement efficace pose peu de problèmes. Les effets indésirables apparaissent plutôt au début de la prise et ne sont ensuite pas majorés. Toutefois, on ne peut ignorer la lassitude des patients et leur souhait d’alléger le fardeau thérapeutique ; la diminution ou l’arrêt a aussi un bénéfice en termes de coûts. En réalité, chaque situation est particulière. Nathalie Beneton en fait l’illustration avec deux cas cliniques. Ainsi, chez une patiente en rémission complète sous ustékinumab et souhaitant alléger son traitement, il est possible d’espacer progressivement les injections, sans interrompre définitivement l’anti-IL-12/23. En revanche, chez un jeune homme sous adalimumab, très amélioré par la biothérapie mais avec des rechutes liées à des interruptions inopinées du traitement et du suivi, l’espacement des doses ne semble pas être la solution ; il est préférable chez ce patient, mauvais observant, d’échanger pour un médicament plus maniable. Enfin, dans certains cas, c’est la survenue d’une pathologie intercurrente comme un cancer qui amène à discuter d’une interruption du traitement. En théorie, une biothérapie doit être arrêtée en cas de cancer, mais il semble qu’elle puisse être poursuivie si nécessaire et après discussion avec l’oncologue. En pratique, la majorité des dermatologues allègent le traitement chez les patients qui le souhaitent et en rémission depuis 6 mois à 1 an. Les malades font généralement confiance à leur médecin et suivent son avis(14). Cette attitude semble être la bonne, puisque 64 %des patients avec un traitement à dose réduite sont encore en rémission à 1 an et 26 % à 3 ans(15). Toutefois, on a besoin de davantage de données pour déterminer plus précisément la conduite à tenir dans les différentes situations qui se présentent. Des études prospectives sont nécessaires pour définir quels patients sont concernés (critères de rémission ou d’activité faible, identification de profils super-répondeurs, influence de l’évolution récente du psoriasis, demande du patient), pour déterminer comment procéder, et pour évaluer les résultats en termes de maintien de la réponse thérapeutique, de satisfaction du patient, d’épargne d’effets secondaires et de coûts. Un travail néerlandais en cours, la BeNeBio study, conduit par Lara van der Schoot, devrait apporter des réponses à ces questions d’ici 2 à 3 ans.

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