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Œil et dermatologie

Publié le 29 mai 2023Lecture 5 min

Les atteintes oculaires et l’asthme dans la dermatite atopique

Catherine FABER, d’après la présentation de A. Nosbaum (Lyon), CFA 2023

Les atteintes oculaires et l’asthme font partie des comorbidités atopiques associées à la dermatite atopique. Des données récentes issues d’une cohorte hospitalière montrent que leur prévalence en pratique courante est plus élevée que celle rapportée dans la littérature et fournissent des informations utiles pour optimiser le recours aux spécialistes d’organe concernés.

La « marche atopique » fait référence à l’association évolutive de pathologies atopiques, avec la dermatite atopique (DA) comme mode d’entrée, suivie d’allergies alimentaires, d’asthme et de rhinite allergique (RA)(1). Cette progression est toutefois loin d’être la règle et, compte tenu de la diversité des profils évolutifs des patients, on préfère aujourd’hui parler de « trajectoires atopiques »(2). Il a été constaté que plus la DA est sévère et persistante, plus elle va être associée à des sensibilisations précoces et à des antécédents familiaux d’atopie. D’après les données actuelles de la littérature, 50 % des patients atteints de DA ont une RA, 25 à 50 % une conjonctivite allergique, 20 à 40 % un asthme et 15 à 30 % une atteinte oculaire. L’identification de ces comorbidités atopiques est essentielle pour assurer une prise en charge globale des patients. Elles entrent d’ailleurs dans la définition des endo(phénotypes) de DA. Leur prise en compte est également importante, d’une part, pour le choix thérapeutique dans l’optique d’une médecine personnalisée pour ces pathologies inflammatoires type 2(3), et, d’autre part, pour les stratégies de prévention. Dans ce dernier cadre, la présence d’un asthme ou d’une rhinoconjonctivite, qui sont des facteurs prédictifs de persistance d’une DA(2), constitue un rationnel pour le traitement intensif.   DE LA BLÉPHARITE AUX INFECTIONS OCULAIRES BACTÉRIENNES ET VIRALES   Diverses comorbidités oculaires peuvent être associées à la DA parmi lesquelles la blépharite, une inflammation des paupières. L’examen du bord libre palpébral permet de distinguer les blépharites antérieures, qui concernent le versant cutané des paupières, et postérieures, leur versant conjonctival. Le diagnostic de l’œil sec repose sur la mise en évidence d’un BUT (Break-Up Time : temps de rupture film lacrymal) inférieur à 10 secondes. La conjonctivite allergique se manifeste par un prurit, un larmoiement, des sensations de brûlure et de corps étrangers avec un œdème palpébral et conjonctival, une hyperhémie conjonctivale et une augmentation des papilles tarsales. La kératoconjonctivite atopique (KCA) est l’atteinte oculaire la plus sévère et la plus redoutée chez l’adulte. Elle évolue par poussée et se caractérise par une atteinte de l’ensemble des structures de l’œil : les paupières (blépharite chronique, madarose [perte des cils]), la conjonctive (hyperhémie, fibrose des culs-de-sac inférieurs, papilles géantes), le limbe (bourrelet, nodules de Trantas [amas d’éosinophiles pouvant évoluer vers des atteintes cornéennes]) et la cornée (kératite ponctuée, superficielle, ulcères, néovaisseaux, cicatrices évoluant vers la cécité). Le pendant de la KCA chez l’enfant est la kératoconjonctivite vernale. D’autres atteintes oculaires sont décrites comme la cataracte subcapsulaire antérieure (spécifique de la DA) ou postérieure (cortico-induite ou liée à la DA) et le kératocône, dont la physiopathologie est mal connue et qui peut entraîner une altération de l'acuité visuelle.   DEUX ÉTUDES THÉMATIQUES   Les atteintes oculaires et l’asthme au cours de la DA ont fait l’objet de deux études à partir d’une cohorte hospitalière rétrospective de patients âgés en moyenne de 36 ans(4,5). La première a été menée sur 98 patients atteints majoritairement de DA modérée à sévère (80 %) et ayant bénéficié d’une évaluation ophtalmologique systématique (février 2018-février 2020). Elle a retrouvé une prévalence des pathologies oculaires de 85 %. Ces atteintes sont dominées par l’œil sec (64 %), la conjonctivite allergique (42 %) et les blépharites antérieures (33 %) et postérieures (31 %). Les atteintes plus sévères sont plus rares, qu’il s’agisse de KCA et de cataracte (9 % chacune), de kératoconjonctivite (5 %) ou de glaucome (2 %). Aucune infection oculaire n’a été observée dans la cohorte. Parmi les 21 % de patients asymptomatiques, 13 % ont des atteintes oculaires infra-cliniques, toutes bénignes. Ce constat indique qu’il n’est pas utile de demander un examen ophtalmologique systématique. Sur le plan biologique, lorsque le taux d’IgE totales > 3 000 kU/L, les atteintes oculaires sont constantes. Il n’y a pas de corrélation avec le taux d’éosinophiles circulants. Par ailleurs, seuls les patients utilisant régulièrement des collyres à base de cortisone seuls ou, dans certains cas, associés à des dermocorticoïdes (DC) ont eu des atteintes cortico-induites. L’application de DC sur les paupières ne favoriserait pas la cataracte et le glaucome. La vigilance s’impose chez les utilisateurs de collyres corticoïdes. Enfin, les analyses multivariées ont conduit à l’identification de cinq facteurs de risque d’atteinte oculaire en fonction des- quels le patient sera adressé à un ophtalmologiste : la RA, la sensibilisation allergénique, la DA de la tête et du cou, les sensations de corps étranger et de brûlure et la photophobie ainsi qu’un taux d’IgE totales > 3 000 kU/L. Dans la seconde étude, réalisée sur 120 patients atteints de DA (2017-fin 2019), la prévalence de l’asthme est de 52,5 % avec une proportion non négligeable d’asthme infraclinique (7 %). Comme la précédente, elle a permis d’identifier plusieurs facteurs de risque dont deux sont restés significatifs après analyse multivariée, à savoir la sensibilisation aux pneumallergènes et le taux d’éosinophiles ≥ 300 mm3. Seulement 34,4 % des patients de la cohorte présentant un asthme sont bien contrôlés, la moitié d’entre eux avec un palier GINA (Global Initiative for Asthma) ≥ 4. La sévérité de l’asthme est corrélée aux taux d’éosinophiles circulants et d’IgE totales, mais pas à celle de la DA. Il apparaît aussi que près de la moitié des patients asthmatiques (45 %) a nécessité une modification thérapeutique. En pratique, devant une DA de l’adulte, en l’absence d’asthme connu, le dépistage systématique a un intérêt notamment en cas de présence de facteurs prédictifs. Les patients connus pour être asthmatiques mais ne bénéficiant pas d’un suivi régulier doivent être référés à un pneumologue. La mise en évidence d’une corrélation entre le taux d’éosinophiles circulants et la sévérité de l’asthme et de la DA, et son augmentation en cas d’association de ces deux pathologies ouvre des perspectives. On peut ainsi s’interroger sur l’intérêt potentiel de cibler les voies d’activation des éosinophiles, notamment l’IL-5, chez des patients partageant des caractéristiques type 2 communes. Mais devant l’inefficacité des biothérapies anti-IL-5 dans la DA, voire l’aggravation d’une DA préexistante chez certains patients asthmatiques, les essais ont été arrêtés en phase 2. D’après la présentation de A. Nosbaum (Lyon). Session «Dermatite atopique : quand l’allergologue doit aller au-delà de la peau », 18e Congrès francophone d’allergologie (CFA), 25-28 avril 2023.

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