Publié le 31 mai 2025Lecture 5 min
Les biomédicaments chez la femme enceinte ou allaitante
Céline FERRAT, d’après la communication d’Émilie Brenaut (CHRU de Brest)

Pour obtenir des informations sur les traitements biologiques au cours de la grossesse et de l’allaitement ou dans le cadre d’un projet de grossesse, le dermatologue dispose de trois sources : le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), le Vidal et la base de données en anglais LactMed.
Les spécificités pharmacologiques en cours de grossesse doivent être connues. Le placenta n’est pas une barrière et laisse passer presque tous les médicaments, à l’exception de ceux de gros moléculaire parmi lesquels l’héparine, l’insuline et l’interféron α. On sait aussi que, chez le nouveau-né, le temps d’élimination plasmatique est plus long que chez l’adulte en raison de l’immaturité de ses fonctions hépatique et rénale. Il peut donc être potentiellement exposé aux effets secondaires des médicaments reçus par sa mère.
La nature du risque dépend du terme de la grossesse. Les deux premiers mois de grossesse cons - tituent la période à risque tératogène. Durant les sept derniers mois, le risque est fœtal et/ou néonatal avec soit une toxicité irréversible sur la maturation d’un organe ou d’un tissu, soit un effet pharmacologique transitoire du traitement maternel sur le nouveauné comme avec les anti-TNF. Il y a un risque possible de carcinogenèse à distance (Distilbène®) ou de retard psychomoteur et de troubles psychiatriques par exemple avec le valproate de sodium. La période à risque couvre alors toute la grossesse.
Le Vidal contre-indique beaucoup de médicaments par précaution, ce qui limite son utilité. La source d’information la plus utile est le CRAT. Quelques molécules ré centes ne figurent pas sur son site Internet* ou avec très peu de données. Il suffit alors de prendre contact avec le centre pour être rapidement renseigné. Ses recommandations sont fondées sur la physiopathologie, les données chez l’animal et les données cliniques. Pour les biothérapies, ces dernières peuvent être celles obtenues en dermatologie, mais aussi provenir des autres spécialités concernées par leur prescription. Quant à la base de données LactMed**, elle peut apporter des informations complémentaires ou plus précises sur l’allaitement.
Dermatite atopique
Aucune donnée sur le passage placentaire du dupilumab n’apparaît sur le site du CRAT. Les données publiées sur ce médicament en cours de grossesse sont très peu nombreuses. Tous les enfants issus des 65 grossesses exposées rapportées dans la littérature vont bien. Dans la majorité des cas, le traitement a été arrêté au cours du premier trimestre. À ce jour, il n’y a pas suffisamment de données pour recommander largement le dupilumab chez les femmes enceintes. Selon le Vidal, il ne doit être utilisé pendant la grossesse qu’en cas de rapport bénéfice attendu/risque favorable pour le fœtus.
Pour le tralokinumab, on dispose d’encore moins de données. Chez le singe, il n’est pas tératogène et passe dans le placenta. Les données cliniques disponibles en cours de grossesse sont quasi inexistantes. Quelques grossesses sous tralokinumab ont été rapportées dans des essais cliniques, mais le traitement a été interrompu à sa découverte et il n’y a pas de précision sur la durée d’exposition. Le Vidal préconise d’éviter l’utilisation de cette molécule pendant la grossesse.
Lors d’un projet de grossesse, le dupilumab et le tralokinumab doivent être arrêtés avant la conception dans un délai respectivement de 10 à 15semaines et de 3,5mois. Le CRAT autorise l’allaitement maternel sous dupilumab en s’appuyant sur les connaissances actuelles : un faible passage dans le lait, l’absence d’événement particulier parmi la quinzaine d’enfants allaités par des mères sous dupilumab, et sa destruction probable dans le tube digestif du fait de sa structure polypeptide rendant l’exposition systémique de l’enfant via le lait peu vraisemblable. Son site ne fournit pas de données sur le tralokinumab. Les informations de LactMed se limitent à des données physiopathologiques : le passage probablement très bas de cette grosse molécule dans le sang et sa destruction probable dans le tube digestif de l’enfant.
Psoriasis
Les éléments importants sont le passage placentaire, le moment de la grossesse et la demi-vie de la molécule. On considère qu’elle est éliminée au bout de cinq demi-vies. L’anti-TNFα recommandé en première intention est le certolizumab qui peut être poursuivi tout au long de la grossesse. Il est possible de pour suivre le traitement pendant la grossesse si nécessaire avec l’étanercept, et sous réserve d’une dernière injection au début du troisième trimestre, avec l’adalimumab et l’infliximab. L’utilisation de l’antiIL-12/23 ustékinumab est envisageable que si le certolizumab ne convient pas avec, là encore, une dernière injection au même moment de la grossesse. Cet avis s’applique à l’anti-IL-17 sécukinumab, avec une dernière injection à 22 semaines d’aménorrhée (SA). Les trois autres anti-IL-17 (ixékizumab, brodalumab, bimékizumab) ainsi que les anti-IL-23 (guselkumab, rizankizumab, tildrakizumab) ne sont pas recommandés pendant la grossesse. Chez les femmes avec projet de grossesse, ils doivent être arrêtés de 9 à 17 semaines avant la conception selon leur demi-vie d’élimination plasmatique. Pour mémoire, chez le nouveau-né d’une mère traitée par biomédicament, les vaccins vivants sont contre-indiqués 6 mois après la dernière injection. Le CRAT autorise les femmes sous anti-TNFα ou ustékinumab à allaiter leur enfant. En revanche, il déconseille l’allaitement maternel avec le sécukinumab. Pour les autres biothérapies, du fait de l’absence de données, l’allaitement doit être évité.
Urticaire
En ce qui concerne le ris que malformatif, le CRAT indique que l’omalizumab n’a pas montré d’effet tératogène chez le singe et que les données publiées chez les femmes en ceintes exposées au premier trimestre de grossesse sont nombreuses et rassurantes. Sur le plan fœtal et néonatal, le passage transplacentaire augmente progressivement après 14 SA. Les données chez les femmes enceintes exposées en deuxième partie de grossesse sont moins nombreuses, mais elles sont assez rassurantes. Pour le CRAT comme pour le Vidal, l’omalizumab peut être utilisé en cours de grossesse si nécessaire et l’allaitement maternel est également envisageable.
Enfin, il est important de prévoir une consultation préconceptionnelle, d’aborder régulièrement le sujet avec les patientes concernées et surtout de signaler au CRAT les grossesses exposées. Si besoin, la conduite à tenir sera décidée au cas par cas en réunion de concertation pluridisciplinaire.
* www.lecrat.fr
** www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK501922
D’après la communication d’Émilie Brenaut (CHRU de Brest), Flashs pour la pratique, JDP 2024.
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