Publié le 30 avr 2025Lecture 5 min
Hidradénite suppurée : des recommandations thérapeutiques pour les populations spéciales de patients
Catherine FABER, d’après la communication de Raed Alhusayen

Le travail d’experts dermatologues canadiens et états-uniens fondé sur une méthode Delphi modifiée a abouti à l’établissement de recommandations spécifiques pour la prise en charge de populations spéciales de patients atteints d’hidradénite suppurée (HS). Pour ces malades vus couramment en consultation, mais souvent exclus des essais cliniques, la préoccupation essentielle est celle de la sécurité des traitements.
Les recommandations nord-américaines, qui répondent à un réel besoin de stratégies thérapeutiques adaptées, ont été établies en prenant en compte l’avis des spécialistes en charge de chacune des populations concernées. Voici les situations particulières dans lesquelles l’utilisation des biothérapies, des antibiotiques systémiques, des antiandrogènes et immunomodulateurs/immunosuppresseurs sont discutées.
• Chez la femme enceinte
La biothérapie* peut être poursuivie pendant toute la grossesse si nécessaire, avec un accompagnement personnalisé des patientes et en première intention l’adalimumab pour lequel la recommandation est forte. Des recommandations conditionnelles ont été formulées pour le sécukinumab et pour le certolizumab qui est à réserver à des patientes sélectionnées. En ce qui concerne les antibiotiques, il faut éviter la tétracycline et la doxycycline (recommandation forte), le cotrimoxazole et la dapsone. Des alternatives sûres peuvent être proposées sous condition, en particulier la céfalexine, l’azithromycine et la clindamycine. Si un traitement antiandrogénique est envisagé face à des comorbidités métaboliques, la metformine peut être prescrite sans risque. Il en est de même pour la supplémentation en zinc.
• Chez la femme allaitante
Les experts émettent une recommandation forte pour la doxycycline (si nécessaire, < 3 semaines) et l’adalimumab. L’infliximab peut être donné sous condition, comme les anti-IL-17 et l’ustékinumab qui doivent être utilisés avec précaution compte tenu du peu de données disponibles dans cette population. La prednisolone est recommandée de façon conditionnelle en cas de poussée aiguë d’HS. Si une forte dose est nécessaire (≥ 20 mg/j), un intervalle de 4 heures entre sa prise et les tétées s’impose. Les contraceptifs oraux peuvent être autorisés ; la clindamycine également, mais avec prudence compte tenu du risque d’effets secondaires digestifs chez le nourrisson. Pour la metformine, la recommandation est la même que chez la femme enceinte.
• Chez l’enfant
Dans la population pédiatrique, les recommandations fortes concernent uniquement la doxycycline (≥ 8 ans) et l’adalimumab (≥12 ans). Elles sont conditionnelles pour l’adalimumab chez les enfants de 2-11 ans et pour le sécukinumab, l’infliximab et l’ustekinumab chez les 6 ans et plus. Les experts sont parvenus à une conclusion similaire en ce qui concerne la minocycline (≥ 8 ans), l’association rifampicine-clindamycine, la spironolactone et la contraception estroprogestative, le finastéride (patients de sexe masculin sélectionnés) et la metformine (obésité ou syndrome métabolique).
• Chez les patients avec antécédent de cancer
En cas d’antécédent de cancer, une utilisation prudente des biothérapies est recommandée : le sécukinumab et l’ustékinumab peuvent être utilisés si le diagnostic de l’affection maligne date de moins de 5 ans et l’adalimumab chez les pa tients en rémission de puis plus de 5 ans. L’antibiotique et l’antiandrogène à privilégier sont respectivement la doxycycline et la metformine. Une utilisation conditionnelle de l’ertapénem IV est préconisée dans les formes sévères d’HS. Il est également possible d’utiliser la prednisolone, mais avec prudence pour traiter les poussées sévères.
• Chez les patients avec tuberculose latente
Une antibiothérapie de 4 mois par rifampicine est fortement recommandée pour le traitement d’une tuberculose latente, car cet antibiotique est efficace à la fois sur l’infection et sur l’HS. Les experts rappellent la nécessité d’un dépistage systématique de la tuberculose avant l’initiation d’une biothérapie. Chez les patients à haut risque de tuberculose, les biothérapies non-anti-TNF sont à discuter en priorité. La tuberculose latente doit être traitée au moins un mois avant le début de la biothérapie. Dans cette forme de l’infection, le traitement antituberculeux et les anti-IL-17 peuvent être initiés en même temps. Chez les patients HS à faible risque de tuberculose, la metformine est l’antiandrogène de choix.
• Chez les patients avec hépatite B et C
Dans le contexte des hépatites B et C, les recommandations fortes concernent uniquement les biothérapies, avec au premier rang leur dépistage préalable au traitement. Chez les patients antigènes HBs (AgHBs) positifs, un traitement antiviral est nécessaire avant l’instauration d’une biothérapie pour prévenir la réactivation du virus. Cette recommandation prophylactique s’applique aussi au traitement des poussées d’HS par prednisolone à forte dose. Les patients anticorps anti-VHC positifs et AgHBs négatifs traités par biothérapie doivent avoir un suivi hépatologique et virologique régulier tous les 3 à 6 mois (ALAT, AgHBs, ADN du VHB). La coordination avec l’hépatologue a une place essentielle dans la prise en charge des patients atteints d’hépatite B ou C mis sous biothérapie. Dans le domaine de l’antibiothérapie, on dispose de données indiquant que la ciprofloxacine ou le cotrimoxazole réduisent le risque de péritonites bactériennes et ainsi améliorent la survie, en particulier en cas de cirrhose. Comme la doxycycline, ils font l’objet d’une recommandation conditionnelle. Du fait de son hépatotoxicité, la rifampicine doit être utilisée avec prudence. Une mise en garde est faite pour la metformine chez les patients cirrhotiques en raison de risques d’acidose métabolique et de péritonite. En l’absence de cirrhose, les antiandrogènes sont soumis aux mêmes conditions d’utilisation que chez les autres patients HS.
• Chez les patients VIH
Chez les patients vivant avec le VIH, trois antibiotiques présentent un bénéfice additionnel : la doxycycline pour la prévention des infections sexuellement transmissibles bactériennes, la dapsone contre la pneumonie à Pneumocystis et le cotrimoxazole en termes de survie. Il existe des interactions médicamenteuses entre la rifampicine et certains traitements anti-VIH. D’où la recommandation de l’utiliser avec précaution. L’infection à VIH fait partie des pathologies à dépister avant de commencer une biothérapie. L’adalimumab et l’infliximab, pour lesquels les données sont limitées, sont à utiliser avec prudence. Le traitement par anti-IL-17 ou ustékinumab est possible lorsque l’infection virale est bien contrôlée. Une collaboration avec les spécialistes du VIH est indispensable dans le cadre du suivi virologique des patients infectés dont l’HS est traitée par biothérapie. La metformine peut être discutée dans certaines conditions en cas de syndrome métabolique associé à l’HS, les autres antiandrogènes étant utilisables comme dans les autres populations.
Ces recommandations nord-américaines représentent certes une avancée pour la prise en charge de l’HS chez les patients présentant des caractéristiques particulières. Mais elles mettent en évidence d’importantes lacunes en matière de données probantes dans ce domaine, soulignant le besoin de développer des recherches sur le sujet.
* En France, les trois biothérapies ayant actuellement une AMM dans l'HS sont l’adalimumab, le sécukinumab et le bimékizumab.
D’après la communication de Raed Alhusayen (Toronto, Canada), lors de la 14 th Conference of the European Hidradenitis Suppurativa Foundation (EHSF), février 2025.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :