publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

MST et gynécologie

Publié le 15 aoû 2016Lecture 5 min

Ulcérations génitales : ne pas méconnaître le chancre mou

O. BOUDGHENE STAMBOULI, Faculté de médecine Dr B. Benzerdjeb, Université Aboubakr Belkaid, Laboratoire Toximed 32 CHU Tlemcen, Algérie

Si les progrès en matière d’hygiène, de vaccination, de thérapeutique et d’éducation sanitaire ont permis de contrôler ou d’éradiquer un certain nombre de maladies infectieuses, il n’en est pas de même de ces ennemis de jadis et de toujours que sont les infections sexuellement transmissibles. Au contraire, elles prennent un visage nouveau et alarmant. Ne connaissant pas de frontières mais prédominant en certaines zones du globe, ces affections, par leur recrudescence et leur mode de transmission particulier, posent le problème de la lutte antivénérienne et de la prévention.

Les infections sexuellement transmissibles (IST) se présentent essentiellement sous forme de deux tableaux cliniques : – soit une ulcération génitale ; – soit un écoulement urétral chez l’homme ou vaginal chez la femme. En Algérie où le chancre mou (CM) avait quasiment disparu, les premiers cas ont été enregistrés dans notre service dès 1988(1). Nous avons observé 260 cas de la période allant d’août 1988 à avril 2015.   Aspect clinique   Le chancre mou (chancroïde, ulcus molle) est une IST (maladie sexuellement transmissible) et la première cause d’ulcération génitale dans les zones endémiques, en particulier en Afrique noire, en Asie et en Amérique latine(2). Le chancre mou a trouvé son gîte dans la prostitution féminine, clandestine et non contrôlée. Ceci rejoint parfaitement les données de la littérature(3-5). La période d’incubation de moins de 15 jours est un élément précieux du diagnostic. Les signes cliniques débutent par une papule érythémateuse ou pustuleuse au siège de l’inoculation, suivie du développement d’une ulcération, purulente, profonde et douloureuse. Le bord de l’ulcère est érythémateux mais ne présente pas d’induration. L’ulcération est le plus souvent unique alors qu’ailleurs, elle est plutôt multiple(3,6), touchant le sillon balano-préputial. La multiplicité des chancres (figure 1) est souvent due à une auto-inoculation et concerne les cuisses, le pubis. L’aspect est celui d’une ulcération purulente (figure 2). L’adénopathie inflammatoire (figure 3) est fréquente ; elle est au stade de bubon (figure 2) dans les cas non traités et évolués.   Figure 1. Chancres multiples et bubon fistulisé.   Figure 2. Chancre mou : ulcération purulente.   Figure 3. Chancre mou : adénopathie inflammatoire.   Diagnostic   Diagnostic différentiel   Le chancre mou doit être différencié : – de la syphilis (chancre syphilitique), ulcération à fond propre et non douloureuse ; – des ulcérations herpétiques avec aspect des vésicules groupées en bouquet ; – du chancre scabieux (figure 4) ou gale : parasitose fréquente, parfois vénérienne, pouvant se traduire par un tableau d’ulcération génitale ; – des formes atypiques de lymphogranulome vénérien ou de granulome inguinal (donovanose) s’accompagnant parfois d’ulcérations génitales.   Figure 4. Chancre scabieux.   Le contexte épidémiologique de ces affections a toute son importance.   Un point important dans le chancre mou   Le CM est considéré comme un cofacteur de l’infection par le VIH(7). En Côte d’Ivoire(3) et au Sénégal(4), une séropositivité par le VIH1 ou le VIH2 est découverte chez plus de la moitié des patients atteints de CM. Des co-infections avec la syphilis ou le virus herpès simplex de type II sont rapportées dans 10 % des cas de chancre mou.   Diagnostic positif   • Agent pathogène L’agent causal est Hæmophilus ducreyi. Cette bactérie à Gram négatif a une forme de bâtonnet et est non mobile. • Examens de laboratoire Plusieurs techniques de laboratoire peuvent mettre en évidence Hæmophilus ducreyi dans l’ulcération génitale : – frottis de Tzanck ; – biopsie cutanée ; – la culture bactérienne est la méthode diagnostique de référence : sa sensibilité n’atteint que 40 à 60 % ; – sérologie : l’étude de la réponse humorale et cellulaire contre Hæmophilus ducreyi est peu sensible et spécifique. Il n’y a pas d’utilité diagnostique en pratique médicale courante.   Sur le plan pratique   L’aspect typique de bacilles en chaîne de bicyclette est rarement retrouvé au microscope. Cette rareté a aussi été notée au Maroc(5), puisque, sur 200 patients atteints de CM, le bacille de Ducrey n’a été identifié que chez 30 malades seulement.   En pratique courante   Le diagnostic du chancre mou est posé en présence de : – la notion de rapports sexuels dans une zone d’endémie pour nos premiers cas et avec une prostituée le plus fréquemment ; – une période d’incubation plus courte que dans la syphilis ; – un aspect clinique évocateur, à savoir une ulcération molle, croûteuse, parfois purulente, avec le double liseré de Petges en périphérie, accompagnée de douleurs et d’une adénopathie parfois inflammatoire ; – l’échec des traitements antérieurs à visée tréponémicide ; – la découverte à l’examen microscopique de coccobacilles à Gram négatif dans le pus de l’ulcération ; – l’épreuve d’auto-inoculation du pus par voie intradermique dont la positivité se traduit par l’apparition d’une pustule recouvrant une ulcération ; – enfin la bonne réponse à un traitement plus spécifiquement adapté au chancre mou, essentiellement le cotrimoxazole(8).   Thérapeutique   Notre choix s’est porté essentiellement sur le cotrimoxazole à raison de 4 comprimés par jour pendant 10 à 15 jours chez 84 % de nos patients avec un très bon résultat dans tous les cas, c’est-à-dire la cicatrisation de l’ulcération en moins de 15 jours. Chez quelques patients, l’érythromycine (2 g par jour pendant 10 jours) ou la doxycycline (200 mg par jour pendant 10 jours) ou l’oxytétracycline (2 g par jour pendant 10 jours) ou la streptomycine (1 g par jour en intramusculaire pendant 10 jours) ont été efficaces(8).   Conclusion   Les ulcérations génitales peuvent être la traduction des IST et relèvent de multiples étiologies. Si dans les pays du Maghreb, c’est avant tout la syphilis qui est évoquée, ceci ne doit pas cependant faire oublier les autres causes d’ulcération en particulier le chancre mou. Il est important de réaliser un bilan complet concernant la recherche d’autres IST et notamment le VIH. L’examen du, ou des, partenaire(s) est aussi d’une importance primordiale afin d’initier un traitement adéquat. Les ulcérations génitales sont des cofacteurs importants de la transmission du VIH.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème