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MST et gynécologie

Publié le 12 nov 2008Lecture 10 min

Le lichen scléreux : la dermatose génitale la plus fréquente chez la femme et… l’homme

M. PELISSE, Paris
Le lichen scléreux est la dermatose vulvaire de loin la plus fréquente. Le lichen scléreux vulvaire (LSV) a été décrit sous divers noms dont le kraurosis vulvae, la dystrophie atrophique et la dystrophie mixte. Le lichen scléreux a un tropisme particulier pour la vulve et reste rare au niveau de la peau ou chez l’homme. Il peut survenir à tout âge et les cas infantiles ne sont pas exceptionnels ; cependant, le pic de fréquence se situe aux alentours de 55 ans. Son étiopathogénie est mal connue. Des causes hormonales, des désordres immunitaires, des liens avec certains antigènes du système HLA, des facteurs héréditaires, des interactions avec des cytokines ou encore des agents infectieux ont été évoqués.
De l’histologie... L’image histologique du LSV est identique dans toutes ses localisations. L’épiderme est aminci mais hyperkératosique ; la basale est horizontale avec disparition des bourgeons interpapillaires. L’altération caractéristique du LS se situe dans le derme ou le chorion superficiel qui est occupé par un oedème intense ; cette hyalinisation est maximale au contact de l’épithélium et autour des vaisseaux, elle est parfois soulignée par un infiltrat inflammatoire riche en lymphocytes. Dans certains cas, l’épithélium devient hyperplasique et l’on est alors en présence de LSV « hyperplasique ». ... au diagnostic Les signes d’appel sont dominés par le prurit ; qu’il soit intermittent ou chronique à recrudescence nocturne, il est présent dans près de 70 % des cas. Les dyspareunies orificielles sont inconstantes, mais les rapports déclenchent parfois des fissures de la fourchette en cas de bride vestibulaire postérieure ou de sténose de l’orifice vulvovaginal. Des brûlures sont aussi signalées lorsqu’il existe des érosions ou des ulcérations, voire des fissurations spontanées des sillons interlabiaux, de la fourchette ou des zones sousou sus-clitoridiennes. La sécheresse vulvaire est quasi constante et elle peut persister après guérison. En revanche, les hémorragies vulvaires sont rares. Elles s’observent parfois chez la petite fille ou chez la femme âgée. Chez cette dernière, elles doivent faire craindre la greffe d’un cancer. Dans plus de 15 % des cas, le LSV reste asymptomatique, d’où l’intérêt d’un examen systématique de la vulve lors de tout examen gynécologique car il n’existe aucun parallélisme entre l’intensité des signes fonctionnels et l’étendue ou l’aspect clinique plus ou moins inquiétant des lésions. Des aspects cliniques très variés Le LSV revêt des aspects cliniques très variés. Le diagnostic clinique est souvent facile, mais il peut être plus difficile et n’être confirmé qu’après une biopsie, surtout dans les formes localisées. Le LSV entraîne deux types de modifications de la muqueuse vulvaire : d’une part, des modifications de couleur de la muqueuse et, d’autre part, des modifications des reliefs anatomiques de la vulve.   La muqueuse prend tantôt un aspect blanc nacré, brillant, presque translucide très caractéristique, traduisant la hyalinisation du chorion superficiel, tantôt un aspect plus ivoirin ou mat et leucoplasique, traduisant une hyperplasie épithéliale sus-jacente. Ces lésions leucoplasiques sont souvent multifocales et l’on parle ici de lichens scléreux hyperplasiques (anciennes dystrophies mixtes).   Des modifications des reliefs sont observées dans plus de 30 % des cas ; elles entraînent : • une atrophie ou un encapuchonnement du clitoris ou, à l’inverse, un aspect gonflé voire pseudo-tumoral du clitoris qun’est que la conséquence d’une accumulation de smegma dans la loge préputiale ; • un aspect soufflé des petites lèvres est parfois constaté lorsque celles-ci sont « injectées » par la sclérose, mais plus fréquemment les petites lèvres sont atrophiques, voire absentes, synéchiées aux grandes lèvres. Ces modifications des reliefs peuvent toucher tous les reliefs de la vulve et entraîner une atrophie vulvaire complète.   Les sténoses orificielles, causes de dyspareunies, sont fréquentes : elles sont dues soit à une bride vestibulaire généralement postérieure, soit à une rétraction globale de l’orifice vulvovaginal. Des formes typiques   Dans sa forme typique, le LS atteint la vulve, la région péri-anale et même les sillons génito-cruraux ; le diagnostic clinique est alors aisé. En revanche, lorsque l’atteinte reste localisée et se présente comme une plaque blanche à type de leucoplasie, une biopsie s’impose pour éliminer une forme leucoplasique de maladie de Bowen ou une maladie de Paget.   Dans près d'un quart des cas, le LSV devient hyperplasique, la muqueuse perd sa coloration nacrée et sa finesse ; elle est épaisse et rugueuse du fait de l’hyperplasie épithéliale. L’épaississement épithélial peut être lié soit à une lichénification surajoutée donnant un aspect quadrillé et pachydermique à la muqueuse, soit à une ou des zones leucoplasiques formant des îlots saillants et rugueux. Ces zones leucoplasiques et/ou ulcéroleucoplasiques comportent des risques de cancérisation ; ainsi, si elles persistent après un traitement local correct, il faut en faire une exérèse avec examen histologique.   Quelques aspects cliniques plus rares du LSV méritent d'être mentionnés car ils sont source d'erreurs diagnostiques. Dans les formes érythroplasiques et pseudo-érythroplasiques du LSV, aux aspects blancs et scléreux du LSV se surimpriment des zones érythémateuses, voire érythroplasiques, en particulier au niveau du vestibule. Ces formes érythroplasiques de LSV, qu’elles entraînent ou non une atrophie vulvaire, posent parfois des problèmes diagnostiques délicats avec certains lichens plans érosifs vulvaires. En effet, le lichen plan réalise parfois des tableaux proches : aspect blanchâtre diffus de la muqueuse entourant une vestibulite qui est cependant plus érosive qu’érythroplasique ; mais à ce lichen plan érosif vulvaire s’associent parfois des déterminations cutanées mais surtout à d’autres localisations muqueuses : vaginite desquamative et érosive parfois synéchiante, gingivite desquamative, lichen plan buccal. En effet, le LS ne touche jamais ni le vagin ni la muqueuse buccale. Au cours de certains LSV, on peut constater l’existence d’hémorragies sous-épithéliales qui réalisent des plaques hématiques et purpuriques très impressionnantes cliniquement, pouvant être cause d’hémorragies vulvaires, en particulier chez la fillette et la femme âgée. Certains lichens scléreux sont dits « vitiligoïdes » car ils comportent des zones pigmentées postinflammatoires à type de mélanose. Dans les formes bulleuses du LSV, on constate la présence d’une ou deux formations bulleuses de grande taille, très fermes et solides, contrairement à celles des vraies maladies bulleuses. La bulle est ici sous-épithéliale et elle traduit l’intensité de la hyalinisation du collagène. L’enfant aussi... Le LSV de l’enfant est souvent méconnu ou diagnostiqué tardivement. La médiane d’âge du début de la maladie est de 6 ans, alors que celle du diagnostic est de 8 à 9 ans. La symptomatologie fonctionnelle est la même que chez l’adulte, mais les hémorragies vulvaires sont parfois révélatrices. Ces LSV de l’enfant sont souvent fissuraires et douloureux, et peuvent aussi se manifester par des douleurs lors de la miction ou de la défécation, voire par une constipation opiniâtre. Ces lésions vulvaires de l’enfant, lorsqu’elles sont fissuraires et/ou érodées avec des hémorragies sous-épithéliales parfois étendues, sont souvent attribuées à tort à des sévices sexuels. Il est donc capital d’en faire le diagnostic clinique, afin d’éviter une enquête quasi policière aux conséquences dramatiques. L’aspect clinique du LSV de la fillette est le plus souvent évident, identique à celui de l’adulte, mais le LSV de la petite fille revêt rarement des aspects hyperplasiques. Dans certains cas, le LSV peut entraîner des modifications des reliefs anatomiques, en particulier au niveau de l’orifice vulvaire, soit qu’il existe une bride vestibulaire postérieure, soit qu’il existe un rétrécissement global du calibre de l’orifice qui seront ultérieurement la cause de dyspareunie. Dans les deux cas, il est important de dépister des anomalies et, par une intervention chirurgicale adaptée, de les traiter avant le début de la vie sexuelle, pour éviter tout traumatisme physique et surtout psychologique. Par ailleurs, il faut informer la mère et la fillette du risque de récidives de la maladie à l’âge adulte et de la nécessité d’un contrôle de la vulve lors de chaque examen gynécologique, car les récidives peuvent rester asymptomatiques. Un devenir imprévisible Le LSV se complique parfois d’érosions, de fissures ou de surinfection à Candida ou à germes banals. L’intensité du grattage favorise l’installation d’une lichénification. Ces LSV lichénifiés n’ont pas de potentiel malin, contrairement aux lichens hyperplasiques, c'est-à-dire comportant des zones leucoplasiques épaisses ; la fixité de ces zones leucoplasiques et leur caractère rebelle à une corticothérapie locale puissante doit inciter à la biopsie, de même que pour les lésions ulcérées traînantes. En effet, ces îlots ulcéro-leucoplasiques font le lit du carcinome épidermoïde invasif de la vulve. Histologiquement, on constate différents aspects. L’hyperplasie épithéliale est généralement progressive, à partir du LS typique, l’épithélium s’épaissit et forme des bourgeons papillaires de plus en plus longs. Apparaît alors l’image classique de leucoplasie qui devient à risque lorsqu’il existe des atypies des cellules basales car elles correspondent à une néoplasie intraépithéliale différenciée ou VIN différencié. Dans 83 % des cas, le carcinome se développe sur une hyperplasie épithéliale et dans 70 % des cas, dans les zones des atypies basales. Si ces zones hyperplasiques ne disparaissent pas après 4 à 6 semaines d’applications de dermocorticoïdes puissants, elles doivent être enlevées chirurgicalement pour permettre un examen histologique. En effet, bien que le carcinome épidermoïde invasif soit une complication rare du LS, 4 à 5 % des cas, c’est généralement dans une zone de ce type qu’il a le plus de risque de se développer. Le devenir du LSV est imprévisible ; schématiquement, il peut régresser spontanément, passer à la chronicité ou se cancériser. Quel que soit l’aspect clinique du LSV, il faut toujours rechercher des atteintes cutanées, en particulier sur les zones de frottements : épaules, ischions, poignets. Enfin, l’association LSV et vitiligo et/ou thyroïdite d’Hashimoto est classique. Des corticoïdes à la chirurgie  Le traitement actuel du LSV repose essentiellement sur la corticothérapie locale. En effet, l’androgénothérapie locale ne doit plus être utilisée du fait de son efficacité douteuse et de ses effets androgéniques locaux et à distance indésirables. L’apparition des dermocorticoïdes puissants de classe 1, type propionate de clobétasol, a modifié l’attitude thérapeutique, car ils entraînent rapidement une sédation des signes fonctionnels. Après 2 à 3 mois d’une application quotidienne, on constate dans l’immense majorité des cas une amélioration clinique nette et une disparition des lésions hyperplasiques.  En cas de persistance de zones leucoplasiques et/ou érosives rebelles aux dermocorticoïdes, une exérèse chirurgicale avec examen histologique s’impose.  En fonction de l'amélioration, le traitement pourra être espacé, 2 à 3 applications par semaine sont nécessaires pendant environ encore 4 à 6 mois. Dans certains cas, on peut ensuite arrêter le traitement. Néanmoins, une surveillance annuelle est nécessaire car le lichen peut récidiver sans entraîner la moindre symptomatologie fonctionnelle. En revanche, dans de nombreux cas, le traitement doit être poursuivi des années durant, car l’affection récidive à l’arrêt ou à l’espacement des applications.  Lorsqu’il existe une bride vestibulaire postérieure, cause de dyspareunie, une périnéotomie médiane postérieure, réalisée sous anesthésie locale, est nécessaire. Si la sténose orificielle est plus importante, une vulvopérinéoplastie avec abaissement vaginal postérieur, sous anesthésie générale doit être pratiquée.  Enfin, un encapuchonnement du clitoris peut favoriser la constitution d’un faux kyste du clitoris qui peut lui-même entraîner la formation d’un abcès du clitoris. Un drainage sous anesthésie générale est parfois nécessaire. En vue d’éviter une récidive, une posthectomie (circoncision féminine) peut être proposée.

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