publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 14 jan 2008Lecture 12 min

Carences en fer, alopécie et autres manifestations dermatologiques

Pr P. HUMBERT, Hôpital St Jacques, Besancon
Le déficit en fer est une situation biologique fréquente dans la population générale qui s’exprime dans certains cas par des manifestations dermatologiques, mais aussi des manifestations systémiques ou d’autres organes. Le dermatologue est en première ligne pour diagnostiquer une carence martiale en cause ou de nature à aggraver la pathologie qu’il observe et prend en charge.
Les manifestations dermatologiques volontiers rapportées à une carence en fer comprennent le prurit généralisé, la koïlonychie, la glossite atrophique, la chéilite angulaire, le syndrome de Plummer-Vinson ou syndrome de Kelly-Paterson (dysphagie sidéropénique), le prurit vulvaire et la chute de cheveux. Certaines affections sont réputées comporter dans leur expression biologique une carence martiale comme certains eczémas atopiques sévères, les xéroses et eczématides, ou encore l’acné. Le besoin en fer est accru en cas d’érythrodermie chronique ou de maladies desquamatives chroniques comme le psoriasis. Le métabolisme du fer L’organisme humain contient de très faibles quantités de fer, de l’ordre de 2 à 4 grammes. Cet élément n’en est pas moins indispensable à la vie, à toute vie. C’est aussi le seul élément qui ne soit quasiment pas éliminé de l’organisme, en dehors de certaines situations physiologiques (règles...) et certaines pathologies. Le fer est l’oligo-élément pour lequel les états de carence sont les plus fréquents. L’absorption du fer L’absorption du fer a lieu au niveau de la partie proximale de l’intestin, c’est-à-dire du duodénum et du jéjunum. C’est un élément globalement mal absorbé. Le fer apporté par l’alimentation se présente sous deux formes, dont les degrés d’absorption diffèrent. Le fer héminique, d’origine animale, contenu dans la viande et le poisson, est le mieux absorbé (taux de l’ordre de 25 %). Le fer non héminique apporté par les légumes, les céréales, les œufs, les produits laitiers, bien que constituant plus de 80 % du fer ingéré, est mal absorbé (5 %). L’absorption physiologique du fer est accrue par la vitamine C et diminuée par le thé (tannins) et les phytates (son de blé). Elle nécessite la présence dans l’estomac d’acide chlorhydrique. En effet, le suc gastrique a pour rôle de favoriser la solubilisation et la réduction du fer sous forme de fer ferreux (Fe++). Toute diminution de la sécrétion d’acide chlorhydrique par l’estomac, tout achylisme (ou achlorhydrie) peut induire de profondes carences en fer. C’est le cas lors des gastrectomies ou lors de la prise de médicaments inhibiteurs de la pompe à protons. L’achylisme gastrique s’observe aussi dans certaines populations de jeunes femmes (souvent d’origine maghrébine). Toute diminution de la sécrétion d’acide chlorhydrique par l’estomac peut induire de profondes carences en fer. Les besoins en fer Les besoins en fer sont évalués à 1 mg de fer nouveau par jour pour un organisme masculin et à 2 mg pour l’organisme féminin (en raison des pertes menstruelles). Or, seul 10 % du fer ingéré est réellement absorbé. Les besoins quotidiens en fer sont donc de 10 mg pour l’homme et 20 mg pour la femme. Les pertes physiologiques de fer Elles sont quasiment liées exclusivement aux pertes cellulaires du renouvellement des épithélias cutané, digestif et urogénital, ce qui représente une élimination de 1 mg de fer pour 500 g de ces cellules, qui sont chaque jour éliminées. Les menstruations physiologiques représentent la principale cause de perte de fer chez la femme. Les protéines de transport    La transferrine transporte le fer dans le plasma et les liquides interstitiels. Lorsqu’elle se lie à son récepteur, elle permet l’endocytose du fer, et donc son recyclage. Les récepteurs à la transferrine se trouvent sur toutes les cellules de l’organisme, mais principalement sur les cellules de la lignée sanguine rouge, sur les hépatocytes et les cellules placentaires.    La ferritine a le rôle de stockage du fer. Son taux reflète les réserves totales de l’organisme.    Les protéines de régulation du fer (iron regulatory proteins). De découverte récente, ces protéines influent sur l’expression du nombre des récepteurs cellulaires à la transferrine, facilitant ainsi indirectement l’endocytose du fer. Les principales fonctions du fer Le fer joue un rôle indispensable pour la vie de l’organisme. Il agit en tant que cofacteur de nombreuses enzymes. Le rôle de stockage et de transport de l’oxygène est bien connu. Le fer intervient aussi dans des réactions du métabolisme oxydatif et participe à la croissance et à la prolifération cellulaire.   Les causes des carences en fer Les carences martiales sont essentiellement dues à l’existence d’un saignement.    Chez la femme, il faudra s’enquérir de ménorragies (règles de durée prolongée), avec ou sans caillots, ou de ménométrorragies (association de saignements anormalement abondants au moment des règles et de saignements en-dehors des règles). Plusieurs études, et notamment l’étude EPIFER/SUVIMAX portant sur 9 931 adultes, permettent de tirer les conclusions suivantes : – il existe une absence totale de réserves en fer chez 10 à 20 % des femmes en âge de procréer ; – 60 à 80 % des femmes enceintes en fin de grossesse ont une carence martiale, qui s’associe dans 10 à 30 % des cas à une anémie ; – la contraception protège des carences martiales (vraisemblablement en diminuant le volume des règles), faisant passer les états de carence de 23 % chez les femmes sans contraceptif oral à 13 % chez celles sous contraceptif. Le stérilet, quant à lui, prédispose aux pertes sanguines et donc à la carence martiale, qui est observée dans 28 % des cas. Les femmes enceintes ont une balance martiale déficitaire, qui va s’aggraver lors de l’accouchement. Leurs besoins en fer sont élevés du fait de l’accroissement de la masse globulaire, du développement du fœtus et du placenta. De plus, l’accouchement s’accompagne de pertes sanguines, parfois importantes : une supplémentation est alors indispensable. • La carence en fer pendant la gestation est un facteur de risque d’accouchement prématuré et de faible poids de naissance, et accroît par ailleurs la morbidité maternelle. 60 à 80 % des femmes enceintes en fin de grossesse ont une carence martiale. • La maladie cœliaque, source de malabsorption, sera envisagée en cas de diarrhée, d’amaigrissement. Sa fréquence est estimée de 2 à 5 % des cas d’anémie par carence martiale.    Chez l’homme, les saignements sont le plus souvent d’ordre digestif, avec en première place, chez les sujets jeunes, les lésions gastro-intestinales bénignes telles que la hernie diaphragmatique (hiatale), les gastrites érosives, les saignements hémorroïdaires, les ulcères peptidiques et les varices œsophagiennes. Chez l’homme de plus de 50 ans, les cancers digestifs sont observés dans 30 % des cas (A. Hershko).   Comment diagnostiquer une carence en fer ? Attendre l’anémie microcytaire est certainement une façon de ne pas dépister la plupart des états carentiels en fer. L’anémie est alors le reflet d’un profond déficit des réserves tissulaires. La biologie ne vient que confirmer une conviction clinique. La carence en fer s’apprécie d’abord sur l’état général du malade, et ensuite sur la présence de signes cliniques qu’il ne faut pas négliger de dépister. La fatigue, l’état dépressif, la chute de cheveux sont autant de situations cliniques qui doivent faire envisager une carence martiale. Dans les cas plus évolués, il sera aisé de repérer une xérose cutanée. Attendre l’anémie microcytaire est certainement une façon de ne pas dépister la plupart des états carentiels en fer. La ferritine S’il ne fallait faire qu’un dosage, c’est bien celui de la ferritinémie. La ferritine est le marqueur le plus précoce de la carence martiale et sa spécificité est de 100 %. Il faut cependant se méfier des valeurs normales fournies par les laboratoires qui peuvent, en effet, sous-estimer les carences, car il est possible que la population ayant servi de référence soit déjà elle-même carencée. Ainsi, faudra-t-il retenir comme pathologique toute valeur de ferritine sérique < 50 µg/l, voire, pour certains auteurs, < 70 µg/l (1 µg/l de ferritine correspond environ à 10 mg de fer de réserve). La ferritine est le marqueur le plus précoce de la carence martiale, avec une spécificité de 100 %. Il faudra aussi se méfier des valeurs normales ou élevées de ferritine chez des malades présentant un syndrome inflammatoire, une infection ou un cancer, ou encore en cas d’hémolyse ou d’érythropoïèse inefficace. Chez l’enfant et le vieillard, le coefficient de saturation de la transferrine (ou de la sidérophylline) reste un précieux marqueur, notamment s’il est < 0,15. Le dosage du fer sérique est peu discriminatif, car il est soumis à des modifications nycthémérales et varie en fonction de phénomènes physiologiques ou pathologiques associés. Chute de cheveux et carence en fer Un certain nombre d’états carentiels s’accompagnent d’une chute de cheveux encore appelée effluvium télogène chronique, qu’il s’agisse d’une carence en zinc, biotine, vitamine C, riboflavine ou fer. Figure. Sclérotiques bleues chez une jeune femme consultant pour une chute de cheveux, témoignant d’une carence martiale. La chute de cheveux est certainement une des situations rencontrées en dermatologie qui justifie une prise en charge globale du patient. L’interrogatoire cherchera à préciser les antécédents pathologiques personnels ou familiaux connus et la prise de médicaments pouvant être responsables ou co-responsables de la chute de cheveux. De même, il faudra s’enquérir de l’existence d’une affection générale, comme une dysthyroïdie ou plus globalement, d’une endocrinopathie, avec au premier plan, les différentes causes d’alopécies androgénétiques (même si la phase d’alopécie est toujours précédée d’une phase de chute de cheveux à densité capillaire initialement normale). Une dysthyroïdie et les différentes causes d’alopécies androgénétiques doivent être recherchées et éliminées. Si la plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui à retenir le diagnostic de carence martiale devant un taux de ferritine inférieur à 70 µg/l, il convient toutefois de considérer les normes des laboratoires comme non représentatives de l’état de normalité biologique à l’égard de l’élément fer. Les études qui s’appuient sur le dosage biologique du fer sérique pour diagnostiquer la carence martiale doivent être considérées avec circonspection ; elles ne permettent pas de tirer des conclusions quant au rôle de cette carence dans la chute de cheveux. En revanche, lorsqu’on analyse les publications rapportant des taux de ferritine sérique abaissés associés à une alopécie et/ou une chute de cheveux chez la femme, il ne faut à notre sens accorder d’attention qu’aux études où la ferritinémie critique est ≤ 50 µg/l. Depuis 2001, les différents travaux de Rushton ont attiré l’attention sur les conclusions de certaines études qui ne retiennent pas l’existence d’une carence martiale chez des patientes, sous prétexte que leur taux de ferritine est supérieur aux valeurs normales affichées par le laboratoire (habituellement > 20 µg/l). Certes, parmi les 15 à 25 % de femmes en activité génitale ayant une carence martiale, toutes ne perdent pas leurs cheveux, mais cela n’exclut pas le rôle de la carence en fer comme étiologie de la chute de cheveux. S’il n’existe pas d’études suffisamment convaincantes (compte tenu des éléments cités précédemment), il ressort néanmoins que l’anomalie la plus fréquemment observée chez les patientes présentant une chute de cheveux chronique est un taux de ferritine abaissé. Qu’elle soit isolée ou associée à des symptômes relevant d’une autre pathologie, la chute de cheveux chronique doit faire rechercher une carence martiale ; les arguments en faveur de cette étiologie seront apportés des éléments anamnestiques (ménorragies, métrorragies, malabsorption, etc.) et des éléments cliniques suffisamment sensibles et spécifiques (présence de sclérotiques bleues, figure). La découverte d’une ferritinémie < 70 µg/l, en l’absence de toute cause d’élévation de la ferritine (syndrome inflammatoire…), justifie un traitement par supplémentation en fer. Une ferritine < 70 µg/l, en l’absence de toute cause d’élévation de la ferritine, justifie un traitement par supplémentation en fer. Tableau 3. Aliments et médicaments qui perturbent l'absorption du fer - Le thé (les tannins) ; - le café ; - le son de blé (les phytates) ; - les bicarbonates ; - le jaune d'oeuf ; - les cyclines ; Le traitement L’apport alimentaire est insuffisant pour corriger une carence martiale. Le sulfate ferreux est la forme utilisée de façon conventionnelle. La durée du traitement est en général de 3 mois en cas de carence avérée. Il faut souligner ici que contrairement aux recommandations habituelles, le fer doit être pris à jeun, ce qui veut dire à distance des repas. Il ne doit pas être absorbé concomitamment à des chélateurs du fer. Les traitements médicamenteux sont malheureusement souvent mal tolérés : 15 à 20 % des patients traités souffriraient de douleurs abdominales, nausées, vomissements ou constipation. Certaines formes de fer récemment commercialisées sembleraient offrir une tolérance très supérieure. De récentes études tendraient également à démontrer qu’une stratégie de supplémentation avec de « faibles » doses de fer (de l’ordre de 15 à 20 mg de fer élément/ jour) aurait des effets équivalents aux fortes supplémentations utilisées communément, tout en réduisant significativement les effets secondaires.    Pour la pratique, on retiendra   Le fer joue un rôle indispensable pour la vie de l’organisme. La carence martiale est une des causes les plus fréquentes de chute de cheveux et d’alopécie chez la femme.   Selon les données de l’étude EPIFER/SUVIMAX, il existe une absence totale de réserves en fer chez 10 à 20 % des femmes en âge de procréer ; 60 à 80 % des femmes enceintes en fin de grossesse ont une carence martiale, qui s’associe dans 10 à 30 % des cas à une anémie.   La ferritinémie < 50 µg/l, voire < 70 µg/l, est le marqueur le plus précoce de la carence martiale avec une excellente spécificité.   L’anomalie la plus fréquemment observée chez les femmes présentant une chute de cheveux chronique est un taux de ferritine abaissé. Quant au dosage du fer sérique, il est considéré comme peu discriminatif.   Une carence martiale est en général mal corrigée par l’alimentation, et il est nécessaire d’avoir recours à une supplémentation en fer.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème