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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 30 avr 2025Lecture 7 min

Dermatites de contact chez les sportifs - Les matériaux en cause

Catherine OLIVERES-GHOUTI, dermatologue, Paris

Les allergies de contact sont un motif de consultation chez les sportifs professionnels et occasionnels. Si certains allergènes sont bien connus (caoutchoucs, colorants textiles, résines formolées, biocides), d’autres sont difficilement identifiables en l’absence de tests commercialisés. Le point avec les Drs Nadia Raison-Peyron CHU de Montpellier et An Goossens (Université catholique de Leuven, Belgique).

Les allergies aux matériels de sport surviennent chez tous les types de sportifs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, mais leur occurrence et la localisation des lésions dépendent du type de sport pratiqué, de la durée de l’activité et des équipements en contact avec la peau utilisés.   Attention aux caoutchoucs et aux résines synthétiques   • Caoutchoucs Présents dans de nombreux équipements sportifs individuels, les caoutchoucs – ou plutôt les accélérateurs de vulcanisation (thiurams, dithiocarbamates, mercaptobenzothiazole et ses dérivés, les thiourées utilisées pour leurs propriétés antioxydantes et présentes dans les objets en néoprène[1,2]) – sont impliqués dans de multiples cas d’eczémas de contact et sont considérés comme les allergènes les plus fréquents chez les sportifs. Lors du congrès du Gerda en octobre dernier, le Dr Raison-Peyron a une nouvelle fois pointé la responsabilité de ces substances qui peuvent se retrouver dans de nombreux articles de sport : chaussures, équipements pour les activités aquatiques (combinaisons et chaussons de plongée, de surf, de kite-surf, masques, tubas, lunettes de nage, bonnets de bain, gilets de sauvetage, etc.), accessoires de protection (genouillères, chevillières, protège-tibias, gants, etc.) (figure 1). Figure 1. Allergie au diéthylthiourée chez une patiente de 43 ans ayant porté une combinaison pour la pratique du kite-surf.   La littérature recense ainsi de multiples cas d’eczémas de contact, avec tests épicutanés positifs à la dibutylthiourée (retrouvée dans des lunettes de piscine[3] et des combinaisons de plongée[4]), au mercaptobenzothiazole (gants de football)(5) ou au mercapto mix de protège-tibias(6). Des antioxydants des caoutchoucs (IPPD ou DPPD) sont égale ment mis en cause, avec un cas rapporté d’eczéma du dos des pieds chez un jeune nageur utilisant régulièrement des palmes en caoutchouc bleu(7), et des cas d’allergies de contact aux protège-tibias chez des jeunes footballeurs(8).   • Résines synthétiques Utilisée comme colle et présente dans la BSE, la résine p-tertbutylphénol formaldéhyde est impliquée dans des cas d’eczémas de contact à différents équipements déjà cités : protège-tibias, genouillères, gants de gardien de but au football, lunettes de piscine, chaussures de sport… Concernant les résines acryliques, Nadia Raison-Peyron rapporte un cas d’eczéma de contact vésiculobulleux à la doublure en mousse de chaussures de ski neuves thermoformées, avec patch tests positifs à deux acrylates, observée chez un moniteur de ski. « Il est donc possible qu’une colle soit utilisée pour faire adhérer le tissu à la doublure en mousse de la chaussure de ski », précise-t-elle.   Acétophénone azine : allergène de l’année 2021 aux É.-U.   Élu allergène de l’année aux États-Unis en 2021, l’acétophénone azine se retrouve dans la mousse des protège-tibias ou les chaussures de sport. Le premier cas de dermatite de contact sévère a été décrit par N. Raison-Peyron et coll. en 2016 et concernait un jeune joueur de football(9). Depuis, 11 autres cas ont été signalés – 10 cas concernaient des jeunes garçons de 6 à 17 ans(10,11) – à type de dermatite touchant les tibias ou la plante des pieds (après le port de tongs et de basket) ou d’eczémas généralisés. « Des concentrations plus élevées ont été détectées dans les protège-tibias par rapport aux chaussures, ce qui explique que la sensibilisation et la phase de révélation se fassent sur les faces antérieures des jambes », explique le Dr Raison-Peyron.   Agents antimicrobiens : allergies aux biocides   Concernant les autres allergies en lien avec du matériel sportif, il est à noter l’impact des biocides, et notamment du chlorure de didécyl-diméthyl-ammonium (DDAC), un sel quaternaire d’ammonium, utilisé comme tensioactif ou agent antimicrobiens dans divers produits tels que des savons, des shampoings, des adoucissants, des désinfectants, etc. Il a été identifié dans un maillot de bain auquel une jeune fille de 12 ans avait réagi. Les patch tests avec un morceau du maillot et le DDAC étaient positifs(12). Le Dr Nadia Raison-Peyron rappelle que la patiente a pu être auparavant sensibilisée au DDAC en utilisant des produits en contenant et que « des réactions croisées peuvent se produire entre les différents ammoniums quaternaires ». Parmi les autres biocides présents dans les équipements sportifs, les isothiazolinones (octylisothiazolinone et méthylisothiazolinone) sont incriminés dans des eczémas de contact, comme celui à un casque de ski rapporté par N. Raison-Peyron.   Métaux, colophane, colorants et silicones   La liste des allergènes présents dans les équipements sportifs est longue et s’étend des métaux (sels de chromes qui permettent de tanner le cuir des chaussures et bottes d’équitation notamment) à la silicone (présente sur les lunettes de piscine par exemple), en passant par la colophane (pansements adhésifs) et les colorants textiles.   • Métaux Le nickel, essentiellement, mais aussi le cobalt, le palladium ou l’aluminium sont présents dans nombre d’accessoires sportifs : sifflets, boucles, fermoirs, appareils de musculation, haltères, barre de pole dance (figure 2)(13), etc. Le Dr Goossens (faculté de médecine, université catholique de Leuven, Belgique) rappelle : « Le facteur le plus important dans le développement d’une dermatite de contact allergique n’est pas sa concentration dans un objet ou revêtement, mais la quantité libérée par la peau lors de l’exposition à la sueur humaine. » En effet, il existe des cas dans la littérature de réactions cutanées au nickel « qui peut être relargué à partir d’accessoires métalliques de vêtements »(14). Le Dr Raison-Peyron rapporte ainsi un cas d’eczéma de contact apparu chez un golfeur sensibilisé au chrome de ses gants de golf en cuir. Figure 2. Allergie au nickel de la barre chez une patiente pratiquant la pole dance (d’après A. Gutierrez González et coll.[13]).   • Colophane Cette résine naturelle est elle aussi largement utilisée dans le sport comme adhésif et substance antidérapante : au tennis sur les poignées des raquettes, en gymnastique sur les mains des gymnastes, chez les haltérophiles ou les alpinistes, dans la pratique de sports de balle, en danse (sur les chaussons), au bowling, etc.). La littérature rapporte des cas d’allergie par contact direct – essentiellement au niveau des mains et des jambes – ou aéroportée sur le visage. « La colophane représente un sensibilisant important des dispositifs médicaux, souvent utilisés chez les sportifs comme protecteurs cutanés », rappelle le Dr A. Goosens. On a ainsi décrit un cas d’eczéma chronique quasi généralisé chez un footballeur qui utilisait des sparadraps pour fixer ses chaussettes lors de ses entraînements. Les patch tests étaient positifs à la colophane et au pansement adhésif, dont l’analyse chimique a confirmé la présence de colophane(15).   • Colorants textiles Les colorants utilisés dans les vêtements pour sportifs sont aussi à l’origine d’allergies de contact, et de réactions croisées avec la DPPD. Un cas d’eczéma de contact à une combinaison noire en lycra a ainsi été ob servée chez un hockeyeur, avec patch tests positifs au Disperse Blue 106(16).   • Silicone Utilisé dans les équipements sportifs pour ses propriétés antidérapantes, comme amortisseur de choc, pour améliorer le confort, l’étanchéité et l’imperméabilité, le silicone et ses dérivés sont aussi responsables de cas de dermatites de contact. Un eczéma périorbitaire conséquent au port de lunettes de piscine en silicone a ainsi été rapporté(17). Le remplacement par des lunettes sans silicone a entraîné l’absence de récidive.   Quel bilan allergologique ?   • Tests épicutanés Le dermatologue dispose de différents tests épicutanés pour poser son diagnostic : BSE pour les additifs aux caoutchoucs, les résines, la colophane, le nickel, le chrome, les isothiazolinones, les méthacrylates et le textile dye mix (mélange de colorants textiles) ; la batterie « caoutchouc » pour les suspicions d’allergies aux thiourées ; la batterie « plastiques/colles » pour tester les réactions aux résines formolées, au POB, à l’abitol et à l’acide abiétique (dérivés de la colophane). À noter cependant que les colophanes modifiées retrouvées dans les pansements utilisés par les sportifs ne sont pas commercialisées, et qu’elles peuvent être positives alors même que la colophane de la BSE est négative. Et que l’acétophénone azine – classée par l’UE comme sensibilisant – n’est pas non plus commercialisée par les firmes de patch tests. Pour le Dr Raison-Peyron, « elle aurait sa place dans une batterie “équipements sportifs”, “chaussures” et “plastiques” » et peut être dans une BSE pédiatrique.   • Tests du matériel Dans son exposé, Nadia Raison-Peyron rappelle l’importance de tester le matériel avec des morceaux assez grands (de combinaison ou de chaussure, par exemple), humidifiés avec de l’eau : « En pratique, il arrive relativement souvent que les tests cutanés avec les morceaux d’accessoires suspects soient positifs alors que toutes les batteries complémentaires […] plus la BSR sont négatives. »   • Penser aux topiques médicamenteux et aux dermatites d’irritation Il importe aussi d’écarter tout risque allergique lié à l’application d’un topique médicamenteux, qui peut imprégner les équipements sportifs. Le Dr Raison-Peyron rapporte le cas d’une patiente positive aux patch tests à une chevillière, et qui était en fait sensibilisée au propylène glycol contenu dans l’anti-inflammatoire qu’elle appliquait sur sa cheville. Enfin, le dermatologue devra aussi mesurer la possibilité d’une dermite d’irritation, très fréquente chez les sportifs, et due à des frottements, à la transpiration, etc. D’après la présentation de N. Raison-Peyron et A. Goossens, « Allergies aux matériels de sport et aux équipements sportifs individuels », Gerda 2024.

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