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Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 31 mai 2015Lecture 10 min

Que faire devant une folliculite du cuir chevelu ?

J.-L. SCHMUTZ, CHU de Nancy

Une folliculite est définie comme une papule inflammatoire centrée par un follicule pileux évoluant souvent vers une pustule. Les folliculites du cuir chevelu peuvent être en rapport avec des affections de fréquence variable qui ont, bien souvent, en commun une chronicité souvent désespérante et une prise en charge thérapeutique pas toujours très bien codifiée. Elles peuvent répondre à des étiologies diverses, parfois dans le cadre d’une maladie générale et dont l’évolution chronique peut conduire inexorablement à une alopécie cicatricielle définitive. Le diagnostic clinique de folliculite est souvent facile à établir au stade aigu, mais parfois difficile, voire impossible, au stade tardif.

Devant une folliculite, l’interrogatoire doit préciser s’il s’agit d’un épisode unique ou si les lésions sont chroniques et évoluent depuis plusieurs années ; dans ce cas, l’examen clinique doit préciser si la folliculite s’associe éventuellement à une alopécie cicatricielle(1,2).   La folliculite décalvante de Quinquaud Une pustulose folliculaire dont les pustules évoluent vers des croûtes sur un mode dépilant puis vers une alopécie cicatricielle, doit faire évoquer cliniquement le diagnostic de folliculite dépilante ou folliculite décalvante de Quinquaud. C’est une folliculite chronique progressive caractérisée par de nombreuses pustules folliculaires et une hyperkératose engainant les cheveux sur fond érythémateux mal délimité. Elle prédomine chez l’homme, le plus souvent de race noire. Les plaques peuvent être uniques ou multiples. L’alopécie débute fréquemment au vertex. La bordure des zones alopéciques, blanc nacré, est le siège de pustules lors des poussées. La sclérose cicatricielle peut engainer les cheveux non totalement détruits et réaliser un aspect de folliculite en touffes (polytrichie) qui est un signe évocateur mais non pathognomonique (figures 1 et 2). En effet, il est admis aujourd’hui que la folliculite en touffes n’est pas une entité autonome car elle peut être observée dans d’autres pathologies s’accompagnant de remaniements cicatriciels comme le lichen pilaire, le lupus cutané, l’acné chéloïdienne, la cellulite disséquante du cuir chevelu, le pemphigus. Elle est cependant particulièrement fréquente dans la folliculite décalvante dont elle est une forme clinique.   Figure 1. Folliculite décalvante de Quinquaud. Figure 2. Folliculite décalvante de Quinquaud, stade tardif.   Réaliser, à titre systématique, un prélèvement mycologique et bactériologique Qu’il y ait ou non une alopécie cicatricielle associée, il est indiqué de réaliser à titre systématique, un prélèvement mycologique et bactériologique qui trouvera, dans la grande majorité des cas, un staphylocoque doré. Une biopsie cutanée pour confrontation anatomoclinique est également souhaitable. Histologiquement, nous pourrons avoir un aspect d’alopécie cicatricielle avec infiltrat neutrophilique pouvant confirmer le diagnostic de folliculite de Quinquaud en sachant cependant que la confrontation anatomoclinique est importante, car quelquefois l’infiltrat peut être pauvre en polynucléaires neutrophiles et plus riche en lymphocytes ; il faut garder à l’esprit que l’image du stade précoce d’abcès périfolliculaire infundibulaire riche en polynucléaires neutrophiles est fugace. Cet aspect peut évoluer vers le stade tardif où l’unité pilosébacée aura été détruite et où l’infiltrat sera majoritairement constitué de lymphocytes et de plasmocytes, avec parfois un aspect de granulome autour des débris pilaires. Au stade tardif quiescent, le diagnostic clinique avec un lichen plan pilaire peut être très difficile mais l’histologie redresse le diagnostic en ne montrant pas de signe de lichen avec absence d’infiltrat lichénoïde le long de la membrane basale épidermique(3). La prise en charge thérapeutique de la folliculite de Quinquaud est désespérante et particulièrement difficile. Le traitement re pose au départ sur l’application d’antibiotiques locaux associés à un traitement antibiotique par cyclines au long cours essentielle- ment (doxycycline à raison de 100 mg/j) ; la dose est souvent augmentée à 200 mg/j pour une durée d’au moins 6 à 12 mois. L’efficacité est suspensive et en cas de récidive, il faut prolonger le traitement sur plusieurs années. En cas d’échec, on peut proposer la rifampicine en monothérapie(4), des associations d’antibiotiques comme l’acide fusique (1 g/j) et la rifampicine (600 mg/j) ou l’association rifampicine (600 mg/j) et la clindamycine (600 mg/j). Le gluconate de zinc (Effizinc® ou Rubozinc®) à la dose de 30 à 60 mg/j peut être proposé, voire associé à l’acide fusidique 1 g/j. L’isotrétinoïne per os n’est, en règle générale, pas efficace dans cette pathologie bien que proposée à doses faibles et essentiellement associée au traitement antibiotique antistaphylococcique. La dapsone (Disulone®) peut être également essayée(5), ou les anti-TFN. Il est rapporté dans la littérature un cas isolé d’efficacité de l’infliximab (Remicade®) au cours d’une folliculite décalvante récalcitrante. D’autres recommandent le tacrolimus topique (Protopic®), mais la galénique grasse de ce produit rend difficiles les applications sur le cuir chevelu(6).   La cellulite disséquante du cuir chevelu L’autre alopécie cicatricielle à évoquer est la cellulite disséquante du cuir chevelu (perifolliculitis capitis abcedens et suffodiens d’Hoffmann). Dans sa forme classique, il s’agit d’abcès intercommunicants touchant surtout les hommes âgés de 20 à 40 ans. Ce sont, au début, des petits nodules fermes à la palpation qui vont évoluer vers des abcès communicants réalisant des placards inflammatoires douloureux et alopéciants pouvant donner au cuir chevelu un aspect cérébriforme (figures 3 et 4). Son association est possible avec une acné conglobata, une hidrosadénite suppurative (triade acnéique) ainsi qu’à des sinus pilonidaux (tétrade acnéique). L’origine est inconnue, l’étiologie infectieuse n’est plus retenue aujourd’hui bien que les lésions puissent être colonisées par un Staphylococcus aureus.   Figure 3. Cellulite disséquante. Figure 4. Cellulite disséquante.   Histologiquement, on constate une intense folliculite et périfolliculite détruisant le follicule pileux qui s’accompagne d’un infiltrat inflammatoire dermique avec la présence de cellules géantes.   L’isotrétinoïne reste le traitement de première intention Le traitement comporte l’incision et le drainage des abcès associés à des cures d’antibiotique antistaphylococcique. L’administration d’isotrétinoïne associée aux antibiotiques peut entraîner des améliorations (à des doses de 0,5 à 1 mg/kg/j) pendant plusieurs mois(7). Parfois, des infiltrations de corticoïdes, voire une corticothérapie générale sont nécessaires. La dapsone peut être tentée ou l’association rifampicine per os – mupirocine topique ou enfin le sulfate de zinc à haute dose (400 mg, 3 fois par jour pendant 3 mois). Dans les formes très sévères, un traitement par laser peut être essayé, notamment le laser Yag, et certains ont même tenté l’épilation aux rayons X. Une chirurgie large peut également être proposée, mais avec des risques de séquelles cicatricielles majeures. Les anti-TNFα peuvent se révéler efficaces. L’infliximab a donné d’excellents résultats chez un patient(8). L’adalimumab a été utilisé avec succès chez trois malades porteurs d’une cellulite disséquante du cuir chevelu ayant résisté pour deux d’entre eux à l’isotrétinoïne(9). Une récidive a cependant été observée 1 mois après l’arrêt du traitement et l’occlusion folliculaire a persisté sur le plan histologique. Les anti-TNFα constituent peut-être un traitement prometteur des cellulites disséquantes du cuir chevelu résistant à l’isotrétinoïne, mais leur effet anti-inflammatoire semble suspensif. La question de leur prescription initiale précoce reste à discuter(10). L’efficacité de la ciprofloxacine observée dans deux cas récents est peut-être en rapport avec ses effets immunomodulateurs. L’isotrétinoïne, pendant plusieurs mois, reste le traitement de première intention(11).   La folliculite fibrosante de la nuque La folliculite fibrosante de la nuque ou acné chéloïdienne se développe principalement chez les hommes jeunes de race noire. Après une première phase pustuleuse, des papules fibreuses apparaissent plus ou moins coalescentes pouvant parfois former de vastes placards fibreux chéloïdiens de la nuque (figure 5). Le rasage de la nuque joue un rôle déclenchant majeur et des formes diffuses avec atteinte du vertex sont décrites chez des patients se rasant tout le crâne. Le traitement comporte, dans la phase pustuleuse, l’administration prolongée de cyclines par voie générale. L’injection intralésionnelle de corticoïdes permet de diminuer l’inflammation. La cryochirurgie peut se révéler efficace. La chirurgie éventuellement associée à une radiothérapie peut se montrer également intéressante.   Figure 5. Folliculite fibrosante de la nuque.   La pustulose érosive du cuir chevelu La pustulose érosive du cuir chevelu touche le plus souvent les patients âgés, de préférence les femmes, mais les hommes chauves peuvent être également atteints. Cliniquement, elle se caractérise par des pustules superficielles du cuir chevelu souvent sur la zone du vertex évoluant ensuite vers des plaques érosives et croûteuses, puis vers une alopécie cicatricielle (figure 6). Elle fait souvent suite à un traumatisme local ou à des phénomènes irritatifs. Le mécanisme physiopathologique n’est pas clair, mais cette dermatose fait souvent suite au traitement de kératoses actiniques ou de carcinome spinocellulaire par 5-fluoro-uracile (Efudix®) ou par trétinoïne, mais aussi après un traumatisme notamment lors du traitement de kératoses actiniques par azote liquide ou laser, voire après photothérapie dynamique(12). Elle peut survenir également dans les suites d’une radiothérapie ou d’un zona ophtalmique.   Figure 6. Pustulose érosive.   Une dermatose parfois déclenchée par le traitement de kératoses actiniques Le traitement fait habituellement appel aux dermocorticoïdes de niveau I (Dermoval®) ou II et de façon plus anecdotique à l’isotrétinoïne, la dapsone ou le nimésulide par voie générale. Le calcipotriol et le tacrolimus (Protopic®) ont également été proposés avec succès, ou encore la photothérapie dynamique mais qui peut être un élément déclenchant de pustulose érosive(13). Par voie générale, l’isotrétinoïne ou le gluconate de zinc peuvent être tentés.   Autres formes cliniques • Chez l’enfant, on peut être amené à porter le diagnostic de pustulose à éosinophiles récurrente et prurigineuse. Le tronc et les extrémités peuvent également être touchés. Sur le plan histologique, il s’agit d’une pustule folliculaire associée à un infiltrat à éosinophiles. Cette folliculite touche plus particulièrement le garçon et peut faire évoquer cliniquement un impétigo croûteux. Les pustules sont stériles. On propose, sur le plan thérapeutique, en général, un traitement local par dermocorticoïdes qui se révèle efficace. • Les prélèvements mycologiques peuvent se révéler positifs et isoler un Candida albicans. Il faut savoir alors évoquer une pustulose candidosique des héroïnomanes. Il s’agit d’une poussée aiguë de folliculite douloureuse du cuir chevelu apparaissant quelques heures après l’injection IV de la drogue. L’éruption survient après un syndrome fébrile sudoroalgique. Elle peut s’accompagner d’une atteinte oculaire parfois gravissime. Les traitements font appel aux médicaments anticandidosiques (Triflucan®, Sporanox®). • Le kérion de Celse débute habituellement par un macar on érythémato-squameux qui devient rapidement inflammatoire, saillant, à bords nets et dont la surface est criblée de pustules folliculaires. C’est une teigne du cuir chevelu plus fréquente chez l’enfant, très inflammatoire, généralement provoquée par des dermatophytes zoophiles et géophiles. Le traitement antimycosique fait appel à la griséofulvine chez l’enfant et à la terbinafine chez l’adulte. • Plus rarement, des infections virales ou bactériennes peuvent entraîner une atteinte folliculaire aiguë du cuir chevelu. Il en va ainsi du zona, de l’herpès ou de l’impétigo.   En conclusion • L’approche étiologique des folliculites du cuir chevelu doit être effectuée de manière systématique avec, dans un premier temps, un examen clinique soigneux et une analyse sémiologique précise (pustules folliculaires, cicatrices, érythème, etc.). • Cet examen doit s’aider d’investigations cliniques complémentaires avec des prélèvements microbiologiques (bactériologique, mycologique et plus rarement viral ou parasitaire) et une biopsie cutanée. • La confrontation anatomoclinique est indispensable pour permettre un diagnostic précis afin d’apporter le traitement le plus adapté dans le cadre de maladies chroniques ayant souvent comme conséquence une alopécie cicatricielle ; d’où la nécessité d’un diagnostic étiologique le plus précoce possible pour essayer d’enrayer le processus pathologique.

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