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Congrès

Publié le 10 juil 2023Lecture 4 min

Kératose actinique : anciennes batailles, nouvelles armes thérapeutiques

Catherine FABER, Saint-Mandé

La kératose actinique peut évoluer vers un carcinome épidermoïde cutané invasif. Ce risque étant très difficile à prédire, les recommandations internationales préconisent un traitement précoce des lésions visibles et du champ de cancérisation.

La kératose actinique (KA) figure parmi les lésions cutanées les plus courantes. En France, sa prévalence est de 72 % chez les sujets caucasiens de plus de 75 ans. Vraisemblablement faible pour les lésions uniques, le risque de cancérisation augmente avec le nombre de lésions et la présence de signes de dégâts actiniques. La littérature fait état d’un taux d’évolution vers un carcinome épidermoïde cutané (CEC) de 0,025 à 16 % selon les études, mais il est établi que 60 % à 65 % des CEC surviennent sur des sites avec KA. Le diagnostic de KA multiple sur peau actinique est généralement clinique. En cas de lésion unique, la dermatoscopie est utile. C’est la technique d’imagerie la plus utilisée pour poser ce diagnostic. Sa sensibilité et sa spécificité dans la KA non pigmentée vont jusqu’à 95 % et 98 % respectivement. La dermatoscopie peut fournir des indices pour évaluer l’agressivité des CEC. Il faut toutefois savoir que « le patron à type de fraise » est fréquent sur les lésions faciales, ce qui n’est pas le cas sur les lésions extra-faciales. Des éléments utiles peuvent également être apportés par l’échographie haute résolution par la mise en évidence d’un aspect évocateur de transformation en CEC.   LES TECHNIQUES D’IMAGERIE MODERNES Après la microscopie confocale in vivo (MCIV), deux nouvelles techniques modernes d’imagerie pour le diagnostic de la KA sont arrivées : la tomographie par cohérence optique (OCT : Optical Coherence Tomography) et, plus récemment, la tomographie par cohérence optique confocale linéaire (LC-OCT : Line-Field Optical Cohérence Tomography). Dans un travail pionnier, la sensibilité et la spécificité de l’OCT haute définition pour le diagnostic de KA étaient de, respectivement, 81,6 % et 92,6 % pour le diagnostic de la KA et de 93,8 % et 98,9 % pour celui du CEC (pour l’observateur le plus expérimenté). La concordance interobservateur était modérée. La LC-OCT combine les avantages des deux techniques précédentes que sont la haute résolution de la microscopie confocale et la pénétration tissulaire importante de l’OCT. Elle donne ainsi des images similaires à celles de l’histologie. C’est une modalité d’imagerie tridimensionnelle potentiellement capable de classer les KA en fonction du schéma de croissance basale des kératinocytes. Avec la LC-OCT, il est possible d’identifier un noyau de kératinocyte, de positionner cette cellule dans l’espace, de mesurer l’épaisseur de l’épiderme, de mettre en évidence des anomalies de la couche cornée et de la jonction dermo-épidermique… Un champ de mesure s’ouvre donc au dermatologue. Cette perspective traduit une concordance entre le raisonnement de l’industrie cosmétique, avec sa pratique habituelle d’études métriques, et celui de l’oncodermatologue. L’imagerie microscopique, l’intelligence artificielle et les microbiopsies seront essentielles au développement de la dermatologie personnalisée et précise. Celui-ci passera également par la réorganisation des parcours de soins et de nouveaux concepts comme celui du champ de cancérisation.   DE NOUVEAUX TRAITEMENTS DU CHAMP DE CANCÉRISATION Le champ de cancérisation correspond à la zone située autour des lésions visibles qui comporte des altérations histologiques et génétiques UV-induites. Il doit être pris en compte dans la stratégie thérapeutique de la KA. Outre la protection contre les UV pour tous les patients, les recommandations américaines publiées en 2021 proposent un traitement du champ de cancérisation avec le 5-fluorouracile (5-FU) ou l’imiquimod, ou la cryochirurgie, en première intention sans hiérarchie (recommandation de niveau A). Pour la photothérapie dynamique et le diclofénac, la recommandation est conditionnelle. Dans un essai randomisé sur 4 traitements du champ de cancérisation, le 5-FU est apparu comme le plus efficace, avec une probabilité cumulée de succès thérapeutique 12 mois après l’arrêt du traitement de 74,7 %. Avec l’imiquimod, la MAL-PDT et le mébutate d’ingénol*, elle est respectivement de 53,9 %, 37,7 % et 28,9 %. Le suivi des patients de cette étude montre que le risque cumulé à 4 ans de développer un CEC dans la zone de KA déjà traitée est de 3,7 % et varie de 2,2 % avec le 5-FU à 5,8 % avec l’imiquimod. D’après les résultats d’une métaanalyse en réseau, les taux les plus élevés de clairance complète et partielle sont obtenus avec le 5-FU (4 % ou 5 %). Le 5-FU et l’imiquimod 2,5 % sont les traitements pour lesquels il y a le moins d’arrêts pour effets secondaires. D’autres données soulignent l’existence d’une relation inverse entre le nombre de lésions initiales et la guérison complète sous 5-FU. Enfin, le photoprotecteur SunsiMed s’est montré efficace en prévention des lésions de l’ADN photo-induites même en cas de forte exposition. Les deux nouveaux traitements du champ de cancérisation sont le 5-FU 4 % et la tirbanibuline qui n’est pas encore disponible en France. Le 5-FU 4 % est indiqué dans le traitement topique des lésions de kératose actinique non hyperkératosique et non hypertrophique (grade Olsen I à II) du visage, des oreilles et/ou du cuir chevelu chez l’adulte. Le 5-FU 4 % s’utilise en 1 application par jour et permet donc de réduire de 60 % la dose utilisée par comparaison au 5-FU 5 % qui nécessite 2 applications quotidiennes. Les données de phase 3 montrent que le 5-FU 4 % entraîne une disparition complète des lésions de KA chez 54,4 % des patients et que 80,5 % ont une clairance cutanée de 75 %. Son niveau d’efficacité est donc comparable à celui du 5-FU 5 %, avec une tolérance optimisée. *Le mébutate d’ingénol n’est plus commercialisé en France.

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