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Pathologie vasculaire

Publié le 13 nov 2007Lecture 15 min

Vasculites : quelles nouveautés pratiques ?

P. Berbis, Hôpital Nord, Marseille
L’actualité est riche dans le domaine des vasculites. Sans être exhaustive, cette revue mettra en avant les points récents les plus pratiques et importants, notamment dans les domaines thérapeutique et étiologique.
Granulomatose de Wegener (GW) Un intérêt particulier s’est dégagé concernant cette vascularite, notamment dans ses formes les plus sévères dont le mauvais pronostic est connu, avec l’arrivée des biothérapies et des nouveaux immunosuppresseurs. Traitements classiques Une mise au point récente a actualisé les recommandations thérapeutiques(1). Les corticoïdes seuls sont inefficaces pour induire une rémission(2). Le traitement recommandé pour obtenir une rémission d’une GW systémique en poussée est le cyclophosphamide (Endoxan®) en perfusion intraveineuse (15-20 mg/kg toutes les 3 semaines) ou per os (2 mg/kg/j). Certains avantages semblent devoir faire favoriser la voie intraveineuse : moindre toxicité vésicale, moindre risque de neutropénie. Dans les formes peu sévères, le méthotrexate peut être une alternative. Cependant, si le taux d’induction de rémission semble comparable à celui induit par le cyclophosphamide (89 % à 6 mois versus 95 % avec le cyclophosphamide), les rechutes apparaissent plus fréquentes avec le méthotrexate. Le traitement d’entretien repose sur l’azathioprine (2 mg/kg/j), le méthotrexate, le triméthoprime/sulfaméthoxazole. Les immunoglobulines intraveineuses ou les échanges plasmatiques peuvent être utiles dans les formes réfractaires. Actualités   Le mycophénolate mofétil (Cellcept® 2 g/j per os) a montré un intérêt dans la prévention des récidives, en relais du cyclophosphamide, en association à la corticothérapie générale, dans une courte série, mais une autre série n’a pas confirmé ces résultats encourageants(in 1). Des études complémentaires sont nécessaires.   Le rituximab (Mabthera®) est un anticorps monoclonal chimérique (murin-humain) dirigé contre le CD20 humain, marqueur spécifique du lymphocyte B (non exprimé par cellules souches, les cellules pro-B, ni par les plasmocytes). La fixation du rituximab sur le CD20 entraîne une apoptose du lymphocyte B. Le rituximab est actuellement indiqué dans le traitement des lymphomes folliculaires de stade III/IV, résistants à la chimiothérapie ou récidivants, et des lymphomes B agressifs (en association avec une chimiothérapie). Des publications de plus en plus nombreuses font état de l’intérêt de cette molécule dans des pathologies auto-immunes, telles que le purpura thrombopénique auto-immun, les connectivites, le pemphigus. L’intérêt potentiel du rituximab dans certaines formes de vasculites a récemment été évoqué(3). Il s’agit principalement de cas isolés ou de séries courtes : traitement de maladies de Wegener réfractaires(4), traitement adjuvant de la maladie de Horton(in 3), quelques cas de succès dans le traitement des vasculites ANCA positives(5). À l’inverse, des cas de vasculite ont été observés lors de traitements par rituximab pour des indications classiques(in 3). Des études contrôlées sont nécessaires pour statuer précisément, mais l’intérêt potentiel est établi en traitement de deuxième intention dans des formes résistantes de GW.   Les anti-TNF alpha (étanercept [Enbrel®]), infliximab [Remicade®]) ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de pathologies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, psoriasis et rhumatisme psoriasique). Certaines formes sévères de GW sont réfractaires ou deviennent résistantes à l’association corticoïdes-cyclophosphamide et mettent en jeu le pronostic vital. Depuis 2001, quelques petites séries ouvertes et une étude randomisée concernent l’étanercept (Enbrel®)(in 6). Dans l’étude randomisée WGET (Wegener’s Granulomatosis Etanercet Trial(7)), l’étanercept a été utilisé versus placebo comme traitement adjuvant d’un traitement classique. Quatre-vingt onze patients ont été inclus dans le groupe placebo, 89 dans le groupe étanercept. Au terme de plus de 18 mois de traitement, aucune différence significative n’a été notée entre les deux groupes en termes de rémission durable ni de prévention des poussées. De plus, l’incidence des néoplasies observées dans le groupe traité par étanercept était soulignée. La GW est connue pour être elle-même associée à un risque élevé de cancer, et ces molécules réduisent la veille immunitaire antinéoplasique. Mukhtyar et coll.(6) ont colligé les résultats de 4 études incluant 19 patients atteints de GW traités par infliximab (Remicade®). Les patients ont été traités avec des doses d’infliximab allant de 3 à 5 mg/kg avec une périodicité de 1 perfusion tous les 1 à 2 mois. Les traitements classiques étaient poursuivis. Soixante-neuf pour cent des patients étaient considérés comme réfractaires au traitement classique. Une rémission a été obtenue dans 81 % des cas. Des infections ont été rapportées dans 11 % des cas et un décès dans 4 % des cas. L’infliximab semble donc être potentiellement plus intéressant que l’étanercept dans la prise en charge des formes réfractaires aux traitements classiques de GW. Des études contrôlées doivent cependant confirmer ces données. Les anti-TNF a pourraient être une alternative intéressante dans  les granulomatoses de Wegener réfractaires aux traitements classiques. Vasculites systémiques des petits vaisseaux : quel(s) protocoles pour éviter les rechutes ? Si le traitement d’induction de rémission est assez bien codifié actuellement pour les vasculites primitives des vaisseaux de petit calibre (GW, Churg-Strauss [CS], polyangéite microscopique [PM]), la nature du traitement d’entretien pour éviter les récidives est moins bien codifiée(8). L’identification des facteurs de rechute est importante, notamment les facteurs infectieux (cf. infra). Il n’est pas clair, en revanche, de savoir si la persistance d’ANCA est corrélée avec un plus grand taux de rechutes(8). Figure 1. Vascularite nécrosante. Figure 2. Vasculite bulleuse. Plusieurs études ont montré l’intérêt du méthotrexate (20 à 25 mg/semaine) pour prévenir les rechutes de GW(in 8), avec cependant des taux de rechute pouvant atteindre 52 % des cas. L’azathioprine est également proposée avec semble-t-il plus de succès (15 % seulement de rechute après une rémission induite par l’association corticoïdes-cyclophosphamide dans une étude multicentrique européenne(in 8)). La durée du traitement d’entretien n’est également pas bien codifiée. Le maintien d’un traitement pendant 1 à 2 ans semble cependant justifié. Un traitement plus prolongé peut être discuté au cas par cas, exposant bien sûr à un risque accru de toxicité. Des études évaluant l’intérêt de l’association trimethoprim/sulfamethoxazole dans la prévention des rechutes ont été publiées, mais aucune conclusion nette ne peut être établie. Maladie de Behçet (MB) Les biothérapies ont récemment été étudiées dans la prise en charge des formes réfractaires de cette vasculite spécifique potentiellement sévère.   L’Interferon a-2a semble avoir un intérêt particulier dans les atteintes oculaires sévères. À une dose de départ de 6 millions d’unités par voie sous-cutanée par jour, il a montré une efficacité dans 92 % des cas de pan-uvéite(in 9). Une efficacité a également été rapportée dans des cas de vasculite rétinienne(in 9). Les données sont beaucoup plus fragmentaires et très difficiles à synthétiser concernant l’intérêt de cette molécule dans les autres manifestations sévères et réfractaires de la MB. Des succès ont été rapportés dans des manifestations cutanéo-muqueuses sévères, dans des arthrites sévères. Les données sont trop peu nombreuses dans les manifestations thrombotiques et du système nerveux central pour pouvoir être analysées(9).    Les anti-TNF a Plusieurs éléments constituent un rationnel pour l’utilisation des anti-TNF a au cours de la MB : concentrations élevées de TNF a, mises en évidence dans le sérum et l’humeur aqueuse, de patients présentant des uvéites associées à la MB(in 9), rôle pathogène du TNF a dans des modèles expérimentaux d’uvéites. Des observations anecdotiques de MB réfractaires améliorées par l’infliximab (Remicade®), tant au plan cutanéo-muqueux qu’articulaire, qu’oculaire et que digestif(in 9), ont été rapportées. Une série de 24 MB avec manifestations oculaires sévères, dont 15 réfractaires, a rapporté une rémission rapide dès la première perfusion d’infliximab dans 24 cas(10). Une étude contrôlée versus placebo dans 40 cas de MB sans manifestations sévères a évalué l’intérêt de l’étanercept (Enbrel®) (25 mg en S/C 2 fois par semaine pendant 4 semaines)(in 9). L’efficacité est nette sur la composante cutanéo-muqueuse, mais non concluante sur la composante articulaire. Au total, s’il est donc encore trop tôt pour définir précisément l’intérêt et la place des anti-TNF a dans la prise en charge de la MB, ces éléments préliminaires sont intéressants et doivent susciter des études complémentaires. Maladie de Kawasaki (MK) Le traitement recommandé face à une MK consiste en l’association immunoglobulines intraveineuses (Ig IV)-aspirine instaurée le plus rapidement possible. La conduite à tenir dans les formes réfractaires à ce traitement de première intention est moins bien définie. Une deuxième cure d’Ig IV associée à de fortes doses d’aspirine est recommandée chez des enfants qui ont une fièvre persistante sous traitement. Un très faible pourcentage (< 5 %) reste réfractaire cependant à cette deuxième cure. Dans ces cas exceptionnels, la corticothérapie peut être discutée(11). L’infliximab a montré une efficacité dans des formes avec atteinte coronarienne résistante aux Ig IV, à l’aspirine et aux corticoïdes (mais le nombre de cas est faible, une dizaine)(in 12). Un progrès significatif dans le dépistage des anévrysmes coronariens est apporté par l’IRM coronaire, dont la qualité diagnostique semble comparable à celle de l’angiographie(13). Purpura rhumatoïde (PR) : une surveillance rénale pendant combien de temps ? Pour répondre à cette question, 12 études regroupant 1 133  enfants ont été colligées par H. Narchi(14). Dans ces études, le suivi allait de 6 mois à 36 ans. La protéinurie et/ou l’hématurie sont apparues dans 85 % des cas au cours des 4 premières semaines suivant le diagnostic de PR, et dans 97 % des cas au cours des 6 premiers mois. Un suivi rénal sur une période de 6 mois, même en l’absence d’anomalies du culot urinaire, semble donc nécessaire. Figure 3. Purpura rhumatoïde. Vasculites : des pistes étiologiques infectieuses nouvelles Bactéries Le portage en staphylocoque doré (SD) a été incriminé dans plusieurs travaux comme pouvant être à l’origine de l’initiation et des poussées de granulomatose de Wegener (GW) par le biais de la production de superantigènes (TSST-1)(15). Par ailleurs, le SD stimule le système immunitaire en induisant une prolifération lymphocytaire T et B, la sécrétion d’immunoglobulines et une sécrétion accrue de cytokines. Dans l’étude de Stegeman(16), le portage staphylococcique nasal était un facteur de risque de rechute indépendant. Ces hypothèses ne sont pas formellement confirmées, mais il paraît cependant utile de recommander le dépistage régulier et le traitement du portage staphylococcique, notamment nasal, chez les patients suivis et traités pour une GW. Le rôle de ces superantigènes est également discuté dans le déterminisme de la maladie de Kawasaki. Plusieurs infections bactériennes ont été associées à des purpuras rhumatoïdes et sont venues rejoindre le streptocoque, parmi les infections pouvant sur certains terrains déclencher cette vasculite (Mycoplasma pneumoniae, Yersinia, Legionella, Bartonella(17)). Plusieurs cas de vasculites cutanées associées à une tuberculose active ont été récemment rapportés. Pour certains, la vasculite a totalement régressé après un traitement antituberculeux(18), mettant en avant la nécessité de penser aujourd’hui encore à cette étiologie face à toute vasculite. Une observation de vasculite cutanée (révélée par une large ulcération chronique) a permis de diagnostiquer une syphilis dans l’observation de Chao(19). Il paraît utile de recommander le dépistage régulier et le traitement du portage staphylococcique, notamment nasal, chez les patients suivis pour une granulomatose de Wegener. Virus Un cas d’aortite proche du syndrome de Takayasu a été récemment observé chez un enfant en même temps qu’une primo-infection à HHV6(in 17). Plusieurs virus ont été suspectés dans le développement de syndromes de Kawasaki(in 17) : EBV et HIV dans des formes de l’adulte, parvovirus B19 et coronavirus dans des formes de l’enfant. Plusieurs infections virales ont également été rapportées comme concomitantes du développement d’un purpura rhumatoïde : EBV, VZV, CMV, parvovirus B19. La présence cutanée de parvovirus B19 a été mise en évidence par une équipe espagnole dans un cas de vasculite cutanée(20) chez un homme de 36 ans. Une étude épidémiologique danoise suggère un lien entre la maladie de Horton et l’infection par parvovirus(in 21). À l’inverse, l’infection par le VIH est rarement responsable de vasculite(21). Signalons une série de patients présentant une vasculite cutanée due à une cryoglobulinémie associée au virus de l’hépatite C traitée par rituximab(22). Une réponse complète a été observée dans 80 % des cas. Un cas de vasculite cutanée a très récemment été rapporté chez un patient présentant une maladie de Creutzfeldt-Jacob(23). Vasculites et connectivites Syndrome de Gougerot-Sjögren La présence d’une vasculite cutanée au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren est associée avec une incidence accrue d’atteinte articulaire (55 %), de neuropathie périphérique (31 %), d’atteinte rénale (10 %) et de syndrome de Raynaud (40 %) (résultats issus d’une série de 89 cas(24)). Lupus À propos d’une série de 670 cas, M. Ramos-Casals et coll.(25) indiquent que la présence d’une vasculite au cours du lupus est particulièrement associée à une activité lupique plus importante, ainsi qu’à un livedo, une anémie et la présence d’anticorps anti-SSB. Vasculite rhumatoïde : une fréquence sous-estimée au cours de la polyarthrite rhumatoïde ? La prévalence d’une vasculite subclinique, selon des données postmortem, serait supérieure à un tiers des cas (G). L’une des explications pourrait se trouver dans le fait que la prévalence des anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA) augmente avec la durée d’évolution de la PR(14), de même que les marqueurs d’altération endothéliale. Le traitement de la vasculite rhumatoïde repose sur des protocoles comparables à ceux des vasculites primitives, notamment l’association corticoïdes-cyclophosphamide. Les posologies doivent cependant être de principe plus faibles en raison d’une probable plus grande sensibilité des patients, souvent plus âgés, aux immunosuppresseurs(14). Vasculites induites par des médicaments  R.A. Luqmani  a récemment insisté sur les vasculites ANCA + induites, dont le spectre clinique s’étend de formes cutanées pures à des formes systémiques proches de la péri-artérite noueuse, de la granulomatose de Wegener et du syndrome de Churg et Strauss. Les molécules les plus impliquées sont les suivantes : allopurinol, phénytoïne, hydralazine, ciprofloxacine. Figure 4. Peri artérite noueuse. Le propylthiouracil est associé au développement d’ANCA chez 20 à 64 % des patients traités pour la maladie de Basedow(26). Certains de ces patients vont développer une vasculite cutanée, d’autres une glomérulonéphrite ou une polychondrite. Moins d’une dizaine de cas de péri-artérites noueuses cutanées ont été rapportés avec la minocycline(27). Il est important face à toute vasculite cutanée d’évoquer une origine médicamenteuse, afin de stopper le traitement responsable et d’éviter une extension systémique de cette vasculite. Il est important face à toute vasculite cutanée d’évoquer une origine médicamenteuse. Un cas de vasculite a été rapporté chez une femme de 66 ans, en cours de désensibilisation pour une allergie à Cupressus arizonica. Cette complication est très rare, parfois sévère (des cas de péri-artérite noueuse ont été observés), mais doit savoir être évoquée pour stopper la désensibilisation(28). Une étude multicentrique française a colligé, en 2005, 39 cas de vasculites induites par les anti-TNF(29). La plupart concernaient de patients traités pour polyarthrite rhumatoïde (34 cas de PR, 2 cas d’arthrite chronique juvénile, 1 cas de spondylarthrite ankylosante et 1 cas de rhumatisme psoriasique). La durée moyenne du traitement par anti-TNF était de 9,6 mois. Les lésions cutanées étaient quasi-constantes (32 cas). La régression de la vasculite a été spontanée après arrêt de la molécule dans certains cas, mais pas dans d’autres, nécessitant un recours à des corticoïdes ou des immunosuppresseurs. Un décès a été observé. Vasculites paranéoplasiques Trente et un cas de purpura rhumatoïde de l’adulte associés à une néoplasie sous-jacente ont été rapportés dans la littérature(30). Il est possible que cette fréquence soit sous-évaluée. Les néoplasies les plus fréquemment associées sont pulmonaires, prostatiques, hématologiques (myélomes) ou des lymphomes. Cette association est nettement plus fréquente chez l’homme. Une étude récente a indiqué que les vasculites ANCA + étaient particulièrement à risque d’être associées à une néoplasie sous-jacente(31). Par rapport à une population contrôle, le risque relatif est de 6 pour ces patients (5,25 pour les patients adultes présentant un purpura rhumatoïde). Signalons deux cas de vasculites fulminantes fatales au cours de l’évolution de lymphomes(32). Les vasculites ANCA + seraient particulièrement à risque d’être associées à une néoplasie sous-jacente. Divers Une élévation significative des IgA anticardiolipines a été rapportée dans 75 % des cas de purpura rhumatoïde de l’adulte(33). Les auteurs évoquent le rôle pathogène de ces anticorps dans le déterminisme des lésions et suggèrent d’en faire un marqueur d’activité. 

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