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Plaies et cicatrisation

Publié le 16 jan 2011Lecture 14 min

Quoi de neuf dans les alopécies ?

F. BROUÉ, Paris

Les alopécies touchent plus les hommes que les femmes, mais quel que soit le sexe du patient, ce problème reste difficile à supporter, tant du point de vue esthétique que psychologique. Souvent d’origine génétique, l’alopécie peut aussi être la conséquence malencontreuse d’un traitement médicamenteux ou d’un déséquilibre physiologique. Chaque année, de nouvelles études viennent enrichir les connaissances avec l’espoir de faire progresser la prise en charge des patients alopéciques. L’année 2010 renferme son lot de nouveautés.

Identifier les risques cardiovasculaires lors de l’alopécie androgénétique Des mécanismes physiopathogéniques de l’alopécie androgénétique (AAG) semblent expliquer l’augmentation du risque cardiovasculaire chez ces patients souffrant d’AAG. De nombreux travaux ont permis d’associer l’AAG et le risque de maladies cardiovasculaires, sans pour autant mettre en avant l’analyse des facteurs de risque cardiovasculaire. Une étude récente permet de corriger cet oubli. Les travaux de S. Arias-Santiago et coll.(1) ont permis de confirmer l’association entre une AAG précoce et une augmentation du risque cardiovasculaire, quel que soit le sexe du patient. Les résultats démontrent que la prévalence de plaques athéromateuses carotidiennes ou de syndrome métabolique (critère ATP-III) est supérieure chez les patients présentant une AAG par comparaison au groupe contrôle. Plus précisément, des plaques d’athérome carotidiennes ont été détectées chez 29,9 % des patients avec AAG contre 7,8 % pour le groupe contrôle (p = 0,001) ; et un syndrome métabolique a été détecté chez 54,5 % des patients avec AAG contre 10,47 % dans le groupe contrôle (p < 0,001). Les patients avec AAG présentaient des niveaux d’insuline (12,45 vs 8,01 μU/ml ; p = 0,0001) et d’aldostérone (222,6 vs 171,7 pg/mM ; p = 0,01) significativement plus élevés que chez les patients du groupe contrôle. Ces résultats sont corroborés par une autre étude du même auteur qui met en évidence que les femmes avec AAG ont une prévalence accrue d’hypertension artérielle(2). Les valeurs élevées d’aldostérone chez ces femmes pourraient contribuer, parmi d’autres mécanismes, à développer de manière concomitante une AAG ainsi qu’une prévalence plus élevée d’hypertension. En conclusion, la présence d’une alopécie androgénétique est un paramètre pouvant inciter à rechercher un syndrome métabolique et à examiner les artères carotidiennes chez ces patients, quel que soit leur sexe. 1. Arias-Santiago S et al. Androgenetic alopecia and cardiovascular risk factors in men and women: a comparative study. J Am Acad Dermatol 2010 ; 63 : 420-9. 2. Arias-Santiago S et al. Hypertension and aldosterone levels in women with earlyonset androgenetic alopecia. Br J Dermatol 2010 ; 162 : 786-9. Les récepteurs thyroïdiens au secours de l’alopécie androgénétique Les traitements médicamenteux actuels de l’alopécie androgénétique (AAG), tels que le minoxidil et le finastéride, sont inconstamment efficaces. Il semble intéressant de s’appuyer sur d’autres mécanismes physiologiques afin de développer de nouveaux traitements de l’AAG. Les agonistes des récepteurs aux hormones thyroïdiennes sont fortement associés à la pousse des cheveux. Des patients ont ainsi observé qu’un traitement de thyroxine (T4) pris pour une déficience thyroïdienne entraînait une pousse secondaire des cheveux. De plus, il a été observé que l’application topique de tri-iodothyronine (T3) stimule la prolifération épidermique, l’épaississement du derme et la pousse des poils chez la souris et le rat. Des travaux réalisés chez la souris et le singe ont mis en évidence qu’un thyromimétique, un agoniste sélectif d’un récepteur thyroïdien de sous-type bêta, était efficace en application topique sur la pousse des cheveux. Ce composé, encore expérimental, est capable de pénétrer la peau. Son activité pharmacologique est donc possible avec une pharmacocinétique permettant de limiter l’exposition systémique. Les résultats indiquent également que le risque de photo-irritation est faible avec la quantité de thyromimétique utilisée. Encore au stade d’étude préclinique, ce nouveau composé laisse entrevoir du renouveau dans le traitement de l’alopécie androgénétique. • Li JJ et al. Thyroid receptor agonists for the treatment of androgenetic alopecia. Bioorg Med Chem Lett 2010 ; 20 : 306-8. Quand le manque de fer manque de preuve ! Environ 12 % des femmes préménopausiques souffrent d’une déficience en fer contre seulement 2-5 % des hommes ou 6-9 % des femmes postménopausées. Outre les symptômes classiques dus au manque de fer (fatigue, pâleur, etc.), des manifestations dermatologiques peuvent également apparaître. Au travers de la littérature, la relation entre la déficience en fer chez la femme et la perte des cheveux telle qu’une alopécie non cicatricielle du cuir chevelu ne cesse de faire débat. Une étude récente publiée dans Science(1) prouve qu’il existe un lien entre le taux de fer et la conservation de la fourrure chez la souris. Les auteurs ont provoqué chez une souris une déficience en fer suite à la mutation du gène Tmprss6. La protéine TMPRSS 6 régule négativement le gène Hamp codant pour la hepcidine, c’est-à-dire une protéine responsable de l’inhibition de l’absorption intestinale du fer et de son relargage par les macrophages. Les résultats montrent qu’une supplémentation en fer chez ces souris mutées ne fait pas que renverser la déficience en fer, mais permet également de restaurer la pousse des poils de leur fourrure. Cette publication n’est pas la seule à être en faveur de l’existence d’un lien entre perte de cheveux (alopécie ou pelade) et déficience en fer. Cependant, d’autres investigations semblent nécessaires compte tenu de la disparité des résultats scientifiques et cliniques présents dans les bases de données. Une revue récente(2) traitant du lien entre alopécie et fer conclut que la réalisation d’une étude randomisée, contrôlée versus placebo pourrait enfin permettre de trancher définitivement sur le rôle de la déficience en fer dans la perte des cheveux. Les auteurs estiment qu’un taux de ferritine inférieur à 20 μg/l pourrait être utilisé comme seuil arbitraire de diminution critique du stock de fer. En attendant les résultats d’une telle étude, les revues de la littérature ne cessent de discuter du rôle du fer, ainsi que des gènes et des protéines associés au métabolisme du fer en relation avec le développement d’une alopécie. La lecture de ces publications doit ainsi permettre à chacun de se forger sa propre opinion selon les données disponibles. 1. Du X et al. The serine protease TMPRSS6 is required to sense iron deficiency. Science 2008 ; 320 : 1 088-92. 2. St Pierre SA et al. Iron deficiency and diffuse nonscarring scalp alopecia in women: more pieces to the puzzle. J Am Acad Dermatol 2010 ; in press. L’ébastine : des résultats expérimentaux prometteurs dans la pelade En dépit de l’amélioration de la compréhension de la pathophysiologie de la pelade (Alopecia areata, AA), le nombre des traitements ayant une efficacité basée sur des preuves expérimentales reste limité. Des études cliniques semblent montrer un intérêt bénéfique de l’utilisation de l’ébastine, un antihistaminique de seconde génération, chez des patients ayant une AA. Une revue récente montre l’efficacité de l’ébastine relevée dans des observations de cas d’AA : – une femme de 25 ans atteinte d’AA datant de 5 mois et de dermatite atopique, et résistante à l’immunothérapie de contact depuis 2,5 ans, a montré de formidables résultats après un traitement par ébastine (administration orale) associé à de l’immunothérapie pendant 3 mois ; – une femme de 40 ans avec terrain atopique, souffrant d’une AA extensive depuis 3 mois et ne répondant pas aux corticostéroïdes topiques, a été en rémission après 5 mois de traitement par ébastine (administration orale) associé à un traitement topique de corticostéroïdes. L’ébastine a déjà montré son efficacité dans des traitements contre la rhinite allergique et la dermatite atopique. Elle permet de supprimer la production de cytokines proinflammatoires de type Th2 et inhibe la migration des cellules T. Dans l’AA, l’intérêt de l’ébastine serait de limiter la destruction des follicules pileux (médiée par les cellules T) au cours de la pelade. Une étude expérimentale in vivo a permis de vérifier l’efficacité de l’ébastine sur l’AA. Des souris C3H/Hej (littermate) qui développent spontanément des plaques alopéciques ont été utilisées pour tester l’efficacité de l’ébastine en administration orale (1,5 mg/j) pendant 4 semaines vs un groupe contrôle ne recevant que la solution véhicule (tragacanthe 0,5 %). Les souris du groupe ébastine (3/7) ont montré une amélioration phénotypique de l’alopécie, voire une repousse totale des poils chez certains individus. Aucune amélioration n’a été observée dans le groupe contrôle (n = 7). Ces résultats permettent de souligner l’intérêt de l’ébastine dans le traitement de la pelade, principalement chez des patients avec un terrain atopique. Bien entendu, d’autres études cliniques seront nécessaires pour définir plus précisément les bénéfices de l’ébastine, mais les résultats récemment obtenus n’en restent pas moins encourageants. • Ohyama M et al. Experimental evaluation of ebastine, a second-generation antihistamine, as a supportive medication for alopecia areata. J Dermatol Sci 2010 ; 58 : 154-7. Un effet persistant de la chimiothérapie Le risque d’une alopécie persistante suite à une chimiothérapie reste rare, mais il existe. Les données indiquent que la sévérité de l’alopécie dépend de la dose et de la fréquence d’administration de la chimiothérapie (1). La chimiothérapie entraîne une perte des cheveux dans 65 % des cas, et 47 % des patientes considèrent cette perte de cheveux comme l’aspect le plus dramatique de la chimiothérapie(2). Bien que cette perte de cheveux soit réversible, ce fort pourcentage effraie de nombreuses patientes à tel point que près de 8 % d’entre elles pourraient refuser une chimiothérapie à cause du risque d’alopécie. Une alopécie persistante, définie par une absence ou une repousse incomplète de cheveux plus de 6 mois post-chimiothérapie, a été pour la première fois décrite en 1991 chez 6 patients suite à une chimiothérapie en vue d’une transplantation de moelle osseuse (3). Au niveau histopathologique, l’alopécie persistante se caractérise par une réduction sévère du nombre total de cheveux, sans inflammation ni fibrose (1). Récemment, deux autres patientes ayant développé une alopécie persistante sévère ont été signalées suite à l’administration de doses standards de docétaxel et de paclitaxel dans le cadre d’une récurrence locale de cancer du sein (4). Une alopécie persistante a ainsi pu être associée à l’utilisation des anthracyclines et des taxanes, qui sont largement utilisés lors de chimiothérapie adjuvante du cancer du sein. Ces composés pourraient ainsi entraîner une toxicité à long terme à l’origine du développement d’une alopécie persistante ou d’une repousse suboptimale des cheveux (5). L’état actuel de la littérature ne permet pas de comprendre pourquoi certains patients développent une alopécie persistante(2). Mais, les patients devraient être informés du risque de développer un tel effet indésirable. 1. Tallon B et al. Permanent chemotherapy- induced alopecia: case report and review of the literature. J Am Acad Dermatol 2010 ; 63 : 333-6. 2. Trüeb RM. Chemotherapy-induced hair loss. Skin Therapy Lett 2010 ; 15 : 5-7. 3. Baker BW et al. Busulphan/cyclophosphamide conditioning for bone marrow transplantation may lead to failure of hair regrowth. Bone Marrow Transplant 1991 ; 7 : 43-7. 4. Prevezas C et al. Irreversible and severe alopecia following docetaxel or paclitaxel cytotoxic therapy for breast cancer. Br J Dermatol 2009 ; 160 : 883-5. 5. Bourgeois H et al. Alopécies persistantes après chimiothérapies adjuvantes dans le cancer du sein : alerte sur l’émergence d’effets secondaires (observatoire ALOPERS). 31es Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), Lyon, 11-13 novembre 2009. Point sur l’alopécie en 2010 Interview du Dr P. REYGAGNE (Paris)  Quels événements ont retenu votre attention cette année concernant l’alopécie ? L’année 2010 n’a pas été spécialement marquée par l’annonce de nouveaux traitements ou avancées thérapeutiques majeures dans le domaine de l’alopécie androgénétique et cicatricielle. Cela est à regretter, mais des progrès thérapeutiques doivent cependant être notés dans l’apparition de nouvelles galéniques : minoxidil à 5 % en mousse très apprécié depuis sa sortie aux États-Unis ; corticoïdes en shampooing ou en mousse ou encore en lotion associée au calcipotriol pour les psoriasis du cuir chevelu. Dans le domaine du diagnostic, la grande nouveauté est la place de la dermoscopie. De nombreuses communications en 2010 ont porté sur la description, plus riche, des pathologies du cuir chevelu, que ce soit la pelade, les alopécies androgénétiques ou cicatricielles. L’utilisation du dermoscope devient ainsi plus fréquente et améliore progressivement les connaissances physiopathologiques des troubles du cuir chevelu. Nous pouvons aussi souligner que dans le domaine du lichen plan pilaire, un nouvel index d’activité clinique a été proposé pour surveiller les patients sous traitement.  Que pensez-vous des dernières études cliniques mettant en avant la qualité de vie des patients souffrant d’alopécie ? Il est vrai que depuis quelques années, les études cliniques traitant des pathologies du cuir chevelu (pelade, alopécie androgénétique, psoriasis, etc.) sont de plus en plus tournées vers la qualité de vie des patients (échelle de qualité de vie). Que ce soit un effet de mode ou par un souci du bien-être du patient, ces échelles de qualité de vie doivent rester associées à des critères objectifs quantitatifs, densité de cheveux par cm2 par exemple pour l’alopécie androgénétique. Un suivi de densité sur une zone sensible repérée par un angiome, un nævus ou un point de tatouage reste également primordial pour le suivi des alopécies cicatricielles.  Quels sont vos thèmes de recherche publiés ou à venir ? Les dernières publications du Centre Sabouraud couvraient une large gamme de recherche clinique sur le psoriasis du cuir chevelu, les alopécies post-chimiothérapie, les nodules alopéciants du scalp ou le lichen plan pilaire, avec plusieurs publications à paraître sur la dermoscopie des alopécies cicatricielles… Cependant aucun de ces travaux ne révolutionne la prise en charge thérapeutique de l’alopécie. À l’inverse, des études plus intéressantes sont actuellement en cours pour essayer de trouver des traitements plus cosmétiques pour l’alopécie androgénétique et des traitements plus ciblés pour les alopécies cicatricielles, et plus particulièrement dans le traitement du lichen plan pilaire et des folliculites décalvantes. Dans le cadre des folliculites décalvantes, la question physiopathologique est de savoir si l’infection joue un rôle réel ou seulement secondaire. Cette maladie pourrait ainsi être identifiée comme une pathologie autoimmune ou comme une pathologie infectieuse avec persistance de staphylocoques intramacrophagiques au sein des follicules ou probablement comme une pathologie mixte. Une meilleure connaissance permettrait sans doute de mieux traiter cette maladie que ce soit sur le plan immunitaire ou infectieux. Un autre axe de recherche se focalise sur le lichen plan pilaire pour savoir si les cyclines sont un traitement efficace. En effet, cette maladie inflammatoire et chronique est difficile à traiter, voire souvent résistante à la corticothérapie. Les immunosuppresseurs fonctionnent, mais ont beaucoup d’effets secondaires qui freinent leur utilisation.  À l’avenir, quels thèmes de recherche devraient être traités en priorité ? Je vois trois thèmes de recherche majeurs qui devraient être étudiés en priorité. Il s’agit des pelades, des alopécies androgénétiques et des alopécies cicatricielles. Nous aimerions vraiment voir des progrès dans ces trois domaines au niveau des traitements. Les pelades et surtout les alopécies cicatricielles sont malheureusement des maladies orphelines pour lesquelles les financements sont difficiles à obtenir. •  Quelle serait votre conclusion ? Je crois qu’il faut comprendre que les alopécies sont des maladies que l’on peut guérir pour certaines et ralentir pour d’autres si elles sont traitées correctement. Nous nous résignons trop facilement face à des alopécies résistantes. Or beaucoup de traitements sont à notre disposition et peuvent permettre de s’adapter à chaque type de malade. Nous devons toujours impliquer nos patients dans la discussion sur les avantages et les inconvénients des traitements ou de l’absence de traitement. Il ne faut jamais baisser les bras et jamais supprimer tout espoir à nos patients en n’oubliant pas de voir le malade dans son ensemble et pas seulement au niveau du cuir chevelu.

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