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Œil et dermatologie

Publié le 03 aoû 2010Lecture 8 min

Le dermatologue devant un zona ophtalmique

N. ELKIHAL, A. METHQAL, K. SENOUCI, B. HASSAM Service de dermatologie, CHU de Rabat, Maroc

Vingt à 30 % de la population générale développe une fois dans sa vie le zona. L’atteinte ophtalmique se voit dans 10 à 20 % des cas, de ce fait 1 % de la population générale développe un zona ophtalmique une fois dans sa vie (1). L’association de l’atteinte cutanée et ophtalmologique se voit dans 50 à 70 % des cas. Toutes les structures oculaires peuvent être atteintes, notamment la cornée. Le pronostic fonctionnel de l’oeil est engagé, c’est une urgence diagnostique et thérapeutique (1).

Le zona est une ganglioradiculite postérieure aiguë, due à la réactivation d’un virus zona-varicelle (VZV) latent. Sa fréquence et sa gravité augmentent avec l’âge(1,2). La localisation ophtalmique est due à une atteinte de la branche ophtalmique du nerf trijumeau (V1), le VZV étant latent dans ce cas dans le ganglion de Gasser (3). Démarche diagnostique L’interrogatoire s’attachera à rechercher les antécédents de varicelle dans l’enfance, les comorbidités associées, une immunodépression, des facteurs favorisants (stress, traumatisme physique, chirurgie). Les signes fonctionnels seront précisés : prurit, picotement, photophobie, et surtout douleur orbitaire aiguë radiculaire unilatérale d’intensité variable (sensation de brûlure, picotements, paresthésies, hyperesthésies). Ces signes surviennent 3 jours avant l’installation de l’éruption cutanée. Ils peuvent s’accompagner de signes généraux : fièvre, céphalées, altération de l’état général, etc. L’examen cutané de la face retrouve des lésions à type de macules érythémateuses, papules, vésiculo-bulles, pustules. Leur siège est unilatéral ou métamérique, et ne dépasse qu’exceptionnellement la ligne médiane. La palpation peut déceler une adénopathie mandibulaire sensible. Deux à 3 jours après le début de l’éruption, les vésicules se troublent, se flétrissent et se dessèchent, entraînant la formation de croûtes qui surviennent en 5 à 7 jours et disparaissent en 2 à 4 semaines, laissant place à des cicatrices achromiques entouré d’un halot pigmenté souvent indélébile (4) (diagnostic rétrospectif) (figure 3). Il est indispensable de pratiquer un examen ophtalmologique 2 à 3 jours après le début de l’éruption. Figure 1. Séquence pathologique du zona. Toutes les structures de l’oeil peuvent être touchées (5) : – paupières : éruption maculopapulaire puis vésiculaire associée à un oedème, une malposition palpébrale (entropion, ectropion) ; en cas de lésions sévères extensives, on peut observer un ptosis de la paupière ; – conjonctives : conjonctivite, pétéchies hémorragiques, pseudomembranes et vésicules ; – annexes lacrymales : instabilité du film lacrymal et sécheresse oculaire ; – cornée : kératite ponctuée superficielle diffuse, kératite pseudodendritique ; – sclérite et épisclérite ; – uvéite antérieure ; – glaucome secondaire à l’uvéite antérieure, ou obstruction par les cellules inflammatoires ; – cataracte sous-capsulaire postérieure, conséquence de l’uvéite chronique et/ou de l’administration de corticoïdes prolongée ; – rétine (atteinte rare mais grave) : occlusion de l’artère centrale de la rétine, rétinite ischémique, choriorétinite multifocale ou serpigineuse ; – paralysies oculomotrices. Figure 3. Séquelle cicatricielle de zona facial. Si nécessaire, certains examens complémentaires peuvent être demandés pour confirmer le diagnostic : cytodiagnostic de Tzanck (cellules ballonisantes) ; biopsie cutanée, culture virale (le VZV se multiplie difficilement sur culture cellulaire) ; PCR, qui permettra de distinguer une lésion d’herpès ou de zona. Diagnostic différentiel ● Staphylococcie maligne de la face Le début est brutal avec altération de l’état général, fièvre > 40°C, avec un oedème important formant un placard érythémateux du visage (figure 5) surmonté parfois de lésions pustuleuses et d’adénopathie. Le réseau veineux superficiel est turgescent, avec parfois palpation possible de cordons indurés sur les trajets veineux faciaux. Les prélèvements locaux et hémocultures à répétition, la NFS (polynucléose neutrophile) orientent le diagnostic. Le scanner ou l’IRM peuvent objectiver une thrombophlébite, un empyème, voire un abcès cérébral. Le traitement par antibiothérapie et héparinothérapie est une urgence. Le transfert en service de réanimation est nécessaire en cas de convulsion et/ou troubles de la conscience. ● Érysipèle de la face L’érysipèle de la face est une dermohypodermite aiguë due au streptocoque β hémolytique du groupe A. Là aussi le début est brutal, avec fièvre > 38,5°C, frissons, altération de l’état général, placard inflammatoire du visage, infiltré, très douloureux, parfois vésicules ou bulles. Les limites sont nettes, avec parfois un bourrelet périphérique. Le placard est souvent unilatéral et localisé, puis devient bilatéral en aile de papillon et s’étend au front et aux paupières en respectant la région péribuccale et le menton. Il est associé à des adénopathies locorégionales. Les examens paracliniques de base consistent en une NFS, des prélèvements cutanés, des hémocultures et la sérologie (ASLO). L’hospitalisation est nécessaire avec administration de pénicilline G par voie IV : 12 à 16 millions/jour. ● Cellulite orbitaire Elle se rencontre principalement chez l’enfant. Figure 4. Diagnostic différentiel du zona ophtalmique. Elle peut être consécutive à une cause externe (piqûre d’insecte, blessure…) ou interne (sinusite…). Le début est rapide, avec installation d’une tuméfaction associée à un érythème de la paupière et de la peau au voisinage. Des hémocultures sont pratiquées. La TDM est indiquée pour objectiver une atteinte sinusienne. Il faut craindre la survenue de complications, telles une ischémie de la rétine, une thrombose rétinienne ou une méningite. Le traitement repose sur l’antibiothérapie. ● Eczéma aéroporté des paupières Son diagnostic est fait par l’interrogatoire (importance orientatrice de l’atteinte initiale) et l’examen clinique. L’atteinte initiale est fréquente au niveau du visage (figures 6 et 7). La topographie correspondant au contact avec l’allergène, avec des bordures émiettées. Cliniquement, l’eczéma se manifeste par un érythème, des vésicules, un suintement, des croûtes. Figure 5. Staphylococcie maligne de la face. Il est très prurigineux. Il n’y a pas de fièvre ni d’adénopathie (sauf en cas de surinfection). ● Dermatose bulleuse Chez un patient traité par corticothérapie pour une dermatose bulleuse et présentant de nouvelles vésiculo-bulles, peut se poser la question de savoir s’il s’agit d’une poussée de la maladie ou d’infection herpétique (disposition en bouquet ou métamérique, cytodiagnostic de Tzanck). Traitement Le traitement du zona ophtalmique comprend un traitement des symptômes et un traitement étiologique (antiviral). Traitement symptomatique Celui-ci repose sur les antiseptiques locaux (chlorhexidine, Septéal ®), les anti-douleurs, et les antibiotiques en cas de surinfection. Figure 6. Eczéma palpébral. Au stade de croûtes, il est important d’hydrater la peau afin de diminuer le risque de contraction des paupières. À la phase aiguë, en cas de douleur modérée, on essaiera les antalgiques classe II (paracétamolcodéine ou paracétamol-dextropropoxyphène). En cas de douleurs intenses, on aura recours aux morphiniques faibles (tramadol 100 à 400 mg/j), aux opiacés (buprénorphine, Temgesic ® 1 à 2 cp toutes les 8 h). La vitaminothérapie (B1, B6, B12) n’a pas d’effet. Les algies post-zostériennes(3-7) sont difficiles à traiter. Elles font appel aux antidépresseurs tricycliques (amitriptyline) et aux anticonvulsivants, voire à la neurostimulation transcutanée. Les traitements anesthésiques locaux (lidocaïne à 5 % [Emla® patch], capsaïcine en crème [Dolpyc®]) n’ont pas fait preuve de leur efficacité. Un soutien psychologique est très souvent nécessaire (techniques de relaxation). Traitement antiviral Il repose sur l’aciclovir (Zovirax® cp 200 mg ; Cicloviral® cp 200, 400, 800 mg et solution IV 250 mg et 500 mg), le valaciclovir (Zelitrex® cp 250, 500 mg) et le famciclovir (Oravir ® cp à 500 mg). Figure 7. Eczéma palpébral droit. Selon le consensus 1998, les recommandations et posologies sont : • chez l’immunocompétent : les antiviraux par voie générale doivent être mis en route avant la 72e heure de la phase éruptive, pour une durée de 7 jours : – aciclovir : 800 mg x 5/j, soit 4 g/j ; – valaciclovir : 1 g x 3/j ; – famaciclovir : 1 cp x 3/j. Les antiviraux locaux (aciclovir) sont discutés, toujours prescrits par certains médecins. • chez l’immunodéprimé : – aciclovir par voie veineuse : 10 mg/kg toutes les 8 h chez l’adulte, et 500 mg/m2 toutes les 8 h chez l’enfant. Durée minimale : 7 à 10 j. Après un traitement bien conduit, si les lésions continuent à évoluer (résistance ? présence de mutations dans le gène codant la thymidine kinase virale ?), le Foscanet représente une alternative : 80 mg/ kg/j en 2 perfusions d’au moins 2 heures chacune, en assurant une bonne hydratation. • La corticothérapie est indiquée uniquement dans le zona ophtalmique avec risque de nécrose rétinienne aiguë ou de neuropathie ischémique optique (prescription de l’ophtalmologue uniquement). Figure 8. Mode d’action virostatique de l’aciclovir. • La vaccination à vaccin vivant atténué (Varivax®, Varilix®) est en cours d’évaluation pour la prévention du zona. Elle semble efficace chez les sujets immunocompétents où elle réduirait le risque de récurrences du zona en stimulant la réponse immunitaire(8,9). Conclusion Le zona ophtalmique est une urgence diagnostique et thérapeutique reposant sur l’administration d’un traitement antiviral. Le pronostic fonctionnel visuel (KPS, uvéite) est en jeu. Le rôle du dermatologue est de faire rapidement le diagnostic et d’adresser sans tarder le patient en consultation d’ophtalmologie.

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