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Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 31 mai 2025Lecture 4 min

Pédiculose du cuir chevelu : de la résistance aux insecticides locaux à l’ivermectine orale

Céline FERRAT, d’après la communication d’Olivier Chosidow (hôpital Henri-Mondor, Créteil)

Plusieurs raisons expliquent la nécessité de traiter la pédiculose du cuir chevelu. C’est une maladie transmissible très fréquente qui touche majoritairement les enfants d’âge scolaire, une population fragile. Elle entraîne un risque de surinfections bactériennes cutanées et de complications infectieuses systémiques (dans les pays à ressources limitées) et peut avoir un impact psychosocial.

Dans les années 1990, on a assisté à une diffusion importante en population des pyréthrines naturelles puis de synthèse, considérées comme « le traitement miracle » de la pédiculose du cuir chevelu (PCC) – par comparaison aux insecticides de type lindane, DDT, malathion… –, dont des shampoings anti-poux préventifs. Au milieu de cette décennie, le malathion (antipoux de référence, peu utilisé) et la d-phénothrine ont fait l’objet d’un essai randomisé comparatif en milieu scolaire(1). Ces produits avaient préalablement montré, dans un modèle expérimental de poux élevés sur le lapin, une efficacité à 100 %, avec une activité à la fois pédiculicide et lenticide. Le critère de jugement principal de l’essai clinique était l’absence de poux vivants à J1. Ses résultats démontrent l’efficacité supérieure du malathion par rapport à celle de la d-phénothrine (92 % vs 40 %) ainsi que son activité pédiculicide plus importante. Le mécanisme moléculaire de la résistance des poux à la perméthrine a ensuite été élucidé (résistance kdr : know down resistance)(2). Cette résistance s’est répandue sur tous les continents(3). Cependant, le taux de résistance parasitologique à la perméthrine est moins important que le taux de résistance moléculaire(4). La résistance moléculaire semble donc témoigner de l’émergence de la pression de sélection exercée sur les poux avec les dérivés des pyrèthres. L’ivermectine orale bloque les canaux synaptiques chlorure glutamate- ou GABA-dépendants entraînant ainsi la paralysie et la mort du parasite par atteinte de la jonction neuro-musculaire. Une étude ouverte sur 26 cas avait montré que la prise unique d’une dose standard d’ivermectine (200 mg/kg) est insuffisante pour obtenir un taux d’efficacité satisfaisant. L’intérêt d’une dose de 400 mg/kg, répétée 7 jours plus tard, a été mis en évidence par une étude industrielle de phase II B non publiée. Un essai randomisé contrôlé en cluster mené chez des patients difficiles à traiter a montré que ce protocole d’ivermectine orale est beaucoup plus efficace que le malathion lotion à 0,5 % (différence statistiquement significative de 10,2 points), avec peu d’effets secondaires(5). En cas de PCC difficile à traiter, il faut d’abord penser à une cause d’échec thérapeutique autre que la résistance, telle que le manque d’observance, la mauvaise compréhension ou le mauvais suivi des instructions sur l’utilisation des anti-poux…   En pratique aujourd’hui   Le malathion a été retiré du marché français en 2018 à la suite de son inscription sur la liste I des médicaments. Avec les pyréthrines, il existe un problème de résistance et de risque de troubles comportementaux chez les enfants(6) et même de surmortalité dans la population générale(7). Ces données ont conduit à interdire les vêtements imprégnés. La plausibilité biologique du lien entre l’exposition aux pyréthrines et l’augmentation des troubles du comportement a été confortée par des travaux sur modèle animal(8). Par ailleurs, la survenue de cas d’insuffisance rénale aiguë en lien avec l’application de produits de lissage des cheveux contenant de l’acide glyoxylique(9) atteste de la possibilité d’un passage systémique des produits appliqués sur le cuir chevelu. L’ivermectine locale à 0,5 % est autorisée pour le traitement de la PCC aux États-Unis, mais pas en France. Son utilisation massive pourrait induire une résistance à l’ivermectine qui est un médicament essentiel dans le monde entier(10). La diméticone, qui n’a pas d’action pédiculicide, agit en interférant avec le métabolisme de l’hôte. Les premiers cas de résistance à ce produit ont été publiés récemment(11). Les huiles essentielles sont très loin des standards souhaités des essais randomisés sur le traitement des poux(12). Largement utilisé en Angleterre, le traitement mécanique (bug busting) est long et contraignant. Il n’a pas le même succès en France où des officines privées se sont développées et proposent ce type de traitement à des prix exorbitants. En pratique, il est donc difficile de traiter la PCC aujourd’hui, et les recommandations internationales(13) ne donnent pas de bonne réponse. L’ivermectine orale ne doit être utilisée qu’en cas d’échecs multiples des traitements alternatifs disponibles. Elle ne dispose pas non plus d’AMM dans la PCC. En 2025, le Centre de preuves en dermatologie mènera une discussion sur une demande d’admission de ce médicament dans le cadre de prescription compassionnelle. Il faut aussi mieux étudier les mécanismes de résistance des poux à l’ivermectine. C’est l’objectif d’un projet de recherche d’une équipe tourangelle (BioMAP, UMR ISP1282) financé par la Société française de dermatologie. Enfin, des données de la littérature montrent que l’ivermectine à forte dose est intéressante dans la pédiculose diffuse pubienne(14) et dans la pédiculose corporelle(15). D’après la communication d’Olivier Chosidow (hôpital Henri-Mondor, Créteil). Session « Game Changer », JDP 2024.

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