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Congrès

Publié le 13 oct 2021Lecture 5 min

Dermatoses aiguës graves : du syndrome de Lyell à la fasciite nécrosante

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

La peau constitue la septième défaillance d’organes. Les principales causes de défaillances cutanées aiguës concernent les nécrolyses épidermiques induites ou non par des médicaments, les érythèmes polymorphes et les maladies infectieuses cutanées graves. Il faut savoir les repérer rapidement et mettre en route une prise en charge adaptée. En effet, il y a des gestes à faire et à ne pas faire.

Le syndrome de Lyell est responsable d’une rupture de l’homéostasie cutanée ; l’altération de la fonction barrière s’accompagne de troubles hémodynamiques (augmentation du débit sanguin et du débit cardiaque), de désordres hydro-électrolytiques (augmentation de la perte insensible en eau jusqu’à 4 litres par jour pour une atteinte cutanée de 50 %, perte Na+, K+, Cl-, hypophos-phorémie), de troubles de la thermorégulation (fièvre, production d’IL-1/kératinocytes, perte en chaleur par radiation et convection) et d’un hyper-métabolisme secondaire à l’augmentation des pertes cutanées caloriques. Un décollement cutané supérieur à 10 % met en jeu le pronostic vital(1). C’est le cas également d’une atteinte respiratoire précoce (< 48 h) due à une nécrolyse de l’épithélium bronchique(2). Une nécrolyse au niveau digestif (de la bouche à l’anus) peut parfois être observée. Il faut entreprendre un traitement préventif et curatif pour contrôler la balance électrolytique, la déshydratation, les infections, la dénutrition et la douleur. La température ambiante doit être contrôlée. Il ne faut jamais poser une voie veineuse centrale sur une peau pathologique. Bien sûr, si un médicament est identifié comme responsable, il faut l’arrêter immédiatement. Dans 15 % des cas, on ne retrouve pas de cause évidente, et dans 5% des cas le Lyell est véritablement idiopathique. Parmi les gestes à ne pas faire, l’administration de corticoïdes ou d’immunoglobulines intraveineuses(3). Les données sur la ciclosporine sont controversées. Une étude rétrospective espagnole a montré une diminution de la mortalité(4) alors qu’une étude rétrospective de Créteil ne trouve pas d'effet(5). Les traitements de support sont essentiels. Ils nécessitent des infirmières dédiées, du matériel approprié (plafond chauffant, baignoires) et des soins spécifiques en cas d’atteinte muqueuse. Les antibiotiques ne doivent être donnés ni trop tôt ni trop tard. La réalisation de cartes bactériennes sur des empreintes cutanées permet d’adapter l’antibiothérapie, notamment en présence de S. aureus et P. aeruginosa. La mortalité du Lyell a diminué ces vingt dernières années ; elle se situe aujourd’hui autour de 15 ou 20 %. L’existence d’un réseau d’expertise consacré à la prise en charge de ce syndrome participe à cette évolution favorable(6). À noter qu’un syndrome de Lyell peut survenir après une prise médicamenteuse ou une infection, mais aussi au cours d’une maladie auto-immune comme un lupus subaigu ou une dermatomyosite anti-LDA5 ; on assiste à une apoptose suraiguë de l’épiderme(7). Les autres réactions cutanées sévères aux médicaments Il existe d’autres réactions cutanées sévères aux médicaments SCAR que le syndrome de Lyell. Tel est le cas du DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms). Un traitement par corticoïdes locaux peut être intéressant dans les formes modérées ; les corticoïdes généraux doivent être réservés aux atteintes viscérales mettant en jeu le pronostic vital(8). Une étude en cours qui compare le clobétasol crème à la prednisone orale 0,5 mg/kg/j, a pour objectif de valider cette hypothèse. La pustulose exanthématique généralisée est parfois associée à une atteinte systémique (17 %) touchant les poumons, le foie, les reins et la moelle osseuse et engageant le pronostic vital(9). La dermatose linéaire bulleuse à IgA survient de 24 heures à 15 jours après la prise d’un médicament. Des vésicules ou des bulles avec une distribution annulaire apparaissent accompagnées parfois d’un décollement cutané plus ou moins étendu. Le plus souvent, les muqueuses sont épargnées et la guérison survient en 3 semaines. L’immunofluorescence directe montre la présence des IgA. Les médicaments imputables sont la vancomycine, les bêtalactamines, le captopril, les AINS et l’étanercept(10).  Cependant lorsqu’elle est généralisée, la dermatose linéaire bulleuse à IgA ressemble à un syndrome de Lyell et peut mettre en jeu le pronostic vital. De même, l’érythème pigmenté fixe bulleux généralisé est une véritable SCAR qui engage le pronostic vital surtout chez les personnes âgées. Les défaillances cutanées infectieuses Les médicaments ne sont pas les seuls responsables des défaillances cutanées aigues, des agents infectieux peuvent être en cause. Tel est le cas de l’érythème polymorphe post-mycoplasme qui diffère des autres érythèmes polymorphes (post-herpétique ou idiopathique). En cas de mycoplasme, la maladie est plus sévère, nécessite une hospitalisation plus longue, est associée à une atteinte muqueuse plus grave et des séquelles plus fréquentes (pulmonaires, oculaires, à type de bronchiolite oblitérante ou de striction de l’œsophage)(11). Autre défaillance cutanée d’origine infectieuse, la fasciite nécrosante est 5 à 10 fois plus fréquente que le Lyell ; elle touche 2 à 4/100 000 habitants par an dans le monde occidental. On sait à présent que les AINS sont un facteur aggravant. Un âge supérieur à 75 ans, une artériopathie ou une fasciite métastatique sont des facteurs de mauvais pronostic. Il faut penser à une fasciite nécrosante face à : des signes locaux de gravité (nécrose, crépitation), la présence de zones cyaniques ou livédoïdes, une hypoesthésie, une aggravation des lésions malgré une antibio- thérapie adaptée, une douleur particulièrement intense, une boiterie ou un sepsis(12,13). Parfois, on peut être alerté par l’existence d’une fasciite abdominale ou la notion d’une immunodépression. Des prélèvements biologiques s’imposent ainsi que des ponctions sous-cutanées sur le site de la fasciite. L’utilisation de nouvelles plateformes de séquences génomiques rapides pour déterminer l’écologie bactérienne montre que les anaérobies jouent un rôle important et que l’infection s’étend non seulement en profondeur mais aussi horizontalement, avec la présence des germes responsables dans la peau non nécrotique adjacente à la lésion(14). Selon les recommandations de la Société nord-américaine des maladies infectieuses, émises en 2014, le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée et le débridement chirurgical. « Il faut aller fouiller avec le doigt pour chercher les zones nécrosées et retirer tous les tissus malades afin de diminuer le risque septique par voie générale », a insisté le Pr Olivier Chosidow (Créteil)(15). La mortalité de fasciites nécrosantes est passée de 28,3 % en 2000 à 21,1 % en 2014-2019 ; la morbidité reste importante avec 15 % d’amputations chez les survivants. Le délai entre le début de la maladie et la chirurgie conditionne le pronostic(16). Les chances de survie sont meilleures si la fasciite nécrosante est prise en charge dans un centre qui voit au moins 8 cas par an(17). Raison pour laquelle une filière de prise en charge des fasciites nécrosantes SURFAST (Structure d’Urgences FASciite nécrosanTes) a été créée en Île-de-France. Les formes cervico-faciales sont prises en charge à l’hôpital Lariboisière (Paris), les formes pédiatriques à l’hôpital Robert-Debré (Paris) et les fasciites des membres et du périnée de l’adulte à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil).   D’après la communication du Pr Olivier Chosidow (hôpital Henri-Mondor Créteil). JDP virtuelles, décembre 2020

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