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Congrès

Publié le 11 mai 2020Lecture 6 min

Lymphomes cutanés : l’éventail thérapeutique s’élargit

Denise CARO, Paris

La prise en charge d’un lymphome T cutané dépend du stade évolutif de la maladie. L’éventail des traitements disponibles est large, allant de l’abstention associée à une surveillance active à la transplantation de cellules hématopoïétiques, en passant par les médicaments topiques, la photothérapie, la radiothérapie, la photophorèse et les traitements systémiques, dont font partie aujourd’hui les inhibiteurs des histones désacétylase (HDACi) et les thérapies ciblées. Tour d’horizon des nouvelles perspectives thérapeutiques dans le lymphome cutané.

Certains traitements, sans être nouveaux, sont aujourd’hui disponibles sous une forme galénique mieux adaptée comme le méchloréthamine gel qui a obtenu une AMM en 2017 dans le lymphome de stade IA ou IIA après un premier traitement cutané. Après une phase d’ATU, il peut maintenant être délivré par une pharmacie hospitalière. Il exige une observance stricte de son mode d’emploi, en raison de ses effets indésirables (irritations cutanées). Il y a également de nouveaux arrivants au sein de familles thérapeutiques existantes. Tel est le cas du résiquimod, agoniste des récepteurs TLR, 10 fois plus puissant que l’imiquimod. Un essai phase 1 chez des patients avec des lymphomes stade IA ou IIA a mis en évidence 92 % de réponses partielles ou complètes avec résiquimod (0,06 % ou 0,03 %) 3 à 7 fois par semaine. Le dosage 0,06 % est plus efficace, mais moins bien toléré que celui à 0,03 % avec davantage d’effets indésirables locaux(1). Les résultats d’un essai multicentrique de phase 2 sont attendus. Les HDACi, une nouvelle classe d'anti-cancéreux Les véritables innovations concernent essentiellement les formes avancées de lymphomes (Mycosis Fongoïdes [MF] et syndrome de Sézary [SS]). Il s’agit : des inhibiteurs HDAC, des anticorps monoclonaux, des inhibiteurs de checkpoint et des allogreffes de moelle. Les HDACi agissent par compaction-décompaction de la chromatine et activation de la trans cription, le tout aboutissant à un arrêt du cycle cellulaire, une apoptose, un effet anti-angiogénique et immunomodulateur. Il s’agit en réalité d’un groupe hétérogène de petites molécules, au sein duquel on distingue les Pan- HDACi (vorinostat, belinostat, panobinostat) et les HDACi sélectives (romidepsine). Le vorinostat per os 400 mg/j a été approuvé par la FDA en 2006 pour le traitement des lymphomes cutanés évolués récidivants ou en échec de deux traitements systémiques. Les études de phase 2 ont montré de 24 à 29 % de réponses objectives (la plupart partielles), une durée médiane de 4 à 6 mois, et une amélioration du confort (diminution du prurit) supérieure aux réponses objectives. La voie orale est un avantage. La tolérance assez bonne (fatigue, diarrhée, dysgueusie et thrombopénie)(2,3). La romidepsine a été approuvée par la FDA en 2009 pour le traitement des lymphomes cutanés après un traitement systémique. Elle est administrée en perfusion IV à la dose de 14 mg/m2 à J1, J8 et J15, tous les 28 jours. Dans les essais de phase 2, le taux de réponse (34 %), la durée de la réponse (14 ou 15 mois) et l’amélioration du prurit (43 %) sont légèrement meilleurs que ceux du vorinostat, avec des profils de tolérance similaires(4,5). Le vorinostat et la romidepsine n’ont pas encore d’AMM européenne et sont disponibles en ATU. Le développement des autres HDACi (panobinostat per os, belinostat IV, resminostat) est moins avancé. Des anticorps monoclonaux anti-CD30 Le CD30, peu exprimé dans les cellules normales, l’est bien davantage dans certaines hémopathies (Hodgkin, lymphome systémique anaplasique à grandes cellules) et parfois aussi dans le lymphome cutané. D’où l’idée d’utiliser des anti-CD30 pour cibler les cellules cancéreuses. Le brentuximab vedotin (BV) est un anti-CD30, conjugué à un agent cytotoxique anti-microtubule (le monométhyl auristatin E). Il arrête le cycle cellulaire et entraîne une apoptose ; son action ciblée limite les effets indésirables. Deux essais de phase 2 (un dans le MF et l’autre dans le SS) ont montré un taux de réponse de 70 %. Les patients avec un taux de CD30 < 5 % avaient une réponse au traitement moins bonne (p < 0,005), mais pas nulle. Le principal effet indésirable gênant était une neuropathie sensitive et motrice(6,7). Un essai international de phase 3 (ALCANTA) a ensuite été mené chez les patients présentant un lymphome cutané avec plus de 10 % des cellules CD30+ et en échec d’un premier traitement. Le BV était comparé à un autre traitement (méthotrexate ou bexarotène). Les auteurs ont observé 56 % de réponses d’au moins 4 mois (critère de l’étude) dans le groupe BV, versus 12 % dans le groupe autre traitement (p < 0,0001). La durée médiane de la réponse était de 15 mois dans le groupe BV. Deux patients sur 3 du groupe BV ont présenté une neuropathie(8). La baisse des cellules CD30+ au cours du traitement pourrait expliquer la perte d’efficacité(9). Le BV a reçu un avis favorable de l’Agence européenne du médicament dans les lymphomes cutanés CD30+ après échec d’au moins un traitement systémique. Les bons résultats du mogamulizumab Le mogamulizumab est un anticorps monoclonal humanisé défucosylé anti-CCR4 (chemokine receptor 4). Le CCR4 est surexprimé dans les T helper de type 2, dans les Treg et dans certains lymphocytes tumoraux, en particulier les lymphomes cutanés. Le mogamulizumab augmente la cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC)(10). Une étude de phase 1-2 ouverte avec escalade de doses a été menée chez 41 sujets avec un lymphome cutané (MF ou SS) prétraités. La tolérance du traitement a été satisfaisante jusqu’à la dose de 1 mg/kg/semaine. Les principaux effets indésirables étaient les nausées, les frissons, les céphalées et une réaction à la perfusion. Le taux de réponse était de 37 % (47 % dans SS et 29 % dans MF), la durée médiane de réponse de 10 mois(11). Une étude internationale de phase 3 (MAVORIC) a comparé le mogamulizumab et le vorinostat chez 372 patients avec un MF ou un SS prétraités et non transformés. Elle a montré la supériorité du mogamulizumab sur son comparateur, avec une survie sans récidive de 7,7 mois vs 3,1 mois et un taux de réponses objectives de 28 % vs 4,8 % (p < 0,0001). Les taux de réponse par compartiment étaient de 42 % pour la peau, 68 % pour le sang et 17 % pour les ganglions. La qualité de vie était meilleure dans le groupe mogamulizumab que dans le groupe comparateur (p < 0,05)(12). Le mogamulizumab a eu une AMM fin 2018 chez les patients adultes présentant un MF ou un SS ayant reçu au moins un traitement systémique antérieurement. Il est actuellement dans une procédure post-ATU. Les autres stratégies thérapeutiques innovantes Les anti-KIR3DL2 appartiennent à une autre famille d’anticorps monoclonaux en développement dans le lymphome cutané. Le KIR3DL2 est un marqueur sensible et spécifique des cellules de Sézary, peu exprimé dans les lymphocytes T et natural killers (NK) normaux, mais beaucoup plus dans le lymphome cutané. Un anticorps humanisé anti-KIR3DL2 (IPH4102 AC) a fait l’objet d’une étude phase 1 en escalade de dose puis extension de cohorte (44 patients). La tolérance était acceptable (flat dose 750 mg) ; les effets indésirables concernaient les oedèmes périphériques et la fatigue. Durant les 14 mois de suivi en moyenne, le taux de réponse était de 36 % (43 % pour les SS), la durée médiane de réponse de 13,8 mois(13). Un essai de phase 2 (TELLOMAK) est en cours. Autre piste thérapeutique, les inhibiteurs du checkpoint, désormais utilisés dans nombreux cancers, sont potentiellement intéressants dans le lymphome cutané dans la mesure où le PD-1 et le PDL-1 sont exprimés dans le MF et dans le SS. Dans un essai de phase 2, 24 patients avec un MF avancé ou un SS, lourdement prétraités, ont reçu du pembrolizumab à la dose de 2 mg/kg/3 semaines. Sur le suivi de 58 semaines, la durée médiane de réponses n’a pas été atteinte. Le taux de réponse était 38 % (56 % dans MF et 27 % dans SS). Un patient SS sur 2 avait une aggravation transitoire de l’érythrodermie et du prurit(14). Enfin, l’allogreffe de moelle, qui consiste à transplanter de cellulessouches hématopoiétiques allogéniques non myéloablatives, est une option thérapeutique dans les lymphomes cutanés avancés. Depuis le 1er cas rapporté en 1994, on dispose de peu de données dans cette indication. L’analyse des dossiers de 36 MF et 24 SS, suivis en moyenne 7 ans, montre un bénéfice qui se maintient dans le temps avec 46 % de survie à 5 ans et 44 % à 7 ans ; toutefois, 45 % des patients récidivent ou progressent dans un délai médian de 3,8 mois. De plus, l’allogreffe n’est pas sans risque avec 22 % de mortalité due à la procédure(15). La place de l’allogreffe dans le lymphome cutané devra être confirmée dans d’autres études. Un essai prospectif contrôlé multicentrique est en cours.

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