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Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 30 nov 2014Lecture 9 min

La trichoscopie

Y. BOUREZANE, Besançon
La trichoscopie a révolutionné la prise en charge des pathologies du cuir chevelu en permettant de poser un certain nombre de diagnostics, de réaliser un suivi dermoscopique très simple et d’orienter le siège de la biopsie dans les cas douteux.
Cet article s’intéresse aux pathologies du cuir chevelu à l’origine d’une alopécie diffuse ou localisée, cicatricielle ou non, les plus souvent observées en pratique quotidienne. Les anomalies génétiques de la tige pilaire, nécessitant le plus souvent un grossissement plus élevé (x 50 à x 70) et donc un matériel plus onéreux, feront l’objet d’un article à venir.
La trichoscopie ou dermoscopie du cuir chevelu est devenue un outil incontournable dans le diagnostic et le suivi de nombreuses pathologies du cuir chevelu. Il s’agit d’une technique simple, rapide, non invasive et très peu coûteuse. Depuis quelques années, une nouvelle terminologie est née, s’étoffant d’année en année de signes que le dermatologue doit connaître afin d’améliorer ses performances diagnostiques et, parfois, de déterminer avec précision le siège de la biopsie du cuir chevelu.   Matériel utilisé Un simple dermatoscope manuel avec un pouvoir grossissant de 20 est nécessaire. Le couplage à un appareil photo numérique est vivement conseillé. La polarisation est également intéressante pour visualiser avec plus de précision le réseau vasculaire. L’utilisation d’un gel alcoolique désinfectant (le même que celui utilisé pour la désinfection des mains) est plus intéressante que celle du gel d’échographie en raison de son pouvoir désinfectant, de l’absence de bulles d’air et de son séchage rapide. En cas de desquamation diffuse ou périfolliculaire, la trichoscopie doit toujours être réalisée sans gel (trichoscopie sèche ou dry trichoscopy) en raison de la disparition des squames au contact du gel. Muni de ce matériel rudimentaire, vous êtes prêt pour la conquête d’un monde non visible à l’œil nu !   Trichoscopie normale Il est utile de se familiariser avec les aspects observés sur un cuir chevelu normal. Les unités folliculaires contiennent le plus souvent 3 cheveux au niveau de la zone occipitale et 1 à 2 tiges pilaires au niveau des zones frontales et pariétales (figure 1). L’épaisseur moyenne des tiges pilaires est évaluée à 0,061 ± 0,008 mm sur la zone frontale et à 0,058 ± 0,007 mm au niveau de la région occipitale(1). La couleur de la tige pilaire est uniforme, allant du noir foncé au blanc (figure 2). Les orifices folliculaires sont nombreux et la zone péripilaire est d’aspect normal. La vascularisation du scalp, mieux visualisée en mode polarisé, montre un aspect de boucles rouges interfolliculaires se traduisant par un piqueté rouge correspondant aux capillaires du derme papillaire et les lignes rouges arborescentes traduisent le plexus vasculaire sous-papillaire normal. Témoin d’une photoexposition chronique, l’aspect de réseau pigmenté en « nid d’abeille » ou honeycomb pigment pattern simulant le réseau classique des lésions mélanocytaires est constitué d’anneaux bruns correspondant à un dépôt de pigment mélanique. Cet aspect est souvent retrouvé dans le lupus chronique du cuir chevelu. Sur les phototypes foncés, on peut observer des points blancs en tête d’épingle, disposés de manière régulière et correspondant aux orifices des glandes sudorales eccrines (figure 3). En 2009, Fu et coll.(2) ont observé, le plus souvent chez les enfants, un nouvel aspect dénommé « points sales » ou dirty dots correspondant à des particules environnementales non microbiennes que l’on peut facilement éliminer avec un shampoing.   Alopécies non cicatricielles   L’alopécie androgénétique Dans l’alopécie androgénétique (AAG) féminine ou masculine, le signe caractéristique est l’anisotrichie (anisotichia ou high diameter diversity), se traduisant par une variabilité de calibre des tiges pilaires avec plus de 20 % de cheveux miniaturisés (figure 4). C’est un signe spécifique d’AAG (98 % de spécificité). Une hyperpigmentation périfolliculaire, dont la signification pathogénique est encore incertaine mais probablement en rapport avec l’inflammation péripilaire, et de rares taches jaunes non spécifiques peuvent être observées dans les AAG évoluées. De plus, la trichoscopie permet un suivi de l’efficacité du minoxidil topique ou de finastéride per os, en montrant une diminution du pourcentage d’anisotrichie.   L’effluvium télogène L’effluvium télogène (ET) est un diagnostic d’élimination s’appuyant essentiellement sur l’absence d’anisotrichie et la présence d’orifices folliculaires contenant une seule tige pilaire. Le terme d’« isotrichie » est le plus souvent utilisé.   La pelade La pelade (P) est probablement la pathologie donnant le plus de signes trichoscopiques. ● En effet, le signe principal est constitué par le cheveu en point d’exclamation (CPE ou exclamation-mark hair). Il s’agit d’un cheveu fracturé après son émergence, effilé, avec une extrémité plus sombre (figure 5). Il constitue un signe caractéristique de cette affection, à rechercher le plus souvent en périphérie des plaques. Leur abondance signe l’évolutivité de la pelade, surtout en cas d’association à des points noirs(3). ● Les points noirs(PN ou black dots)correspondent aux cheveux cadavérisés. Ce sont des cheveux fracturés avant leur émergence donnant un aspect de points noirs (figure 6). Ils ne sont pas spécifiques de la pelade puisqu’on peut les retrouver dans la cellulite disséquante, les teignes, les alopécies postchimiothérapie, la trichotillomanie, l’épilation laser ou après un trichogramme. ● Les points jaunes (PJ ou yellow dots) sont nombreux et monomorphes, ils traduisent un infundibulum dilaté contenant des débris de kératine et/ou de sébum avec parfois des débris de tige pilaire dans la pelade (figure 7). Leur couleur varie du jaune rose au jaune foncé. Les PJ ne sont pas spécifiques de la pelade, mais constituent un signe de sévérité de la maladie(3). La visibilité des PJ dépend du type de peau et de l’âge du patient : bien visualisés sur peau blanche et asiatique ; difficiles à mettre en évidence sur peau foncée et chez l’enfant. ● Le cheveu duveteux court (CDC ou short vellus hair) de moins de 10 mm est assez fréquemment observé dans les pelades. Ce cheveu est parfois blanc. ● Les cheveux cassés (CC ou broken hairs) sont des cheveux fracturés après leur émergence. Ils ne sont pas spécifiques de la pelade puisqu’ils sont observés dans la trichotillomanie et la trichoteiromanie ou alopécie de friction.   La trichotillomanie La trichotillomanie (T) est parfois très difficile à distinguer de la pelade en trichoscopie, car on peut retrouver des PJ, des CC et des PN dans les deux affections. Le seul signe semblant être spécifique de la trichotillomanie – mais inconstamment retrouvé – est le cheveu enroulé ou cheveu en « arobase » ou coiled hair. En pratique, quatre signes peuvent évoquer ce diagnostic : la présence de cheveux fracturés à des hauteurs différentes, le cheveu ayant une extrémité distale renflée ressemblant à une tulipe (cheveu en tulipe ou tulip hair), la présence d’un trichoschoptilosis ou cheveu fendu longitudinalement à son extrémité distale et, enfin, la présence d’érosions et de croûtes infectées ou hémorragiques au niveau du cuir chevelu (figure 8).   Alopécies cicatricielles   Le lichen plan pilaire et l’alopécie frontale fibrosante Ils sont très difficiles à distinguer en trichoscopie puisque l’on retrouve les mêmes signes : raréfaction ou absence d’orifices folliculaires avec présence de nombreuses taches blanches traduisant la fibrose, points bleu gris et desquamation péripilaire évocatrice (figure 9). L’érythème périfolliculaire, difficile à mettre en évidence en pratique, constituerait le seul signe distinctif entre ces deux affections.   Le lupus discoïde du cuir chevelu Le lupus discoïde du cuir chevelu est caractérisé par 3 éléments spécifiques : bouchons folliculaires hyperkératosiques, points rouges (red dots) se traduisant par des structures concentriques distribuées régulièrement autour des ostia folliculaires surtout en cas de lupus actif et vaisseaux arborescents dilatés, le tout donnant une image d’araignée rouge sur taches jaunes (figure 10). D’autres signes moins spécifiques communs aux alopécies cicatricielles peuvent être observés : raréfaction ou absence d’orifices folliculaires, taches blanches et points gris bleu surtout sur peau foncée.   L’alopécie de traction Dans l’alopécie de traction, la trichoscopie objective un signe caractéristique : la présence de manchons péripilaires (peripilar casts). Il s’agit de structures cylindriques entourant la portion proximale de la tige pilaire. Ce signe caractéristique de l’AT est retrouvé surtout en périphérie des plaques alopéciques.   La folliculite décalvante ou folliculite en touffes La folliculite décalvante se caractérise par la présence de follicules en touffes contenant au moins 6 poils émergeant à travers le même ostium, observée surtout dans les formes évoluées (figure 11), une hyperplasie en étoile ou starburst hyperplasia, une desquamation inter- et périfolliculaire épaisse bien observée en trichoscopie sèche ainsi que des pustules dans les lésions actives.   Alopécies inflammatoires et infectieuses   Le psoriasis et la dermite séborrhéique Le psoriasis et la dermite séborrhéique se caractérisent essentiellement par des signes vasculaires bien observés en mode polarisé. Dans le psoriasis, il s’agit de boucles vasculaires torsadées (twisted loops) retrouvées dans 100 % des cas(4), mieux observées à des grossissement de 50 ou 70 x et qui se manifestent sous la forme de points ou de globules rouges au grossissement de 20 (figure 12). Dans la dermite séborrhéique, il s’agit le plus souvent de vaisseaux arborescents sans points rouges (figure 13).   Les teignes Les teignes du cuir chevelu se manifestent par deux aspects caractéristiques de la tige pilaire : le cheveu en virgule (comma hair), en rapport avec une incurvation de la tige pilaire avec renflements distaux (figure 14), rapporté au cours d’infection à Microsporum canis(5) et le cheveu en tire-bouchon (corkscrew hair) prenant un aspect de double ou triple incurvation ressemblant à un tire-bouchon (figure 15) décrit chez des enfants noirs avec infection microsporique ou trichophytique(6).   La pédiculose du cuir chevelu Dans la pédiculose du cuir chevelu, la trichoscopie permet, d’une part, de différencier les pellicules banales des lentes et, d’autre part, de confirmer le diagnostic en montrant la présence soit de lentes de poux vides dont la base est rectiligne, soit des lentes pleines contenant des nymphes lorsque la base est bombée, soit les deux à la fois (figure 16).   Autres : alopécie temporale triangulaire congénitale et nævus sébacé de Jadassohn ● Dans ces deux situations cliniques, la trichoscopie permet de faire rapidement le diagnostic. En effet, dans le nævus sébacé de Jadassohn, on observe des points jaunes brillants sans follicules, correspondant à de nombreuses glandes sébacées (figure 17). ● L’alopécie triangulaire temporale congénitale se caractérise cliniquement par une alopécie congénitale de forme triangulaire temporopariétale uni ou bilatérale et par la mise en évidence quasi exclusivement de duvet avec absence de cheveux terminaux et l’absence de signes trichoscopiques de pelade.

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