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Thérapeutique

Publié le 18 mar 2008Lecture 13 min

Quelle surveillance dermatologique sous anti-TNF alpha ?

P. BERBIS, Hôpital Nord, Marseille
Les anti-TNF a ont apporté un bénéfice très significatif dans la prise en charge des psoriasis sévères et des pathologies suivantes : maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante. Des effets secondaires cutanés, certains pouvant être sévères, peuvent cependant être observés. Le dermatologue est de plus en plus fréquemment consulté par les rhumatologues, gastro-entérologues et internistes pour adapter la conduite à tenir. Ils sont mieux connus actuellement à mesure de l’accroissement de la prescription des anti-TNF a.
Que nous apportent les séries de la littérature ? Elles sont très peu nombreuses et il est encore aujourd’hui difficile de définir précisément la fréquence des effets indésirables dermatologiques imputables aux anti-TNF a, l’existence de terrains particuliers prédisposant à leur survenue, ainsi que celle de spécificités éventuelles molécules-dépendantes. • H.H. Lee et coll.(1) rapportent une étude prospective ayant inclus 150 patients traités par anti-TNF a pour des indications rhumatologiques sur une période de suivi de 2 ans. Au cours de l’étude, 35 patients ont présenté des manifestations dermatologiques (17 traités par infliximab, 12 par adalimumab, 6 par étanercept). Des dermatoses infectieuses ont été observées dans 13 cas (pityriasis versicolor, réactivation herpétique, infections staphylococciques). Diverses dermatoses (pour lesquelles l’imputabilité de l’anti-TNF a peut être analysée de manière variable) ont été notées dans d’autres cas : alopécie androgénétique, pelade, dermatite herpétiforme, pityriasis rosé, vasculite. • Devos et coll.(cité in 1) rapportent 6 cas de réactions cutanées chez des patients traités par infliximab pour une maladie de Crohn (MC) : vasculite leucocytoclasique, éruption lichénoïde, folliculite, granulome superficiel, éruption pernio-like. Des tests épicutanés effectués dans certains cas ont suggéré l’imputabilité d’une sensibilisation lymphocytaire T spécifique. • M. Flendrie et coll.(2) ont suivi de manière prospective 289 patients traités par anti-TNF a pour polyarthrite rhumatoïde. Le suivi était de 911 patients-années. Des manifestations cutanées ont été observées dans 25 % des cas (72 patients), conduisant à l’arrêt du traitement dans 26 % des cas (19 patients). Trente-trois infections cutanées ont été colligées (mycoses, folliculites superficielles, furoncles, herpès). Aucune n’a nécessité une hospitalisation. Une dermatite eczématiforme a été observée dans 20 cas. L’aspect était variable (à type d’eczéma nummulaire [figure 1], dishidrosique ou de dermatite atopique). L’analyse anatomo- pathologique a montré dans tous les cas une spongiose, ainsi qu’un infiltrat dermique superficiel périvasculaire, sans spécificité particulière (figure 2). Dans certains cas, ces aspects s’associaient de manière variable à une acanthose, une parakératose, des nécroses kératinocytaires (figure 3). Les dermocorticoïdes ont apporté un bénéfice pour la plupart de ces éruptions eczématiformes. Figure 1. Eczéma numulaire. Réaction eczématiforme sous anti-TNF. Figure 2. Réaction eczématiforme ; spongiose et infiltrat dermique superficiel. Figure 3. Réaction eczématiforme ; nécrose kératinocytaire. Des exanthèmes ont été observés dans 15 cas : urticariens, lichénoïdes, purpuriques. L’analyse anatomopathologique montrait la présence d’infiltrats lymphocytaires périvasculaires associés à une exocytose. Une dermatite d’interface a pu parfois être notée. Le délai de survenue de ces exanthèmes variait de 2 à 57 jours suivant l’introduction de l’anti-TNF a. Un arrêt de la molécule a été effectué dans 7 cas et la réintroduction a entraîné la récidive de l’exanthème dans 6 cas. Cinq cas de vasculite ont été observés. Un psoriasis (ou une dermatose psoriasiforme) a été noté dans 3 cas (9 mois, 16 mois et 4 ans après l’introduction de l’adalimumab). Cinq carcinomes ont été observés dans cette série chez 4 pa-tients (carcinome in situ, carcinome basocellulaire, carcinome spinocellulaire) et le développement de kératoses actiniques a été noté chez 5 patients. Diverses dermatoses ont enfin été relevées : dermatomyosite (1 cas), lupus érythémateux (1 cas), papulose lymphomatoïde (1 cas), rosacée (1 cas), prurit (1 cas), érythème noueux (11 cas). Psoriasis induit Il s’agit là de l’effet le plus paradoxal puisque ces molécules sont d’excellents antipsoriasiques. Ces dermatoses psoriasiformes n’ont été observées que chez des patients sans antécédent de psoriasis, traités par anti-TNF a pour des indications rhumatologiques ou gastro-entérologiques. • P.P. Sfikakis et coll.(3), sur une série de 100 patients traités par anti-TNF a (étanercept, infliximab, efalizumab) pour polyarthrite rhumatoïde ou arthropathies inflammatoires chroniques, notent un psoriasis induit dans 5 cas. Ces psoriasis s’exprimaient dans les 5 cas par une pustulose palmo-plantaire (PPP) (figures 4 et 5), associée de manière variable à des lésions psoriasiformes du corps, du cuir chevelu et/ou des ongles. Nous avons récemment observé un cas de psoriasis inversé chez un patient traité par anti-TNF pour spondylarthrite ankylosante. L’analyse microscopique montrait un pattern psoriasiforme (figure 6). Figures 4 et 5. Pustulose palmo-plantaire induite par traitement anti-TNF a. Figure 6. Histologie : pustulose palmo-plantaire ; aspect psoriasiforme. Le délai de survenue par rapport à l’initiation du traitement anti-TNF a était de 6 à 9 mois. Les pathologies articulaires inflammatoires sous-jacentes répondaient bien au traitement anti-TNF a lors de l’éruption psoriasiforme. La survenue de cet effet secondaire ne traduit donc pas une résistance au traitement. Aucun de ces 5 patients n’avait d’antécédent personnel ou familial de psoriasis. Une amélioration des lésions était constamment observée à l’arrêt de l’anti-TNF a. Une récidive a été notée lors de la réintroduction de la même molécule dans les 2 cas où elle a été réalisée. Le psoriasis induit est l’effet le plus paradoxal, puisque les anti-TNF sont d’excellents antipsoriasiques. S’agit-il d’un effet secondaire molécule spécifique ou de classe ? Les données manquent pour répondre avec précision. Notons que ces dermatoses psoriasiformes ont été rapportées avec les 3 anti-TNF a (étanercept, infliximab, adalimumab). S’agit-il d’un effet secondaire propre à la pathologie inflammatoire extradermatologique ayant motivé la mise sous anti-TNF a ? Non, car ces PPP ont été rapportées chez des patients présentant des polyarthrites rhumatoïdes, des entéropathies inflammatoires, des spondylarthrites ankylosantes. Quelle conduite à tenir ? Les données manquent ici aussi avec précision.   Psoriasis induit et anti-TNF a : quelle explication apporter à cet effet secondaire paradoxal(3) ? Aucune n’est pleinement satisfaisante et il s’agit probablement d’un phénomène plurifactoriel. Dans certaines conditions, les anti-TNF a peuvent promouvoir l’activation de cellules T auto-réactives, avec pour conséquence notamment le développement d’anomalies ou de pathologies auto-immunes induites, telles que le lupus érythémateux (cf. infra). Cette activation peut sur certains terrains conduire à l’émergence d’une dermatose psoriasiforme. Par ailleurs, les anti-TNF a peuvent accroître l’expression de récepteurs chémokiniques, tels que le CXR3, qui promeuvent l’infiltration cutanée de cellules T auto-réactives. Les cellules dendritiques plasmocytoïdes (CDP), productrices naturelles de TNF a, sécrètent également de l’interféron a (IFN a), cytokine impliquée dans le développement des lésions de psoriasis. L’hypothèse d’une sécrétion accrue d’IFN a, réactionnelle à un blocage du TNF peut donc être évoquée.   • J.D. Cohen et coll.(4) ont rapporté le développement d’éruptions psoriasiformes chez  6 patients sur 40 recevant de l’étanercept, pour la plupart folliculaires ou pustuleuses. Dans la majorité des cas, les lésions régressaient totalement sous traitement topique. Le changement d’anti-TNF a a entraîné une récidive de l’éruption dans 2 cas, suggérant plus un effet de classe que spécifique d‘une molécule. Dans d’autres cas (observations personnelles(5)), le changement de molécule ne s’est pas accompagné de récidive de l’éruption. Des études prospectives sont nécessaires pour statuer précisément. •  Roux et coll.(cité in 6) rapportent 2 observations de PPP développées de novo dans une série de 442 patients traités par infliximab. L’anti-TNF était débuté depuis plusieurs mois. Vasculites •  Une série multicentrique française(7) a colligé sur une période d’un an 39 cas (dont 32 chez des femmes) de vasculites  chez 1 200 patients traités par anti-TNF a dans des indications classiques (polyarthrite rhumatoïde principalement, arthrite juvénile, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique). Les 3 anti- TNF a étaient impliqués : étanercept (21 cas), infliximab (15 cas), adalimumab (2 cas) et la durée moyenne du traitement lors du développement de la vasculite était de 9,6 mois. Les localisations cutanées étaient quasi-constantes (32 cas). Les atteintes systémiques touchaient le système nerveux périphérique (9 cas), le système nerveux central (3 cas), le rein (7 cas), le poumon et le cœur plus rarement. Au plan anatomo-pathologique, les vasculites étaient non nécrosantes dans la majorité des cas. Des formes nécrosantes étaient notées dans 7 cas. L’évolution à l’arrêt de l’anti-TNF a était variable : régression complète (18 cas) ou autonomisation nécessitant l’introduction d’un traitement propre, associant corticoïdes et immunosuppresseurs (14 cas). Un patient est décédé. • Une série canadienne(8) a rapporté 35 cas de vasculites (20 avec l’étanercept, 15 avec l’infliximab). Une vasculite leucocytoclasique a été observée dans 50 % des cas de cette série. L’amélioration de la vasculite était notée dans 63 % des cas à l’arrêt de l’anti-TNF a. La réintroduction a entraîné une récidive dans 6 cas sur 9. Les facteurs prédisposant au développement d’une vasculite sous anti-TNF a sont inconnus à ce jour. De même, la physiopathogénie reste hypothétique (immuns-complexes formés par la molécule et sa cible ? Déplacement sous l’influence de l’anti-TNF de l’équilibre Th1-Th2 en faveur du profil Th2, favorisant la production d’auto-anticorps puis de complexes-immuns-circulants ?). Les facteurs prédisposant au développement d’une vasculite sous anti-TNF a sont inconnus à ce jour. Lupus érythémateux M. De Bandt et coll.(9) ont rapporté, au terme d’une étude rétrospective multicentrique française, les caractéristiques de 22 cas de lupus érythémateux (LE) induits par les anti-TNF a (étanercept et infliximab). Douze patients remplissaient les critères de l’ACR (American Congress of Rheumatology) pour le diagnostic de LE systémique. Les 10 autres présentaient des signes cutanés de LE associés à des anticorps antinucléaires (ACAN). Le développement de la symptomatologie lupique a été observé en moyenne 9 mois après le début du traitement par anti-TNF. Un traitement corticoïde par voie générale a été insaturé dans tous les cas, parallèlement à l’arrêt de l’anti-TNF a, entraînant une disparition de la symptomatologie dans un délai de 3 à 16 semaines, sauf dans un cas (6 mois). Les atteintes systémiques étaient variées chez les 12 patients ayant développé un authentique LE induit : articulaires, musculaires, neurologiques, thrombotiques, pulmonaires, péricardiques. Aucun patient n’a développé de néphropathie lupique. Des ACAN et des anticorps anti-ADN natifs ont été notés dans tous les cas. Signalons que des anticorps antiphospholipides ont été notés chez plus de 25 % des patients traités par anti-TNF a pour une polyarthrite rhumatoïde, les accidents thrombotiques semblant rares (4 %)(cité in 9). Des LE induits ont également été observés, bien que plus rarement, en milieu gastro-entérologique (patients traités pour MC)(10). La physiopathogénie est ici aussi mal connue. L’hypothèse de particules apoptotiques circulantes immunogènes (nucléosomes) a été évoquée(in 9). L’hypothèse d’un déplacement de l’équilibre Th1-Th2 en faveur du phénotype Th2, déjà évoqué plus haut, est ici aussi séduisante. L’induction isolée d’ACAN, indépendamment de toute symptomatologie clinique, a été rapportée avec une fréquence variable selon les séries (7 à 25 % des cas)(10). La conduite à tenir face à cette anomalie biologique isolée n’est pas déterminée avec certitude, les décisions étant en l’absence de recul suffisantes et de séries prospectives, affaire de discussions au « cas par cas ». Une observation de LE subaigu, très significativement aggravé par un anti-TNF a prescrit pour une polyarthrtite rhumatoïde, est enfin à signaler(11). La survenue d’un lupus ou d’une vasculite sous anti-TNF fait évoquer un déplacement de l’équilibre Th1/Th2 en faveur de Th2. Réactions anaphylactiques l Des réactions anaphylactiques, parfois sévères, peuvent être observées. M.A. Chavez-Lopez et coll. (12) ont rapporté récemment le cas d’un homme de 33 ans, sans terrain atopique, qui a présenté 2 minutes après le début de la deuxième perfusion d’infliximab une réaction anaphylactoïde associant dyspnée, spasme laryngé, tremblements, hypotension, vomissements, tacchycardie. La symptomatologie s’est améliorée sous corticoïdes, antihistaminiques-adrénaline et oxygène. Plusieurs observations de réactions similaires ont été rapportées au cours de perfusions d’infliximab dans le traitement de la maladie de Crohn chez l’adulte et l’enfant. Ces réactions semblent particulièrement fréquentes dans l’expérience de K.L. Kholo et coll.(13) dans le traitement des maladies de Crohn chez l’enfant par infliximab (23 % des cas). Un relais par adalimumab a été efficace et sans réaction anaphylactique dans un cas(14). Des désensibilisations à l’infliximab ont été réalisées avec succès par certains (15,16). l Des réactions d’hypersensibilité retardée peuvent se développer dans les 2 semaines qui suivent la perfusion d’infliximab (17). Elles associent myalgies, arthralgies, prurit, urticaire, angiœdème et céphalées. Ces réactions nécessitent le recours à la corticothérapie générale et s’observent plus fréquemment chez l’adulte(18). Ces réactions peuvent être très sévères (un cas de syndrome de détresse respiratoire (19)). Il est donc nécessaire d’informer les patients de cette possibilité de réaction retardée, afin d’assurer une prise en charge la plus rapide possible en cas de survenue. Une réaction anaphylactoïde a été récemment observée au cours d’un traitement par l’association étanercept-méthotrexate pour une polyarthrite rhumatoïde(20). Il est nécessaire d’informer les patients de la possibilité de réaction retardée sous anti-TNF a. Infections cutanées L’utilisation des anti-TNF a expose au développement d’infections. Cela est particulièrement vrai pour la tuberculose, ce point faisant l’objet de recommandations précises dans le bilan préthérapeutique, ainsi que dans la surveillance sous ce traitement. Diverses infections cutanées banales ont été rapportées dans les séries (cf. supra). Des infections plus sévères peuvent survenir. Un cas d’abcès sévère du flanc à staphylocoque doré résistant à la méticilline a été rapporté (21), ainsi qu’un cas de fasciite nécrosante (22). Signalons également le développement de condylomes génitaux profus chez un patient traité par infliximab pour une maladie de Crohn (23). Néoplasies cutanées Les anti-TNF a, par l’immunosuppression qu’ils entraînent, peuvent favoriser l’émergence de néoplasies, notamment cutanées (figure 7), rappelant les 5 cas de carcinomes cutanés de la série de M. Flendrie et coll(2). C’est mettre en avant l’intérêt du dépistage des néoplasies cutanées chez les patients traités par anti-TNF a, particulièrement s’ils ont des antécédents de traitement par photothérapie pour leur psoriasis. Figure 7. Carcinome spinocellulaire sous anti-TNF a.

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