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Thérapeutique

Publié le 04 sep 2011Lecture 12 min

Le point sur le traitement de la dermite séborrhéique

P. BERBIS, Service de dermatologie, Hôpital Nord, Marseille
Illustration/figure 1 : Dermite séborrhéique
La dermite séborrhéique (DS) est une dermatose fréquente (environ 3 % de la population) et bénigne, mais source à la fois d’une forte demande de prise en charge et d’incertitudes étiopathogéniques. De ce fait, le traitement est encore aujourd’hui imparfait, même si des progrès ont été faits. Dans la très grande majorité des cas, le traitement est uniquement topique. Dans certains cas, très sévères, résistants (souvent le fait de patients immunodéprimés), des traitements d’exception par voie générale peuvent être discutés. Dans tous les cas, il faut retenir et expliquer au patient le caractère volontiers récidivant de la DS et éviter en premier lieu la corticodépendance.
Traitements topiques Les antimycosiques Le rôle pathogène fortement suspecté de levures du genre Malassezia a constitué un argument important pour évaluer et montrer l’efficacité des antimycosiques topiques sur les poussées inflammatoires de DS. Il faut cependant noter que les antimycosiques possèdent une activité anti-inflammatoire conjuguée à leur action anti-infectieuse. Les antimycosiques possèdent une activité anti-inflammatoire conjuguée à leur action anti-infectieuse.  Kétoconazole Le kétoconazole a été la première molécule à faire la preuve de son efficacité dans le traitement de la DS. En 1985, R. Skinner et coll. (1) ont montré une supériorité significative du kétoconazole crème à 2 % comparé à l’excipient (étude randomisée en double insu). Dans la DS du cuir chevelu, plusieurs études montrent l’efficacité d’un shampooing au kétoconazole. Pour la prévention des rechutes, dans une étude menée chez 575 patients présentant une DS du cuir chevelu (2), un shampooing au kétoconazole appliqué 2 fois par semaine pendant 2 à 4 semaines, a entraîné une excellente réponse dans 88 % des cas versus excipient. Chez les répondeurs, un shampooing par semaine a permis un taux de récidive modéré (19 %). Le kétoconazole shampooing est bien toléré. Un shampooing au kétoconazole à 2 % s’est révélé supérieur à un shampooing contenant du sulfure de sélénium 2,5 %, lui-même supérieur au shampooing placebo (3). Dans une étude portant sur 19 enfants présentant une DS, l’application d’une crème au kétoconazole à 2 % a entraîné un blanchiment dans 78 % des cas après 10 jours avec une absorption percutanée minime (4). Le kétoconazole 2 % a été comparé à une lotion de dipropionate de bétaméthasone 0,05 % en application sur le cuir chevelu, les sourcils, les sillons naso-géniens et le thorax. Le kétoconazole (2 applications par semaine pendant 1 mois, puis une fois par semaine pendant 3 mois) s’est montré supérieur au corticoïde (1 application par jour pendant 1 semaine puis 1 jour sur 2 pendant 2 semaines, puis une application par semaine) (5). Le maintien de l’efficacité et de la tolérance était supérieur dans le groupe kétoconazole. D’autres auteurs ont, en revanche, conclu à la supériorité d’une crème à 1 % d’hydrocortisone (94,4 % de réponses) sur une crème à 2 % de kétoconazole (80,5 % de réponses) au terme d’une étude portant sur 72 patients avec DS (6). Et d’autres encore ont conclu à la comparabilité du kétoconazole crème à 2 % versus une crème au butirate de clobétasol 0,05 % dans le traitement de la DS du visage et du tronc (7).    Ciclopiroxolamine P. Dupuy et coll. (8), au terme d’une étude comparative, randomisée, en double insu, ayant inclus 129 patients présentant une DS faciale, ont montré la supériorité d’une crème contenant 1 % de ciclopiroxolamine (CPA) en application biquotidienne par rapport à l’excipient : 44 % de répondeurs à 28 jours versus 15 %. La tolérance était bonne. Un traitement d’entretien à raison d’une application par jour pendant 28 jours supplémentaires entraînait une amélioration dans 63 % des cas. Une étude randomisée, comparative, conduite en double insu (350 patients) a montré une supériorité d’un shampooing contenant 1,5 % de CPA par rapport à l’excipient et une efficacité comparable à un shampooing contenant 2 % de kétoconazole, et ce avec bonne tolérance (9). Une autre étude a montré qu’une application 2 fois par semaine pendant 4 semaines d’un shampooing à 1 % de CPA entraînait une amélioration très significative de la DS du cuir chevelu dans 93 % des cas versus 41 % des cas dans le groupe excipient(10). O. Chosidow et coll. (11), dans une étude ouverte randomisée, ont comparé une crème à 1 % de CPA (154 patients, 2 applications par jour) à un gel moussant à 2 % de kétoconazole (149 patients, 2 applications par semaine) dans la DS faciale (durée traitement : 28 jours). Au terme du traitement, le pourcentage de répondeurs était comparable dans les deux groupes (37 % pour le groupe CPA versus 34 % pour le groupe kétoconazole). Dans cette étude, la tolérance était meilleure dans le groupe CPA. Les premières applications de topiques antifongiques peuvent s’accompagner d’une aggravation transitoire du caractère inflammatoire des lésions. Les stratégies peuvent soit adopter un rythme d’application progressif (un jour sur deux, puis tous les jours) ou l’association d’un dermocorticoïde au début du traitement.   Les dermocorticoïdes Ils sont rapidement efficaces, mais exposent au risque de corticodépendance. Ils ne doivent donc être utilisés que sur de courtes périodes, en début de traitement, et stoppés progressivement pour éviter l’effet rebond. Il faut signaler le contraste entre l’utilisation courante en pratique des dermocorticoïdes dans le traitement de la DS et le faible nombre d’études randomisées disponibles dans la littérature. De ce fait, seule l’hydrocortisone crème a l’AMM en France dans cette indication (12).   Des études comparatives versus kétoconazole ont montré sur quelques semaines des résultats très variables (supériorité, équivalence, infériorité) (cf. supra). La place des dermocorticoïdes doit donc être réduite, réservée à des formes très inflammatoires et symptomatiques au plan fonctionnel (prurit notamment). Figure 2. Dermite séborrique du nourrisson : utilisation prudente et parcimonieuse des dermocorticoïdes. Le relais avec d’autres traitements sera pris le plus rapidement possible pour éviter la corticodépendance. Les dermocorticoïdes devraient être réservés aux formes très inflammatoires et/ou prurigineuses, sur de courtes périodes. Le lithium Les mécanismes d’action des sels de lithium dans la DS sont encore mal connus et conjuguent des effets anti-inflammatoires et antifongiques. Deux études randomisées en double insu ont indiqué la supériorité du succinate de lithium à 8 % dans la DS de l’adulte. Le gluconate de lithium à 8 % a fait la preuve d’une efficacité supérieure au placebo (13). Au terme de cette étude conduite sur 2 mois, chez 129 patients présentant une DS du visage, l’application d’un gel de gluconate de lithium à 8 % (2 applications par jour) a entraîné une rémission complète dans 29,1 % des cas versus 8 % dans le groupe placebo. Les taux de rémission (globale et partielle) étaient de 90,9 % dans le groupe lithium et de 54,7 % dans le groupe placebo. La tolérance était comparable. Une autre étude, randomisée et menée chez 289 patients avec DS du visage modérée à sévère, a comparé l’efficacité d’un gel à 8 % de gluconate de lithium (GL) versus un gel de kétoconazole à 2 % (14). L’application du gel de GL (2 fois par jour pendant 2 mois) a permis un taux de rémission de 52 % contre 30,1 % dans le groupe traité par kétoconazole gel 2 % (une application 2 fois par semaine pendant 1 mois, puis une application par semaine pendant 1 mois).  Figure 3. Forme modérée du visage, indication préférentielle des topiques antimycosiques ou du gluconate de lithium. Le GL est en règle générale bien toléré, des sensations d’irritation et/ou une majoration de l’érythème sont cependant possibles lors des premières applications. En pratique, le Lithioderm ® gel 8 % est indiqué dans le traitement de la DS du visage de l’adulte immunocompétent quelle qu’en soit la sévérité (2 applications par jour). Le passage systémique est considéré comme faible. Les sels de lithium conjuguent des effets anti-inflammatoires et antifongiques. Autres traitements topiques  Métronidazole gel à 0,75 % Les résultats sont contradictoires (effet supérieur au placebo(15,16) ou peu différent du placebo (17)). Une étude(18) portant sur 60 patients présentant une DS faciale a montré une efficacité comparable du métronidazole gel à 0,75 % et du kétoconazole 2 % crème, la durée du traitement étant de 4 semaines. L’amélioration moyenne du score de sévérité était de 63,4 % dans le groupe kétoconazole versus 54,4 % dans le groupe métronidazole gel 0,75 % (p = 0,31).  Peroxyde de benzoyle (19) Cette molécule a fait la preuve dans deux études d’une efficacité supérieure au placebo. Elle n’a cependant pas l’AMM dans l’indication DS.  Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, pimécrolimus) Ils n’ont pas l’AMM dans l’indication DS, mais il existe des preuves issues de travaux récents en faveur de leur efficacité. Le pimécrolimus à 1 % a fait l’objet de plusieurs études randomisées, l’une où il s’est montré significativement supérieur au placebo dans la DS faciale (20), et deux autres où, à raison de 2 applications par jour, il s’est montré d’une efficacité comparable à celle d’un dermocorticoïde (acétate d’hydrocortisone 1 %(21) et valérate de bétaméthasone (22)). Les périodes de rémission semblent plus prolongées avec le pimécrolimus topique qu’avec les dermocorticoïdes. Le pimécrolimus a une action comparable à celle du kétoconazole crème à 2 % mais avec une tolérance moins bonne(23). Un autre travail a montré la supériorité du pimécrolimus sur le métronidazole gel à 0,75 % et sur l’acéponate de méthylprednisolone crème 0,1 %(24). Quant au le tacrolimus (Protopic®) 0,1 %, il a montré une efficacité comparable à celle d’un topique de bétaméthasone (25). Les rémissions étaient plus prolongées dans le groupe tacrolimus à l’arrêt du traitement.  Pirythione zinc (PTZ) ou pyroctone-olamine sont des molécules intégrées dans de nombreux shampooings utilisés couramment dans le traitement de la DS du cuir chevelu. Un des avantages du PTZ semble être l’absence de tachyphylaxie(26). Une étude multicentrique ayant inclus 343 patients a conclu à la supériorité d’un shampooing au kétoconazole 2 % sur un shampooing contenant du PTZ 1 %, sur les formes sévères de DS (27). Le taux de récurrences était plus faible dans le groupe kétoconazole.   Traitements systémiques La photothérapie Comme dans le psoriasis, la DS s’améliore spontanément lors de l’exposition solaire. Une étude ouverte portant sur 18 patients, a montré l’efficacité des UVB TL01 dans des formes sévères très prurigineuses de DS (3 séances par semaine au maximum pendant 8 semaines) (28). On notait cependant une récidive rapide à l’arrêt du traitement. Pour autant, la photothérapie ne peut être recommandée compte tenu des effets potentiels à long terme, dans le traitement de la DS. L’héliothérapie naturelle peut, en revanche, être conseillée.   Les antifongiques par voie générale Très peu d’études ont évalué le rapport risque/bénéfice de ces molécules. En 1984, une étude en double insu réalisée en cross-over chez 19 patients, a montré la supériorité du kétoconazole per os (Nizoral®) à la dose de 200 mg/j par rapport au placebo. Rappelons que cette molécule n’a pas l’AMM dans l’indication DS, qu’elle possède une hépatotoxicité potentielle et des interactions médicamenteuses. La terbinafine (Lamisil®) à 250 mg/j s’est, dans une étude comparative versus placebo ayant inclus 60 patients, également montrée très significativement supérieure au placebo (30). La terbinafine n’a pas non plus d’AMM dans l’indication DS. Le traitement par antimycosiques par voie générale doit être exceptionnel, réservé à des DS profuses, notamment chez l’immunodéprimé (infection par le VIH notamment) après échec des topiques et après avoir clairement informé le patient des bénéfices/risques.   L’isotrétinoïne Il n’y a pas d’études contrôlées évaluant l’action de l’isotrétinoïne dans la DS. L’isotétrinoïne per os n’a pas l’AMM dans la DS. Cependant, ses propriétés sébostatiques constituent un argument intéressant. De fait, la pratique courante montre une efficacité spectaculaire sur la DS quand elle est associée à des acnés sévères traitées par isotrétinoïne. L’indication doit donc être affaire d’exception, en cas de DS profuse, réfractaire aux traitements classiques et retentissant très lourdement sur la qualité de vie, après avoir écarté les contre-indications et informé le patient du bénéfice/risque. Les posologies seront les plus faibles possible, ne dépassant pas 0,5 mg/ kg/j sur un temps le plus court possible (31).   Indications Les formes de l’adulte  Formes localisées (visage et/ou cuir chevelu) Dans les formes très inflammatoires, très prurigineuses, les dermocorticoïdes en traitement « starter » sont indiqués, espacés rapidement dès amélioration des symptômes, avec relais par un antimycosique ou un topique de gluconate de lithium en entretien jusqu’au blanchiment. Figure 4. État squameux du cuir chevelu. Dans les formes peu symptomatiques, on évitera les corticoïdes ; les antimycosiques ou les topiques de gluconate de lithium devront être indiqués en première intention. Parallèlement, des mesures cosmétologiques simples sont à mettre en oeuvre : utiliser des pains dermatologiques et des bases lavantes neutres pour le cuir chevelu, éviter les shampooings et les savons avec tensioactifs, source d’irritation et de séborrhée réactionnelle, éviter les lavages trop fréquents.  Formes profuses Il faudra proposer un dépistage de l’infection par le VIH. S’il existe un retentissement majeur sur la qualité de vie, et après avoir écarté les contre-indications, on pourra discuter d’un traitement le plus court possible avec le kétoconazole, la terbinafine voire l’isotrétinoïne.   Les formes de l’enfant  Formes localisées Au niveau du siège, des toilettes avec un pain surgras seront indiquées en première intention. Les antimycosiques topiques sont efficaces. En cas d’inflammation importante, les dermocorticoïdes non fluorés, sur une très courte durée et de faible niveau, peuvent être utilisés avec un relais rapide par des antimycosiques. Au niveau du cuir chevelu, l’utilisation d’un shampooing doux et d’huile d’amande douce peut être utile pour les traitements des parakératoses.  Formes érythrodermiques L’évolution est le plus souvent spontanément favorable. Il faudra éviter les dermocorticoïdes, afin de ne pas entraîner une absorption importante avec effet systémique. Les toilettes au pain surgras, les émollients, et la prévention des surinfections par des bains antiseptiques très dilués suivis d’un rinçage soigneux sont utiles. Sur les zones les plus inflammatoires, pendant quelques jours et en application localisée, une courte corticothérapie locale peut se discuter (12).   Conclusion Au total, le traitement de la DS est encore aujourd’hui difficile, devant être adapté à chaque situation individuelle. Ici particulièrement, l’écoute, le dialogue et l’éducation thérapeutique sont primordiaux afin d’obtenir une bonne adhésion du patient. Le retentissement social, professionnel et affectif doit toujours être évalué, précisément pour orienter le programme thérapeutique.  

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