Publié le 31 mai 2025Lecture 5 min
Dermatite atopique résistante aux dermocorticoïdes : anti-interleukines ou inhibiteurs de JAK ?
Catherine FABER, d’après la communication de Frédéric Cambazard (CHU de Saint-Étienne)

L’arrivée des traitements biologiques anti-interleukines, puis des inhibiteurs de JAK dans la dermatite atopique modérée à sévère en échec d’un traitement optimal (règles d’hygiène classiques et utilisation des dermocorticoïdes de façon adaptée) a transformé la vie des patients et de leurs médecins.
Cette nouvelle ère thérapeutique de la dermatite atopique (DA) nécessitant un traitement systémique a été inaugurée par le dupilumab (Dupixent®). Il s’agit d’un anti-IL-4/IL-13 indiqué dans la DA modérée à sévère de l’adulte et de l’adolescent âgé de 12 ans et plus, et la DA sévère de l’enfant âgé de 6 mois à 11 ans. Plusieurs études randomisées de phase III ont évalué ses effets dans différentes populations pédiatriques âgées de 6 mois jusqu’à 17 ans. L’efficacité et la bonne tolérance du dupilumab ont d’abord été démontrées chez les adolescents (12-17 ans)(1). Dans cette tranche d’âge, une étude ouverte d’extension sur 52 semaines a mis en évidence son efficacité à long terme, avec une amélioration progressive et maintenue dans le temps des signes et des symptômes de la maladie et de la qualité de vie(2). Chez les enfants de 6-11 ans, le dupilumab a fait la preuve de son intérêt en association aux dermocorticoïdes (DC) dans la DA sévère(3). Il a aussi été montré que leur atteinte cutanée s’améliore plus rapidement que chez les adolescents(4). Chez les enfants de 6 mois à 5ans, on observe également une amélioration clinique significative de la DA sous dupilumab(5). Le traitement n’augmente pas leur risque global d’infection (versus placebo) et est associé à une réduction du risque d’infection bactérienne et non herpétique, avec en conséquence une moindre utilisation de médicaments antiinfectieux(6). Rappelons que dans la DA des nourrissons et des enfants d’âge préscolaire, le passage au traitement systémique est rarement nécessaire, car il n’y a pratiquement jamais d’échec des traitements topiques.
L’anti-IL-13 tralokinumab (Adtralza®) en monothérapie a prouvé son efficacité et sa sécurité versus placebo chez les adolescents de 12-17 ans atteints de DA modérée à sévère(7). Il permet une amélioration significative du prurit, des scores de sommeil et d’anxiété, et de la qualité de vie en général. La réponse au traitement se maintient à long terme (S52) sans avoir recours à un traitement de secours. Le tralokinumab a une AMM dans le traitement de la DA modérée à sévère de l’adolescent de plus de 12 ans, et une ASMR III. Chez les adolescents, il bénéficie d’un remboursement dans cette indication depuis mars 2024. Un autre anti-IL-13, le lébrikizumab (Ebglyss®) a fait l’objet d’essais de phase III positifs, jusqu’à S52, dans la DA modérée à sévère chez les adolescents de 12 ans et plus (≥ 40 kg)(8,9) et obtenu une AMM dans cette indication. En mai 2024, la Commission de la transparence a rendu un avis favorable à son remboursement chez l’adolescent. Une négociation de prix avec le Comité économique des produits de santé est en cours.
Autre traitement systémique moderne
Trois inhibiteurs de JAK (iJAK) sont disponibles dans la DA parmi lesquels l’upadacitinib (Rinvoq®) qui a une AMM à partir de l’âge de 12 ans (> 30 kg ; 15 mg 1x/j). Chez l’adolescent, cet anti-JAK 1 et 2 est un traitement systémique de première ligne des formes modérées à sévères de DA (la ciclosporine est contre-indiquée avant 16 ans). L’analyse des données de trois études randomisées de phase III a montré son efficacité à long terme et son bon profil de tolérance dans cette population de patients(10). L’upadacitinib est plus efficace, mais moins bien toléré que le dupilumab(8). D’après l’analyse primaire d’une étude en cours, il agit plus rapidement que l’anti-IL-4/IL-13, et son effet est près de deux fois plus important à la 4e semaine(11). L’effet des deux traitements se rejoint ensuite au fil du temps, et, à 24 semaines, la différence perd sa significativité(11). Le traitement par upadacitinib doit être arrêté en cas d’inefficacité après 12 semaines.
Un deuxième anti-JAK 1 et 2, le baricitinib (Olumiant®), a une AMM dans le traitement de la DA modérée à sévère à partir de l’âge de 2 ans (2 ou 4 mg selon le poids), mais il n’est pas encore remboursé. L’arrêt du traitement doit être envisagé en l’absence d’amélioration après 8 semaines. Une étude randomisée de phaseIII a apporté des données probantes d’efficacité et de sécurité d’emploi du baricitinib chez les adolescents de 2-17 ans(12). Son efficacité peut être améliorée lorsqu’il est associé aux DC. D’autres données pédiatriques indiquent que l’amélioration de la DA se poursuit dans le temps pendant plusieurs années (recul d’exposition de 68 semaines et jusqu’à 3,6 ans)(13,14).
On dispose aussi de résultats positifs d’efficacité et de tolérance de l’abrocitinib (Cibinqo®, antiJAK1) associé à un topique dans la DA modérée à sévère de l’adolescent de 12-17 ans(15). Comme les autres iJAK, l’amélioration du prurit est rapide, dès la 2e semaine(16). Une amélioration significative de l’atteinte cutanée est observée dès la 4e semaine. L’efficacité clinique est maintenue à 16 semaines et persiste à 2 ans(17). L’abrocitinib a obtenu en mars 2024 une extension d’AMM pour les adolescents âgés de 12 et plus ayant une DA nécessitant un traitement systémique. Un avis favorable à son remboursement dans cette indication chez l’adolescent a été rendu en juillet 2024 par la Commission de la transparence. Des formulations topiques des iJAK sont en développement. Cependant, les iJAK topiques s’avèrent moins efficaces que les formes orales et leur arrêt est suivi d’une rechute plus rapide. À ce jour, aucun d’entre eux n’a d’AMM dans la DA.
Les iJAK présentent un intérêt à plusieurs titres. Ils sont utilisés par voie orale, à la différence des anti-interleukines dont l’administration se fait par voie injectable. Ces médicaments ont une efficacité supérieure à celle des anti-interleukines, mais leur maniement est un peu plus difficile. Ils sont en effet plus immunosuppresseurs que les anti-interleukines et nécessitent des précautions d’emploi et la surveillance d’effets secondaires éventuels. Les prix des médicaments des deux classes thérapeutiques sont similaires. Ils varient selon les doses de 743 € à 1 200 € par mois.
D’après la communication du Pr F. Cambazard (CHU de Saint-Étienne), 27e Journée de dermatologie pédiatrique d’automne (JDPA), Bron, 7 novembre 2024.
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