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Dermatologie pédiatrique

Publié le 12 avr 2022Lecture 8 min

Dermatologie pédiatrique : de nombreuses avancées

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Ces deux dernières années, de nombreuses publications sont venues enrichir la compréhension et la prise en charge des affections dermatologiques chez l’enfant. Tour d’horizon avec le Professeur Sébastien Barbarot du CHU de Nantes.

Dermatite atopique : domaine de recherche dynamique La dermatite atopique (DA) a été au centre de multiples travaux. Utilisé chez l’adulte, le dupilumab (anticorps anti-IL4/IL13) a fait la preuve de son efficacité et de sa bonne tolérance chez des enfants âgés de 6 à 11 ans atteints de DA. À 16 semaines, 70 % des patients recevant l’association dupilumab + dermocorticoïdes (DC) avaient un EASI75 versus 27 % de ceux recevant les DC seuls. Les auteurs ont observé une réponse dissociée en fonction du poids, qui a conduit à une adaptation des dosages dans l’AMM. Dans cet essai, la fréquence des conjonctivites était supérieure à celle notée chez l’adulte(1). Toutefois, ce surrisque n’a pas été observé dans les études en vie réelle, lesquelles, au contraire, ont retrouvé moins de conjonctivites et d’érythèmes cervico-faciaux chez les jeunes enfants. Dans la population pédiatrique, la présentation clinique de ces érythèmes est différente de celle de l’adulte, avec des troubles vasomoteurs rythmés par les injections de dupilumab et non des lésions érythémateuses et squameuses comme chez l’adulte(2,3). Les inhibiteurs de JAK ont également été évalués dans la DA chez les adolescents de 12 à18 ans. À 12 semaines, 46 % des patients recevant l’abrocitinib associé aux DC obtenaient unIGA-0/1 et 72 % un EASI75, versus respectivement 24 % et41 % des patients du bras DC seuls. La tolérance a été assez bonne avec quelques nausées et papules inflammatoires acnéiformes(4). Par ailleurs, les profils évolutifs de la DA ont été analysés dans une grande étude longitudinale incluant 11 000 enfants suivis de l’âge de 6 mois à 14 ans. L’incidence cumulée de DA à 14 ans était de 34 %, avec 4 % de formes sévères et persistantes, 7 % de formes modérées et persistantes, 11 % de formes modérées-résolutives et 17 % de formes légères-intermittentes. Il y avait 4 fois plus de mutations de la filaggrine, 3 fois plus d’asthme et 2 fois plus d’antécédents de DA dans le groupe sévère-persistant(5). « Il faut intensifier nos efforts de dépistage et de prise en charge thérapeutique précoces chez ces enfants atteints de formes sévères », a souligné S. Barbarot. Enfin, un travail très intéressant a mis en évidence des troubles des apprentissages associés aux formes sévères de la DA, avec des difficultés de concentration et des troubles du sommeil(6). L'exposition des enfants au SARS-coV-2 Sans surprise, ces deux dernières années, un certain nombre de publications concernaient l’épidémie de la Covid-19. « Dès le mois de mars 2020, durant le confinement, on a assisté à une explosion des cas d’engelures chez l’enfant et l’adolescent », a indiqué le Pr Barbarot. Les PCR étaient quasiment toujours négatifs, ainsi que les sérologies. « On s’est rapidement aperçus que la présence d’engelures était corrélée au niveau d’exposition au SARS-CoV-2 : les enfants touchés n’étaient pas infectés mais étaient en contact avec des personnes atteintes de la Covid-19. » Dans un tiers des cas, les engelures ont guéri sans problème ; une fois sur trois, elles ont disparu, puis ont réapparu périodiquement ; et dans le tiers des cas restant, les engelures persistaient au-delà de 6 mois, souvent associées à un acrosyndrome. Il est probable que l’hyperproduction d’IFN, induite par l’exposition au virus chez les sujets jeunes, soit responsable de ces engelures(7,8). La survenue de syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS) durant la pandémie de la Covid-19 et les similitudes de cette affection (heureusement très rare) avec la maladie de Kawasaki ont été étudiées dans une série new-yorkaise de 35 enfants : 60 % de Kawasaki, 29 % PCR positifs au SARS-CoV-2, 54 % de sérologies positives. Outre les myocardites et les troubles digestifs, les signes muco-cutanés étaient très fréquents (83 %) sous forme de conjonctivites, d’œdèmes et de desquamations plantaires, de langues framboisées, de chéilites, d’œdèmes périorbitaires, d’érythèmes réticulés des cuisses. Ces signes apparaissaient 2 à 3 jours après le début de la fièvre et duraient 5 jours en moyenne(9). Des avancées dans les dermatoses rares Une publication récente vient de rapporter trois cas de dermatoses papulo-squameuses associées à CARD14 chez l’enfant. Le CAPE (CARD14 Associated Papulosquamous Eruption) re-groupe des dermatoses comme le psoriasis ou le pityriasis rubra pilaris (PRP) associées à une mutation CARD14. Un début précoce (avant 1 an), une atteinte faciale prédominante, des antécédents familiaux de maladie autosomale et une faible réponse aux traitements conventionnels doivent faire évoquer le diagnostic de CAPE. L’ustékinumab (anti-IL12/IL23) est une option thérapeutique intéressante chez ces enfants(10). Les porokératoses sont associées à des mutations germinales dans des gènes de la synthèse du cholestérol (par exemple, la mévalonate kinase) avec un phénomène de perte d’hétérozygotie dans la peau (second hit)(11). Parmi les tentatives thérapeutiques de plus en plus nombreuses fondées sur la compréhension de la physiopathologie des génodermatoses, un topique associant du cholestérol et de la lovastatine, testé chez 5 patients atteints de porokératose, a fait preuve d’une certaine efficacité(12). Le syndrome de Netherton est une maladie sévère due à une activation protéolytique dans l’épiderme et une altération profonde de la barrière cutanée, associées à une activation Th2et Th17. L’implication de cette voie de signalisation a conduit à essayer le sécukinumab (anti-IL17) chez 4 enfants atteints d’une forme sévère. Le traitement a apporté une amélioration mitigée, avec de meilleurs résultats chez les enfants avec des lésions érythrodermiques très sévères. Deux cas d’infections unguéales à Candida albicans ont été signalés(13). On sait que la dermatomyosite juvénile réfractaire répond mal aux traitements conventionnels (30 % d’échecs avec méthotrexate et corticoïdes). Dans ce contexte, l’intérêt des inhibiteurs de JAK (ruxolitinib ou le baricitinib) a été évalué chez 10 enfants. Les auteurs ont observé une rémission complète dans la moitié des cas et une réduction des corticoïdes, avec cependant une efficacité variable selon les enfants. Les dermatomyosites juvéniles anti- MDA5, anti-NXP2 ont semblé tirer le meilleur bénéfice de ce type de traitement(14). Enfin, certaines dermatoses réputées rares chez l’enfant ne le sont peut-être pas. Tel est le cas, par exemple, de l’hidradénite suppurée (HS). En effet, la moitié des adultes souffrant d’HS déclarent avoir eu des signes dès l’enfance. Une étude américaine, fondée sur les données de l’Assurance- maladie, a comparé le parcours de soin et la présentation clinique de 1 094 enfants atteints d’HS (14 ans en moyenne, 85 % de filles) à ceux de 7 633 adultes avec une HS (37 ans en moyenne, 77 % de femmes). Il ressort de cette analyse une prévalence plus importante des comorbidités chez les jeunes (50 % d’acné conglobata, 30 % d’obésité et 30 % d’anxiété), un délai de diagnostic moins long que chez l’adulte, mais davantage d’erreurs diagnostiques (folliculites, comédons dans les plis) et des consultations aux urgences plus fréquentes(15). L’HS doit être évoquée face à une adolescente en surpoids avec de l’acné. Des études dans les neurofibromatoses Un essai non comparatif de phase 2 (n = 50) a été réalisé avec un inhibiteur de MAPK kinase (MEK) 1 et 2 (sélumétinib) dans la neurofibromatose plexiforme chez l’enfant. Ce travail fait état de : 70 % de réponses partielles, 56 % de réponses durables (plus d’un an), 5 arrêts pour toxicité (cardiaque, ophtalmologique et cutanée) et 6 progressions(16). Ces résultats font naître un espoir chez les enfants atteints de neurofibromatose plexiforme inopérable, notamment les formes cervico-faciales qui entraînent une morbidité importante. Le sélumétinib a obtenu une AMM conditionnelle chez l’enfant de plus de 6 ans en juillet 2021. Par ailleurs, de nouveaux critères diagnostiques ont été ajoutés aux critères classiques de la neurofibromatose de type 1 : présence d’un variant dans le gène NF1 dans plus de 50 % des leucocytes ou tissu non atteint ; caractère bilatéral des lésions pigmentées (pour bien la différencier de la neurofibromatose segmentaire) ; anomalies choroïdales à l’examen ophtalmologique (plus spécifiques que les nodules de Lynch). En revanche, n’ont pas été retenus : l’hamartome anémique et les xanthogranulomes juvéniles (non spécifiques et transitoires). Un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour la neurofibromatose de type 1 est paru en août 2021(17). Des malformations vasculaires Un travail a évalué l’intérêt du sirolimus per os dans les malformations vasculaires de bas débit chez l’enfant. Il s’agit d’un essai randomisé avec phase d’observation de 4 à 8 mois qui a inclus 59 enfants (11,6 ans en moyenne) : 1/3 de malformations veineuses, 1/3 de malformations lymphatiques et 1/3 de malformations mixtes. Le volume des malformations lymphatiques a diminué avec une amélioration des critères subjectifs. Le traitement a été très peu ou pas efficace dans les malformations veineuses. La tolérance a été jugée assez bonne, avec néanmoins 5 événements indésirables sérieux et 50 % d’aphtes(18). À signaler, l’évolution de la cartographie des hémangiomes infantiles segmentaires de l’extrémité céphalique qu’il est d’autant plus important de connaître que certains hémangiomes segmentaires sont associés au syndrome PHACE (Posterior fassa malformations,Hemangioma, Arterial anomalies, Cardiac defects, Eye anomalies)(19). Dans ce contexte, des auteurs ont analysé les facteurs de risque du syndrome PHACE en comparant des enfants (238) atteints d’hémangiomes de l’extrémité céphalique avec (44 %) ou sans (66 %) syndrome de PHACE. Ils ont montré que le fait d'avoir plus de 25 cm lésés multiplie par 3 le risque de PHACE, et le fait d’avoir au moins 3 segments atteints multiplie le risque par 18. En revanche l’atteinte de la glande parotide réduit le risque de PHACE ainsi que l’atteinte du segment malaire(20). Enfin sur le plan thérapeutique, on sait maintenant que le timolol topique n’est pas efficace dans les hémangiomes(21) et que l’aténolol est aussi efficace que le propanolol avec une meilleure tolérance (40 % d’effets indésirables versus 70 % dans un essai ouvert chez 377 patients)(22). De mystérieux tableaux cliniques L’origine des cas d’hématidrose avec un exsudat hémorragique transcutané et transmuqueux reste totalement mystérieuse. Une revue de la littérature a retrouvé 36 cas d’hématidrose ; 8 fois sur 10, les patients avaient moins de 18 ans, la majorité était des filles. Les 16 biopsies pratiquées n’ont pas retrouvé d’hématies dans les canaux sudoraux pouvant expliquer ce phénomène. Le cas particulièrement sévère d’une fillette a été rapporté. L’enfant avait plus de 35 épisodes d’exsudats hémorragiques par jour sur tout le corps. Les crises étaient précédées de picotements dans la gorge et de douleurs abdominales, avant que le corps de la fillette se couvre entièrement d’exsudats hémorragiques. Ce mystérieux phénomène particulièrement inquiétant devra être mieux étudié(23,24). Enfin, une nouvelle dermatose bénigne néonatale transitoire a été décrite cette année (20 cas observés) ; il s’agit de télangiectasies latérales abdominales radiaires bilatérales en ailes de papillon survenant chez le nouveau-né. Les signes régressent spontanément en 3 mois. Ils sont souvent associés à une distension abdominale. Devant le très jeune âge des enfants, la bénignité de l’affection et à sa régression rapide et spontanée, aucune biopsie n’a été réalisée, et on ignore l’origine de ces télangiectasies(25).

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