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Thérapeutique

Publié le 24 mar 2008Lecture 11 min

Hépatotoxicité du méthotrexate

Centre d'investigation de la fibrose hépatique, hôpital Haut-Lévêque, Pessac ; INSERM U889, Bordeaux ; université Victor Segalen, Bordeaux 2
Le méthotrexate est un médicament utilisé dans le traitement des maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis ou la maladie de Crohn. La toxicité hépatique du méthotrexate a été étudiée dans de nombreuses anciennes études qui ont montré qu’un traitement prolongé pouvait induire une fibrose hépatique. Cependant, d’autres facteurs de risque fréquents, et notamment l’alcool, sont associés à la fibrose, nécessitant une réévaluation de la part de chacun de ces facteurs dans l’atteinte hépatique.
La consommation d’alcool, l’obésité et le diabète sont associés au risque de fibrose hépatique chez les malades traités par méthotrexate. Ainsi, la fibrose hépatique associée au méthotrexate pourrait être plutôt due aux facteurs associés qu’au méthotrexate lui-même. Les recommandations de suivi hépatique des malades traités par méthotrexate varient selon les maladies. Une évaluation régulière de la fibrose hépatique par ponction-biopsie hépatique est parfois recommandée. Cependant, à l’heure actuelle, les méthodes non invasives de diagnostic de la fibrose hépatique comme le FibroScan® (figure 1) pourraient être utiles à l’évaluation de la fibrose hépatique au cours du traitement par méthotrexate. Figure 1. Réalisation du FibroScan® en pratique. Le méthotrexate est utilisé à fortes doses en tant que chimiothérapie anticancéreuse et à faibles doses en tant qu'immunomodulateur au cours des affections inflammatoires chroniques. Sa toxicité a été largement étudiée et plusieurs séries ont évalué ses effets secondaires, notamment sa toxicité hépatique. De nombreuses études ont montré que le méthotrexate pouvait être hépatotoxique et favoriser une fibrose hépatique voire une cirrhose, notamment lorsqu'il existe certains facteurs associés tels que la consommation d'alcool, le diabète ou l'obésité. Cependant, la plupart de ces études sont anciennes, publiées dans les années 70 et 80, à une époque où certaines hépatopathies chroniques comme l'hépatite C ou la stéato-hépatite métabolique étaient méconnues. Dans les travaux les plus récents, la prévalence de la fibrose hépatique semble moindre et l'effet toxique « per-se » du méthotrexate est remis en cause. En l'absence de facteurs de risque de stéatose ou de fibrose hépatique associés, la toxicité hépatique du méthotrexate est probablement faible et les recommandations publiées par les différentes sociétés savantes il y a une vingtaine d'années paraissent obsolètes. Physiopathologie de la toxicité hépatique du méthotrexate La physiopathologie de l'hépatotoxicité du méthotrexate est mal connue. Le méthotrexate est métabolisé en une forme polyglutaminée qui est stockée dans ces cellules et le traitement au long cours induit une accumulation de ces métabolites dans le parenchyme hépatique. Le méthotrexate et ses métabolites pourraient induire une inhibition chronique du métabolisme des folates au niveau hépatique conduisant à une diminution de la synthèse de nucléotides. Les recommandations publiées par les différentes sociétés savantes il y a une vingtaine d'années paraissent obsolètes. Lésions histologiques hépatiques Les lésions histologiques hépatiques sont des lésions aspécifiques, proches des lésions observées au cours de la stéato-hépatite métabolique, même chez des malades n'ayant aucun facteur de risque de stéato-hépatite non alcoolique (NASH). Les lésions sont les suivantes : stéatose macrovacuolaire, infiltrat inflammatoire portal, fibrose minime ou modérée, voire cirrhose. Effets secondaires hépatiques du méthotrexate Cytolyse hépatique La cytolyse hépatique est l’anomalie la plus fréquemment observée chez les patients traités par méthotrexate (27 à 69 % des cas au cours de la polyarthrite rhumatoïde). Généralement, elle disparaît à l'arrêt du traitement, mais la normalisation des examens biologiques peut prendre plusieurs semaines. Stéato-hépatite métabolique Le méthotrexate pourrait aussi être un facteur de risque de stéatohépatite métabolique. Des lésions histologiques de stéatopathie méta - bolique sont souvent observées lorsque les malades ont une ponction- biopsie hépatique. Cepen dant, la plupart des patients traités par méthotrexate ayant des lésions de stéato-hépatite métabolique ont aussi des facteurs de risque de stéato-hépatite métabolique. Fibrose hépatique et cirrhose La prévalence de la fibrose significative varie de 0 à 33 % et le risque de cirrhose de 0 à 26 % (tableau 1).   Tableau 1. Prévalence de la fibrose hépatique et de la cirrhose au cours du traitement par méthotrexate pour polyarthrite rhumatoïde.   Année Nombre de patients  Dose cumulée moyenne de méthotrexate (mg)  Durée de traitement (mois)  Fibrose significative (%)  Cirrhose (%)  Mackenzie AH et al.  1985 60 1837  Non precisé 2  0 Weinstein A et Al 1985 29 2021 42 35 0 Lanse SB et al. 1985 30 270-6900 12-120 13 0 Kremer JM et al. 1986 29 1500 29 0 0 Shergy WJ et al. 1988 210  1495 Non precisé  3 0 Dans les études publiées après 1990, quelle que soit l’indication du traitement, la prévalence de la cirrhose sous méthotrexate est la plus faible, comprise entre 0 et 6 %. En fait, les études rapportant la plus grande prévalence de fibrose sévère et de cirrhose chez des malades traités par méthotrexate ont été publiés dans les années 60-70 et n'ont donc pas pris en compte d'autres facteurs associés comme l’hépatite chronique virale C ou bien la stéatopathie métabolique. La prévalence de la fibrose significative varie de 0 à 33 % et le risque de cirrhose de 0 à 26 %. Facteurs de risque de fibrose hépatique Plusieurs facteurs de risque de fibrose hépatique sous méthotrexate ont été évalués (tableau 2).   Tableau 2. Facteurs associés au risque d'hépatotoxicité du méthotrexate.  Facteurs fortement associés   Facteurs possiblement associés  Facteurs non associés  • Consommation active ou ancienne d'alcool • Obésité et diabète • Insuffisance rénale • Hépatopathie chronique • Prise quotidienne de méthotrexate • Antécédent de traitement par l'arsenic • Hypoalbuminémie • Durée du traitement > 2 ans • Dose cumulative > 1 500 mg • Psoriasis ? • Âge • Sexe • Cytolyse hépatique • Traitement actuel ou ancien par corticoïdes Rôle des modalités d’administration du méthotrexate Le risque de toxicité hépatique semble augmenter avec la dose cumulée de méthotrexate. Toutefois, non seulement les travaux les plus récents ne trouvent pas de corrélation entre la dose cumulée et la survenue d’une fibrose hépatique sévère mais les dernières réunions de consensus publiés par les rhumatologues ne recommandent plus de ponction-biopsie hépatique systématique selon la dose de traitement reçue. La plupart des études n’ont pas mis en évidence de lien entre la toxicité hépatique du méthotrexate et la durée du traitement. Rôle de la maladie sous-jacente La prévalence de la cytolyse paraît plus importante chez les malades traités pour psoriasis que chez ceux atteints d’une polyarthrite rhumatoïde. Ces derniers reçoivent souvent des corticoïdes en association qui pourraient diminuer l'inflammation hépatique. La plupart des études n’ont pas mis en évidence de lien entre la toxicité hépatique du méthotrexate et la durée du traitement. Rôle des facteurs métaboliques Les trois principaux facteurs associés à la toxicité hépatique du méthotrexate sont la consommation d’alcool, le diabète et l'obésité. L’alcool est le principal facteur associé à la fibrose hépatique au cours du traitement par méthotrexate. Le risque de cytolyse est accru même chez les malades qui ne consomment qu’un seul verre par jour. Le taux de progression de la fibrose chez les consommateurs excessifs d’alcool prenant du méthotrexate est 2,5 à 5 fois plus élevé que chez les malades ne consommant pas d’alcool. La prévalence de la fibrose hépatique chez les patients ne consommant pas d’alcool est en revanche très faible. Le diabète et/ou l’obésité sont aussi des facteurs de risque indépendants de toxicité hépatique. En cas de facteur de risque associé, une fibrose sévère est observée dans 38 % des cas et une cirrhose dans 4 % des cas. Évaluation de la fibrose hépatique au cours du traitement par méthotrexate Le FibroScan® pourrait devenir la technique de référence pour surveiller les malades traités par méthotrexate. La cytolyse hépatique est un mauvais marqueur de fibrose hépatique. En effet, la prescription de méthotrexate peut être associée, au début du traitement, à une cytolyse hépatique. Le risque de toxicité hépatique du méthotrexate ne doit pas systématiquement entraîner la réalisation d’une ponction-biopsie hépatique, qui n’est pas dénuée de risques. Malgré tout son intérêt diagnostique, la réalisation de cet examen se heurte à deux problèmes essentiels : son caractère invasif et le biais d’échantillonnage. C'est donc une exploration que l'on ne peut pas répéter aussi régulièrement que cela semble nécessaire. Le FibroScan® (figure) pourrait être une excellente alternative à la ponction-biopsie hépatique dans le cadre de la surveillance des malades traités par méthotrexate. Les valeurs de FibroScan® de ces patients sont identiques, qu’ils aient reçu plus ou moins de 1 500 mg de dose cumulative de méthotrexate. De plus, ces valeurs sont très basses, même chez des sujets qui ont reçu plus de 1 500 mg de méthotrexate (valeur médiane du FibroScan® : 5,5 kPa). Le FibroScan® permet d’identifier 88 % des malades sans fibrose significative (valeur de FibroScan® < 7,1 kPa). Recommandations actuelles de surveillance du traitement par méthotrexate Les recommandations actuelles de prise en charge des malades traités par méthotrexate sont anciennes. Les études publiées depuis et l'amélioration des connais sances suggèrent que le risque de fibrose hépatique sous méthotrexate est faible, si bien que ces recommandations, souvent très strictes, sont de plus en plus remises en cause. Bilan avant l'initiation du traitement Avant d’instaurer un traitement par le méthotrexate, les facteurs de risque de maladie hépatique (consommation d’alcool, stéatohépatite métabolique, hépatites virales, hémochromatose) doivent être recherchés et certaines règles hygiénodiététiques être mises en place. L’abstinence en boissons alcoolisées et la prise en charge du diabète et/ou de l’obésité doivent être conseillées. Le bilan préthérapeutique doit comporter un hémogramme, des sérologies virale B et C, un bilan hépatique, une créatininémie et une albuminémie. Une évaluation non invasive de la fibrose hépatique par FibroScan® pourrait être aussi conseillée. En cas de facteurs de risque de fibrose hépatique (consommation excessive d'alcool, diabète, obésité), en cas de cytolyse ou en cas de suspicion de fibrose hépatique au FibroScan®, une ponction-biopsie hépatique pourrait être alors réalisée avant le traitement. Surveillance durant le traitement Il existe des recommandations des sociétés savantes quant à la surveillance du traitement par méthotrexate au cours du psoriasis, de la polyarthrite rhumatoïde et récemment de la maladie de Crohn. D’après les recommandations les plus récentes, la ponctionbiopsie hépatique n'est pas justifiée chez les malades traités pour polyarthrite rhumatoïde dans la surveillance d’un traitement par méthotrexate, celle-ci ne pouvant être effectuée que par le taux sérique des transaminases et de phosphatases alcalines. Dans l’ensemble, il existe une grande confusion quant à la surveillance hépatique des patients traités par méthotrexate au long cours. La biologie de surveillance devrait comprendre une numération formule sanguine, une évaluation de la fonction rénale (dont l’altération potentialise la toxicité du traitement) et un bilan hépatique. La surveillance du bilan hépatique est conseillée tous les un à deux mois. Il y a de plus en plus d’arguments pour dire que le risque de fibrose est faible, en l’absence de facteurs de risque. Il ne semble donc plus justifié de réaliser des ponctions-biopsies hépatiques séquentielles chez les malades traités pour psoriasis par méthotrexate. Le dépistage de la fibrose hépatique sous méthotrexate, qui est un événement rare et non prédit par les anomalies biologiques, pourrait dans l’avenir faire appel au FibroScan®, même si pour l'instant aucune étude prospective de suivi de malades traités par méthotrexate n'a été publiée. La fibrose hépatique sous méthotrexate est un événement rare non prédit par les anomalies biologiques. Points forts  La prévalence de la fibrose hépatique attribuée au méthotrexate a manifestement été surestimée dans les années 70-80, conduisant à la réalisation de trop nombreuses ponctions-biopsies hépatiques de surveillance.  Le méthotrexate semble plutôt intervenir comme un facteur associé au développement de la fibrose hépatique en cas de facteurs prédisposants tels qu’une consommation d’alcool ou des éléments du syndrome métabolique.  À l'heure actuelle, avant d'entreprendre un traitement par méthotrexate, il semble primordial de prendre en charge efficacement les facteurs associés à la toxicité de ce médicament, notamment le diabète, et de conseiller la limitation des boissons alcoolisées ainsi qu’un amaigrissement en cas de surcharge pondérale.  Une ponction-biopsie hépatique avant ou pendant le traitement doit être discutée en présence d'une cytolyse hépatique répétée ou de facteurs de risque d'hépatotoxicité insuffisamment pris en charge.  La place du FibroScan® reste à définir mais son utilisation en pratique courante risque de devenir incontournable.

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