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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 13 nov 2007Lecture 10 min

Le traitement actuel de la dermatite atopique

E. Mahé, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt
La prise en charge de la dermatite atopique en France a été modifiée par deux événements marquants : la mise à disposition du tacrolimus en pommade comme alternative à la corticothérapie locale pour le traitement des poussées, et l’organisation d’une conférence de consensus sur sa prise en charge dans la population pédiatrique.
La conférence de consensus sur la prise en charge de la dermatite atopique (DA) a été réalisée sous l’égide de la Société française de dermatologie en collaboration avec de nombreuses sociétés savantes de pédiatrie, de médecine générale, d’allergologie et d’immunologie. Élaborée sur les bases méthodologiques rigoureuses recommandées par l’ANAES, elle a permis de préciser la place des différentes thérapeutiques et autres « habitudes » non validées dans la prise en charge de la DA. Rappels sur la DA La DA (synonymes à éviter : eczéma constitutionnel, eczéma du nourrisson) est une dermatose inflammatoire chronique et récurrente se développant volontiers durant les premiers mois de la vie et ayant tendance à régresser, voire à disparaître, au fil des ans. Une prévalence en augmentation Sa prévalence est mal connue, notamment en France où de rares études épidémiologiques sont disponibles, mais est évaluée dans les pays occidentaux entre 10 et 30 % des enfants. Dans ces mêmes pays, la prévalence est en nette augmentation depuis quelques décennies, et cela est d’autant plus vrai que les enfants vivent dans les villes. Aspects cliniques La présentation clinique est le plus souvent stéréotypée chez le petit enfant. Les lésions eczématiformes prurigineuses se développent après 2-3 mois de vie, initialement sur les convexités puis, au fil des mois, sur les plis de flexion. Le diagnostic clinique est le plus souvent évident, « intuitif ». Si des critères diagnostiques ont été proposés, principalement ceux de Hanifin et Rajkin en 1980 et ceux de UK Working Party’s for diagnostic criteria for AD en 1994, ils sont à réserver aux études épidémiologiques et thérapeutiques afin de standardiser les critères d’inclusion des patients. Le pronostic de cette dermatose est le plus souvent excellent, si elle est bien prise en charge. Les principales complications sont les infections impétiginisation [figure 1], surinfections virales), un retentissement parfois important sur la qualité de vie et un retard staturopondéral dans les formes les plus sévères. Figure 1.  Dermatite atopique impétiginisée. Principes de la prise en charge : un traitement d’attaque et un traitement d’entretien La prise en charge de la DA est aujourd’hui bien codifiée et rares sont les enfants qui ne répondent pas aux mesures thérapeutiques disponibles. Le principe du traitement de la DA repose sur le traitement des poussées, purement symptomatique, qui va faire disparaître les plaques prurigineuses, et le traitement d’entretien qui a pour objectif de prévenir le risque de rechute. Avant l’âge de 2 ans, le traitement des poussées s’appuie sur les dermocorticoïdes (DC) et, après 2 ans, sur les DC et le tacrolimus local (Protopic®). Le traitement d’entretien devra être expliqué lors de consultations (souvent longues au début) et repose sur trois éléments : – règles hygièno-diététiques ; – hydratation cutanée ; – traitement précoce des nouvelles lésions. Rares sont les enfants qui ne répondent pas aux mesures thérapeutiques disponibles. Les dermo-corticoïdes Un traitement de référence des poussées de DA Il faut faire disparaître les vieilles idées corticophobes, comme quoi les DC sont dangereux pour l’enfant de 2-3 mois. Bien prescrits, ils sont non seulement bien supportés, mais surtout extrêmement bénéfiques pour l’enfant. Modalités de prescription Il est indispensable de respecter des règles simples de prescription précisées dans le tableau 1. Le dermocorticoïde doit être adapté en termes de puissance (en général, niveau faible, III, chez l’enfant) et de galénique (crème le plus souvent) à la peau du nourrisson.   Les principes de prescription sont simples : application quotidienne jusqu’à disparition des lésions. Le plus souvent, 3 à 7 jours d’utilisation suffisent. Le seul paramètre non validé aujourd’hui est le mode d’arrêt du traitement. Les adeptes de la décroissance progressive des DC s’opposent à ceux de l’arrêt brutal. La première méthode repose sur l’idée du risque de rebond à l’arrêt. La seconde méthode se justifie par : – le fait que la plaque va diminuer progressivement de taille, et donc, finalement, la maman va réduire spontanément la quantité appliquée ; – en outre, faire une décroissance le plus souvent complexe va induire un défaut d’observance majeur. La vérité se situe probablement entre ces deux conduites : une poussée sévère, très inflammatoire incitera à diminuer avec prudence la corticothérapie locale, alors qu’une petite plaque, traitée très précocement conduira à 2 ou 3 applications de DC pour la contrôler et ne justifiera pas de décroissance progressive. Le tacrolimus pommade Le tacrolimus est un immunosuppresseur de la famille des inhibiteurs de la calcineurine, comme la ciclosporine. Par voie générale (Prograf®), il est utilisé principalement en prévention du rejet de greffe d’organe ; en traitement local (Protopic®), il a démontré son efficacité dans la dermatite atopique de l’enfant (Protopic® à 0,03 %) et de l’adulte (Protopic® à 0,1 %). Une prescription bien encadrée Dans les différentes études, l’efficacité du tacrolimus a été démontrée comme équivalente à celle d’un DC. Disponible en France que depuis le printemps 2004, sa prescription est actuellement réservée aux dermatologues et aux pédiatres et doit être rédigée sur une ordonnance pour médicament d’exception. Il est réservé aux DA résistantes aux dermocorticoïdes. Le tacrolimus pommade est réservé aux DA résistantes aux dermocorticoïdes. Modalités pratiques Le produit peut être appliqué sur toutes les zones du corps, notamment les plis et le visage où l’application prolongée de DC doit être souvent évitée. Initialement en application biquotidienne, il sera appliqué une seule fois par jour après amélioration franche des lésions de DA et jusqu’à leur disparition complète. Son principal effet secondaire est une irritation cutanée (cuisson, prurit) lors des premières applications. Il faudra prévenir les parents de ce risque. L’application en alternance avec un DC pris en début de traitement (1 le matin, 1 le soir), bien que non validée, pourrait réduire cette irritation. Effets indésirables Récemment, des cas ponctuels d’infections virales sévères ou étendues de type herpès, molluscum contagiosum ou verrues (figure 2) ont été rapportés. Ces cas restent isolés, mais imposent d’être vigilant. Ce produit est contre-indiqué en cas d’infection patente. Figure 2. Verrues planes en regard d’une plaque de dermatite atopique développée après un traitement par tacrolimus. Le principal effet secondaire redouté par cet immunosuppresseur est l’hypothétique risque carcinogène au long terme, phénomène rapporté avec sa forme orale. Cette crainte a incité la FDA, au nom du principe de précaution, à diffuser un message d’alerte aux dépens de ce produit. Néanmoins, en 2006, aucune étude in vitro et in vivo (à l’exception d’une étude de cocarcinogénicité sur la souris nude) ne permet de conclure à un risque accru de cancers cutanés chez ces patients. Il est cependant recommandé d’éviter l’exposition concomitante aux UV. Il est recommandé d’éviter l’exposition concomitante aux UV. Place du pimecrolimus Un autre inhibiteur des calcineurines, le pimecrolimus est disponible dans de nombreux pays mais pas actuellement en France. Sa place par rapport au tacrolimus reste à préciser. Les DA sévères et résistantes Il est difficile de définir ce qu’est une DA sévère ou résistante aux traitements locaux ; un certain nombre de questions se posent : Quelle est la quantité seuil de DC ou de tacrolimus mensuelle définissant la résistance ? Quel est l’impact sur la qualité de vie de l’enfant et de sa famille justifiant une prise en charge plus lourde ?… Si un cas semble vraiment résister aux traitements locaux ou rend la vie impossible à l’enfant, une prise en charge hospitalière en dermatologie pédiatrique paraît justifiée, et cela pour au moins deux raisons : – bien souvent, une hospitalisation courte permet de relativiser la résistance au traitement. En effet, l’hospitalisation permet de quantifier la quantité réelle de DC nécessaire pour contrôler une DA, elle permet d’éduquer la famille, et autorise une prise en charge multidisciplinaire (psychologue, pédiatre, allergologue) ; – en cas de réelle résistance, l’intérêt d’un traitement systémique, ciclosporine et photothérapie principalement, sera discuté. Le traitement d’entretien Le traitement d’entretien de la DA doit être bien expliqué aux parents, avec de fréquentes « réinjections ». L’objectif, là aussi explicité aux parents, est de réduire le nombre de poussées et de limiter la consommation de DC ou de tacrolimus. Il repose sur trois principes : – le traitement précoce des nouvelles poussées, ce qui permettra de réduire la quantité de DC ou de tacrolimus nécessaire au contrôle des poussées ; – l’utilisation quotidienne d’un émollient qui réduit le risque de rechutes ; – le respect de quelques règles hygiéno-diététiques simples détaillées dans le tableau 2.   Le suivi de ces mesures devra évidemment être pondéré par la sévérité de la DA et sera d’autant plus strict que la DA est sévère. La modification du régime alimentaire tel le recours aux laits hypo-allergéniques, voire au lait au soja chez le nourrisson n’est pas justifiée en l’absence de documentation allergologique. D’autre part, si un tel régime est prescrit, seul son efficacité documentée dans un délai de 1 mois, justifiera sa poursuite. Quant à la diversification, il est recommandé de ne pas se précipiter… Où en est-on des probiotiques ? Le principe de l’utilisation de probiotiques (ex : Lactobacillus rhamnosus) repose sur le concept de la « théorie hygiéniste ». L’idée est qu’il existe une relation inverse entre l’exposition aux microbes et le risque de développer une DA. Actuellement, aucune donnée ne permet d’affirmer que ces probiotiques permettent de prévenir la survenue d’une DA ou de traiter une poussée de DA. De tels produits ont récemment été développés et commercialisés. L’aspect marketing a prévalu sur les considérations scientifiques. Il faut relativiser actuellement cet effet bénéfique potentiel et attendre les résultats de nouvelles études thérapeutiques rigoureuses pour conseiller de façon systématique ces produits. Conclusion La prise en charge de la DA bouge depuis quelques années : arrivée des inhibiteurs de calcineurines, discussion autour des probiotiques avec des études de plus en plus rigoureuses. Néanmoins, les principes de base tels que les mesures préventives et le traitement de la phase aiguë par les DC restent d’actualité. Nous pouvons penser que dans les années à venir ces principes vont se modifier avec l’extension des indications des inhibiteurs des calcineurines, l’hypothétique utilisation des probiotiques, mais aussi par la meilleure évaluation de certaines pratiques telles que les régimes d’éviction. 

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