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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 02 jan 2012Lecture 10 min

La pemphigoïde bulleuse du sujet âgé

P. SENET, Hôpital Tenon, Paris
Cette pathologie courante dans le grand âge peut être détectée avant l’apparition de bulles devant une éruption prurigineuse. La corticothérapie locale est une alternative à la voie orale, à condition d’être parfaitement bien réalisée. Le risque de rechute et de morbimortalité reste néanmoins élevé. La pemphigoïde bulleuse (PB) qui touche les sujets âgés est la plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes. La pemphigoïde cicatricielle, forme particulière de la PB, est beaucoup plus rare et d’expression principalement muqueuse (bouche : 80-90 %, oeil : 50-70 % avec risque de cécité, peau : 25 %).
Épidémiologie Incidence L’incidence est de 43 cas pour 1 million d’habitants par an. Elle se majore très nettement avec l’âge : plus de 400 cas par million d’habitants par an chez les plus de 80 ans. Elle est actuellement en augmentation très nette, s’étant multipliée par 5 depuis 10 ans entre 1996 et 2006 : les raisons en sont inconnues, encore que le vieillissement de la population et la précocité plus fréquente du diagnostic y contribuent (1).   Facteurs de risque Concernant la corrélation avec des facteurs médicamenteux, des études cas-témoins n’ont démontré une imputabilité que pour l’anti-aldostérone et les neuroleptiques (2). Les pathologies neurologiques sont présentes chez 36 % des patients avec une PB : dégénératives ou vasculaires : démence (20 %), Parkinson et AVC (3). Aucune association avec un cancer ou une pathologie auto-immune n’a été démontrée.   Mortalité Probablement sous-estimée dans la pratique clinique courante, la mortalité est évaluée dans les études à 25 à 40 % à 1 an. Dans une étude française prospective récente, elle a été estimée à 26 % soit deux fois plus que la mortalité attendue dans cette tranche d’âge, avec, comme principales causes de mortalité, les infections et les complications thrombotiques (embolie pulmonaire, AVC). Le pronostic n’est lié ni à l’extension de la maladie, ni aux antécédents du patient, mais plutôt : - au traitement par de hautes doses de corticoïdes oraux ; - à traitement égal, à l’âge et au niveau d’autonomie (risque relatif de décès multiplié par 9,3 en cas d’âge > 83 ans et de score de Karnofsky ≤ 40 avec une survie de 38 % à 1 an) (1,4-6).   Physiopathologie Les hémidesmosomes permettent la fixation des kératinocytes à la lame basale de l’épiderme. Ils comportent les deux antigènes cibles de la PB (nommés par leur poids moléculaire et les initiales de la maladie : BP180 et 230) contre un ou deux vers lesquels sont dirigés les auto-anticorps. Une fois, les anticorps fixés sur les hémidesmosomes, il y a activation du complément qui induit une attaque membranaire, une lyse de l’hémidesmosome et le détachement des kératinocytes basaux de la lame basale.   Prurit diffus : penser à l’hypothèse d’une PB À ce processus de clivage épidermique, participent les polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, que l’on retrouve en histologie dans le derme superficiel.   Aspects cliniques Forme classique  Stade prébulleux C’est une éruption souvent précédée par un prurit diffus, éventuellement par des plaques eczématiformes et/ou urticariennes prurigineuses. Les localisations intéressent plutôt les faces internes des membres supérieurs ou inférieurs, les faces latérales du cou, le tronc, tout en respectant le visage. Tout prurit diffus chez une personne âgée doit bénéficier d’une biopsie cutanée avec immunofluorescence directe, pour rechercher les auto-anticorps fixés sur l’épiderme.   Bulles distales Bien sûr, il existe d’autres étiologies courantes (notamment médicamenteuses), mais la biopsie est un geste simple et rapide.  Éruption bulleuse Soit d’emblée, soit au bout de quelques semaines apparaissent sur une peau érythémateuse non saine (plaques d’eczéma ou urticariennes) des bulles de grande taille avec un prurit féroce, toujours dans la même localisation symétrique (racines des membres, tronc avec un aspect typique sur les flancs). Les bulles, souvent de grande taille peuvent laisser la place à des érosions si le toit de la bulle s’élimine avec le frottement. Certaines bulles sont hémorragiques, du fait de l’atrophie cutanée. Les bulles sont parfois très distales, voire péri-unguéales. L’aspect peut être érosif avec de simples érosions.   Formes trompeuses  Formes localisées Elles sont particulièrement fréquentes chez les sujets âgés.   Érosion post-bulleuse. • Dans les aspects dishidrosiformes, les bulles sont uniquement sur les mains, voire sur les pieds comme une dishidrose, mais ne se concentrent pas que sur les faces latérales des doigts comme une dishidrose typique. L’aspect hémorragique est assez évocateur. • Les formes prétibiales sont de diagnostic plus difficile et sont souvent prises pour des érosions liées à l’insuffisance veineuse et à la fragilité cutanée. Il faut savoir penser à la PB.  Éruption généralisée sans bulles Ce sont : - les formes érythrodermiques, très prurigineuses, éventuellement infiltrées, voire oedémateuses ; - les formes eczématiformes, très prurigineuses ; - les formes plus frustres avec l’aspect d’un rash maculopapuleux, qui, contrairement à une toxidermie, va durer ; - l’aspect de prurigo, associant un prurit et uniquement des lésions de grattage. Ces formes, très banales chez les sujets âgés peuvent précéder de plusieurs mois l’apparition de bulles avec des IFD qu’il faut savoir répéter en l’absence d’autres causes de prurit.  Autres formes trompeuses plus rares • L’atteinte du visage, avec parfois même une atteinte muqueuse (buccale), rare dans la PB. • L’existence de grains de milium aux extrémités, sorte de kystes superficiels qui simulent une épidermolyse bulleuse (décollement intrabasal) : cet aspect cicatriciel n’est pas habituel dans la PB, sauf après surinfection.   Diagnostic Suspicion clinique Un score clinique simple, de valeur prédictive positive de 97 %, a été validé dans une étude prospective sur 231 patients avec une bullose, dont 157 avec une PB (7,8). Prurit sine materia avec ou sans prurigo, pouvant préceder une PB Il permet, avant tout examen complémentaire, de suspecter fortement le diagnostic si au moins 3 des 4 critères cliniques suivants sont retrouvés : - âge > 70 ans ; - absence de cicatrices atrophiques ; - pas de prédominance sur la tête et le cou ; - pas de lésions muqueuses.   Signes biologiques indirects L’hyperéosinophilie est fréquente, l’hypothèse de la PB faisant partie de l’enquête étiologique. La recherche des anticorps antimembrane basale circulants (ou immunofluorescence indirecte) est positive chez 70 % des patients. Il n’y a aucune corrélation entre positivité et évolutivité. Inversement, les faux négatifs existent, la présence d’autoanticorps anti-épiderme étant une éventualité non rare dans le grand âge (15 % pour les AC anti-MB).   Diagnostic histologique Une première biopsie cutanée est effectuée sur la bulle à l’aide d’un punch de 3-4 mm. Elle permet l’analyse histologique qui montre une bulle sous-épidermique avec un infiltrat leucocytaire (lymphocytes et polynucléaires éosinophiles et neutrophiles).   Aspect d’une bulle en histologie (à gauche) et en immunofluorescence directe (à droite) En périphérie de la bulle, une autre biopsie est effectuée par punch, en vue d’une analyse en immunofluorescence directe (IFD). Elle montre des dépôts d’IgG et de C3 de façon linéaire le long de la basale. L’administration d’une corticothérapie locale ou orale avant la pratique de la biopsie négative l’IFD.   Délai diagnostique Il s’est amélioré de 3 mois en 1996 à 2 mois en 2004 selon les études françaises, entraînant une tendance au raccourcissement de la prise en charge dermatologique. Ce délai n’est pas lié à l’extension de la maladie et, contrairement, à nombre d’autres pathologies, il n’est pas corrélé à la survie. La plus grande précocité du délai diagnostique est liée à deux paramètres : niveau d’autonomie altéré (indice de Karnofsky < 60 %) qui fait que l’on y pense davantage, âge plus avancé avec prévalence plus élevée de démence et de maladies neurologiques (9).   Traitement Avènement des dermocorticoïdes forts de classe I Une étude princeps (10) a comparé l’utilisation d’un dermocorticoïde fort à dose importante avec la corticothérapie orale habituelle. Les résultats montrent une mortalité à 1 an comparable dans les PB modérées (30 %), mais significativement réduite (24 % vs 41 %) dans les PB extensives. Ils montrent aussi, en faveur des corticoïdes locaux, un contrôle plus rapide avec une action plus précoce sur le prurit, et un risque moindre de récidive et d’effets secondaires sévères. En pratique, Dermoval® crème est démarré à la dose de 40 g/j pendant le premier mois soit 2 tubes matin et soir (1 tube = 10 g). Puis, la décroissance se fait selon les modalités suivantes : - 20 g/j pendant 1 mois ; - 10 g/j pendant 2 mois ; - 10 g 1 jour sur 2 pendant 4 mois ; - 10 g 2 fois/semaine pendant 4 mois. Une étude plus récente (11) a préconisé un schéma plus allégé qui s’avère aussi efficace, au prix toutefois d’une récidive plus fréquente. La dose initiale est de 10 à 30 g selon le stade de la PB (10 g pour une PB localisée, 20 g pour une PB diffuse paucibulleuse, 30 g pour une PB diffuse multibulleuse), avec diminution de la posologie selon le schéma suivant : 1 fois par jour le 1er mois, 1 jour sur 2 le 2e mois, 2 fois par semaine le 3e mois et 1 fois par semaine le 4e et dernier mois. Comparé au schéma princeps, l’efficacité est comparable (98 % vs 100 %), avec le double intérêt d’une diminution par 2 de la morbimortalité et d’une diminution des effets secondaires (infections systémiques, et surtout atrophie cutanée qui constitue le problème le plus important). La dose de corticoïdes a pu être diminuée de 70 % par an. Mais le risque de rechute est plus important : 47 % vs 36 % de rechutes à 1 an. Problèmes liés au traitement local  Contraintes et faisabilité Les dermocorticoïdes ne doivent pas être arrêtés sans avis médical. Ils sont transitoirement contre-indiqués sur les zones surinfectées. Ils doivent être appliqués sur tout le tégument, sauf le visage et le cuir chevelu : c'est-à-dire y compris dans des zones sans bulles ! Ceci implique de former le personnel soignant. Toutefois, la logistique est souvent compliquée du fait de la faible disponibilité d’un personnel réduit, de la difficulté à faire comprendre le soin, d’une tarification à l’acte en ville et d’un patient difficile à mobiliser. Aussi, le principe de réalité fait que l’on peut être contraint de passer au traitement corticoïde per os (0,5 mg/kg) en dépit de ses effets secondaires plus importants.  Surveillance Étant donnés l’âge et la polypathologie, l’hospitalisation est préférable les 15 premiers jours pour mettre en route le traitement, surveiller sa tolérance et surtout son efficacité. Le schéma allégé ne nécessite pas de surveillance particulière, mais quand la posologie est supérieure ou égale à 20 g/j, il faut surveiller le patient comme pour une corticothérapie générale. En pratique courante, la tolérance systémique ne pose pas tant de problème que la tolérance locale.   Les traitements adjuvants Le méthotrexate, souvent utilisé en dermatologie notamment dans le cadre des psoriasis, est bien toléré et pourrait permettre une épargne cortisonique : une étude est en cours. Les cyclines (tétracycline ou doxycycline), ayant fait l’objet d’une petite étude ouverte, sont utilisées dans certains pays et parfois utiles pour prévenir la rechute. L’Imurel® à visée d’épargne cortisonique, n’a pas fait l’objet d’étude concluante et comporte de nombreux effets secondaires. Le mycophénolate mofétil (Cellcept®) lui serait préféré.   Un risque élevé de rechute À l’arrêt du traitement après une durée moyenne de traitement de 11,5 mois, une étude récente ayant porté sur 118 patients (97 sous corticoïdes locaux, 21 sous corticoïdes généraux) a montré chez 53 % d’entre eux, au moins 1 rechute à 1 an de l’arrêt du traitement, la plupart des rechutes s’étant produites dans les 3 mois. En analyse univariée apparaissaient comme facteurs prédictifs de la rechute : une IFD positive à la fin du traitement, des ELISA anti-BP 180 > 27 UI à la fin du traitement, un âge plus élevé. Seul le critère sérologique était retrouvé en analyse multivariée (12). L’enseignement est de ne jamais effectuer d’arrêt brutal sans avis médical, et de respecter scrupuleusement un protocole de décroissance progressive.  

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