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Plaies et cicatrisation

Publié le 14 oct 2012Lecture 6 min

Le 5-fluoro-uracile dans le traitement des cicatrices chéloïdes

A. GUICHARD*, P. HUMBERT*/** *Service de dermatologie, CHU de Besançon **Inserm U645, IFR133, Besançon

Les cicatrices chéloïdes sont des cicatrices anormales inesthétiques et parfois douloureuses. Les nombreux et divers traitements proposés ont une efficacité variable. Le 5-FU est une alternative intéressante dans les chéloïdes, dont nous proposons ici une revue de la littérature récente.

Les cicatrices chéloïdes correspondent à une réponse anormale de la cicatrisation cutanée conduisant à une fibrose excessive et invasive de la peau en réponse à un traumatisme, une inflammation, une chirurgie, une brûlure ou occasionnellement de façon spontanée. Cette pathologie commune atteint 15 % de la population et se caractérise par un retentissement esthétique mais aussi symptomatique à type de prurit, douleur et restriction des mouvements (1,2). Bien qu’aucun traitement ne soit optimal, de nombreuses stratégies thérapeutiques ont été testées avec une efficacité variable : rétinoïdes, irradiation, corticoïdes intralésionnels, cryochirurgie, gel de silicone, pression, chirurgie, IFN-α2b, culture de cellules épithéliales et plus récemment le 5-fluoro-uracile (5- FU). Le 5-FU est un antimétabolite analogue de la pyrimidine ayant un effet inhibiteur sur la croissance des fibroblastes. In vitro, une injection faible dose de 5-FU (< 1 mg/ml) induit une inhibition significative de la prolifération de fibroblastes responsables de cicatrices chéloïdes, ainsi que leur passage en phase apoptotique, sans causer la mort directe du fibroblaste, évitant ainsi la nécrose du tissu et prévenant les cicatrices futures (3). Qu’en est-il en clinique ?  Le 5-FU utilisé seul… améliore la taille des cicatrices G. Kontochristopoulos et coll. (4) ont démontré sur 20 patients une amélioration de plus de 50 % des cicatrices chéloïdes de 85 % des patients traités par 50 mg/ml de 5-FU, une fois par semaine pendant sept semaines avec un volume délivré moyen de 0,2 à 0,4 ml/cm2. De plus, selon les mêmes auteurs, une application topique de 5-FU post-chirurgicale sur une nouvelle cicatrice diminuerait les récurrences. Les effets indésirables reportés étaient des douleurs et des hyperpigmentations. L’histologiαe, le dosage du TGF-β ainsi que le dosage du Ki- 67 (index de prolifération) sont améliorés dans le même sens que la clinique. Cependant, dans cette étude, 47 % des patients présentaient des récurrences dans l’année qui suivait le traitement. Les auteurs ont mis en évidence une corrélation entre les récurrences et l’âge des cicatrices. De plus, selon une étude réalisée par S. Gupta et coll. (5,6), 24 patients présentant des chéloïdes de 6 cm ou moins ont été traités par des injections de 50 à 150 mg de 5-FU/semaine pour un maximum de 16 injections. Pour un tiers des patients, il y avait un aplatissement de plus de 75 % de la cicatrice, 25 % des patients avaient une bonne amélioration, 25 % avaient une amélioration satisfaisante et 17 % ne répondaient pas au traitement (5,6). Quatre-vingt pour cent des patients n’avaient pas de récidives à 3-6 mois. L’équipe retrouvait de meilleurs résultats pour les cicatrices chéloïdes de moins de 5 ans.  Le 5-FU associé aux corticoïdes… meilleure efficacité de l’association Une étude iranienne a comparé en double aveugle sur 40 patients l’efficacité d’injections intralésionnelles, hebdomadaires pendant 8 semaines, de 5-FU + acétonide de triamcinolone (TAC) contre injections intralésionnelles de TAC seul (contrôle). L’efficacité sur la diminution du prurit est comparable entre les deux groupes. Cependant, concernant l’élasticité, la taille de la cicatrice, l’érythème ainsi que la satisfaction des patients, l’association TAC + 5-FU semble plus intéressante( 7).  Le 5-FU associé à la chirurgie… prévient les récidives Selon une étude d’Haurani et coll., qui ont associé le 5-FU à une excision chirurgicale chez des patients pour qui une injection de triamcinolone seule n’a pas suffi, seulement 19 % des patients récidivaient un an après. C’est pourquoi cette équipe recommande l’injection intralésionnelle de 5-FU associée à une excision chirurgicale dans la prévention de récidive de cicatrice hypertrophique (8).  Le 5-FU associé à la chirurgie et au silicone ou corticoïdes… est efficace Une récente étude iranienne de 2010 (2) portant sur 47 patients a démontré l’efficacité de l’injection de 5-FU dans la prévention de cicatrices chéloïdes. Le groupe contrôle était traité par excision chirurgicale + feuille de silicone, l’autre groupe disposait du même traitement + injections de 5-FU. Soixante-quinze pour cent des patients du groupe 5-FU ne présentaient pas de cicatrices chéloïdes contre 43 % dans le groupe contrôle ; 21 % étaient partiellement améliorés contre 35 %. Des récurrences ont été observées chez 4 % des patients contre 22 % dans le groupe contrôle. Les doses injectées de 5-FU étaient de 50 mg/ml (de 0,6 à 1 ml en fonction de la taille de la cicatrice) à J7, 14, 28, M2 et M3 après la chirurgie. Les effets indésirables rencontrés correspondaient à des douleurs au site d’injection, des ulcérations et des sensations de brûlure (identiques entre les deux groupes). Une revue américaine rétrospective sur 102 cicatrices chéloïdes vient conforter le bénéfice d’une triple association et montrerait une efficacité de l’association 5-FU + triamcinolone + résection chirurgicale avec une réduction moyenne de la taille de la lésion de 92 % contre 73 % dans le groupe traité par triamcinolone intralésionnel + résection chirurgicale( 9).  A contrario… Une étude sur 10 patients de W. Manuskiatti et coll. ne retrouvait pas d’amélioration des cicatrices chéloïdes après injection de 5-FU par rapport à d’autres traitements. En effet, cette étude prospective contrôlée portant sur 10 patients, montrait que l’amélioration de la cicatrice après une chirurgie sternale était équivalente, qu’elle soit traitée par laser PDL, par injection intralésionnelle de triamcinolone (20 mg/ml toutes les 4 semaines pendant six cures) ou de 5-FU (50 mg/ml toutes les 2 semaines pour les huit premières cures et toutes les 4 semaines pour les deux dernières cures) ou par association des deux (1 mg/ml de triamcinolone + 45 mg/ml de 5-FU toutes les 2 semaines pour les huit premières cures et toutes les 4 semaines pour les deux dernières cures). Le groupe traité par injection intralésionnelle de corticoïdes présentait le plus d’effets indésirables. L’injection de 5-FU pourrait causer des douleurs, une hyperpigmentation et une desquamation( 4,10,11).   Conclusion Selon la littérature récente, l’injection intralésionnelle de 5-FU à la dose de 50-150 mg/semaine associée à une résection chirurgicale de la cicatrice, plus ou moins associée à l’injection intralésionnelle d’acétonide de triamcinolone ou à l’application de silicone topique, serait une stratégie efficace dans le traitement et la prévention de cicatrices chéloïdes. Néanmoins, selon certaines études, les taux de récurrence sont variables et peuvent être importants. Les effets indésirables reportés sont « minimes » et à type de douleur au point d’injection et d’hyperpigmentation.

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