Publié le 30 avr 2025Lecture 5 min
Actualités sur le traitement de la gale
Catherine FABER, d’après la communication d’Olivier Chosidow

La gale est un enjeu de santé publique du fait de sa fréquence, de son impact psychosocial et de la gravité potentielle de ses complications(1).
La gale est l’une des maladies infectieuses les plus fréquentes au monde avec plus de 200millions de personnes touchées à un moment donné(2). Elle apparaît le plus souvent par épidémies, mais est également endémique dans les pays à ressources limitées. C’est aussi dans ces régions que l’on observe ses complications les plus sévères liées au streptocoque, comme le rhumatisme articulaire aigu, la glomérulonéphrite poststreptococcique et la fasciite nécrosante(2). Les différences de pratiques de prise en charge de cette ectoparasitose entre les pays(3) témoignent de l’absence de niveau de preuve suffisant. Une méta-analyse d’essais randomisés a clairement montré que le traitement de masse par ivermectine (IVM) orale permet une diminution significative de la prévalence de la gale dans les populations concernées par rapport à la perméthrine topique(4). L’albendazole en traitement de masse est en cours d’évaluation dans un essai mené au Bénin (SCAB-ALB).
Perméthrine topique versus ivermectine orale
Dans la gale commune, la littérature est contradictoire. Deux revues Cochrane publiées en 2007 et en 2018 sont parvenues à une conclusion différente alors qu’aucun essai randomisé n’avait été réalisé dans l’intervalle. La première indique que la perméthrine topique est le traitement le plus efficace(5). Dans la seconde, il n’y avait pas de différence significative entre les deux antiscabieux(6). Une méta-analyse ultérieure n’a pas permis de hiérarchiser les traitements(7). Les essais pris en compte dans ces publications présentent des limites importantes comme l’absence de confirmation diagnostique à l’inclusion et de traitement en parallèle de l’entourage.
Pour palier ces limites, il faut réaliser un examen parasitologique ou une dermoscopie systématique et une analyse en cluster. Les autres limites des essais sont l’utilisation de médicaments non ou peu ovocides, qui impose la réalisation de deux cures, et l’évaluation de la guérison clinique à J28, qui doit idéalement être faite en insu des traitements reçus par les patients.
Un essai académique français méthodologiquement rigoureux a comparé l’IVM orale 200 μg/kg et la perméthrine topique à 5 %, administrées à deux reprises, dans la gale commune de l’enfant et de l’adulte (SCRATCH)(8). Cet essai multicentrique contrôlé randomisé avec une analyse en cluster et une évaluation en insu a montré que la perméthrine est plus efficace que l’IVM. La connaissance des facteurs associés à l’échec des traitements antiscabieux permet de mieux appréhender les raisons de la supériorité de la perméthrine. Il s’agit parfois de facteurs individuels, comme cela a été montré dans des populations de Guyane qui, ayant leurs propres traitements traditionnels, n’acceptent pas la perméthrine(9). La cause d’échec la plus fréquente est donc la pseudo-résistance(10).
En France, une étude publiée dans l’année précédant la commercialisation de la perméthrine 5 % a montré qu’il n’y avait pas de résistance des sarcoptes à l’action neurotoxique de cette molécule(11). En Europe, la question d’une diminution de la sensibilité de ce parasite à la perméthrine dans certains pays est soulevée(12). Des mutations associées à la résistance à la perméthrine ont été récemment détectées chez les sarcoptes(13).
Quelle alternative à la perméthrine ?
En cas de résistance à la perméthrine 5 %, il existe plusieurs autres options. L’IVM en monothérapie doit être prise lors d’un repas afin d’augmenter sa biodisponibilité (200 μg/kg à J0 et J10). En ce qui concerne les autres scabicides topiques, des essais de grande ampleur sont nécessaires pour confirmer la non-infériorité du benzoate de benzyle sur l’IVM et sa supériorité versus la perméthrine rapportées dans la littérature(14,15). Le spinosad n’est pas disponible, le lindane et le malathion ont été retirés du marché et, pour le souffre et le crotamiton, le niveau de preuve actuel est faible. Une dernière alternative, l’association IVM + perméthrine, devrait être réservée, soit aux échecs de ces médicaments administrés séparément, soit aux formes sévères (profuses et/ou hyperkératosiques). Son intérêt dans la gale sévère a été démontré par un essai contrôlé randomisé multicentrique mené par une équipe française, dans lequel il n’y avait pas de différence d’efficacité entre les doses de 200 μg et 400 μg d’IVM (GALE CRUSTED)(16).
En pratique
Dans la gale classique, il est raisonnable d’utiliser la perméthrine 5 % en première ligne, sous réserve notamment d’une bonne observance, de son acceptabilité par les patients, de la faisabilité du traitement et de l’absence de résistance moléculaire. Pour la gale commune de l’enfant (< 15 kg) et de la femme enceinte ou allaitante, le traitement est guidé par les recommandations du Centre de preuves en dermatologie(17,18). Chez le nouveau-né et le nourrisson de moins de 2 mois, elles stipulent de privilégier la perméthrine 5 % crème et de discuter une hospitalisation en fonction du contexte. Chez le nourrisson de 2 à 24 mois, la gale est prise en charge par un traitement topique en privilégiant la perméthrine avant 1 an ou en cas de peau lésée ou d’atteinte cutanée du visage. Chez les plus de 2 ans, le choix est possible entre les traitements topiques et l’IVM. Cette dernière doit toutefois être préférée s’il y a un doute sur l’observance ou en cas de mauvais état cutané ou de cas groupés. Chez la femme allaitante, la perméthrine, le benzoate de benzyle et l’IVM peuvent être prescrits en première intention. Chez la femme enceinte, le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) autorise l’utilisation de l’IVM, mais la préférence va au traitement cutané par perméthrine crème, voire par benzoate de benzyle. L’IVM peut être donnée en deuxième intention quel que soit le terme de la grossesse, en prise unique, renouvelable une semaine plus tard si besoin.
Dans la gale sévère, l’association de trois doses d’IVM (J0, J7 et J14) + deux applications de perméthrine 5 % et des émollients constitue aujourd’hui le standard minimal de traitement avec un niveau de preuve élevé(16).
D’après la communication d’Olivier Chosidow (hôpital universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris). Session « Hot topics », JDP 2024.
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