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Psoriasis

Publié le 15 nov 2021Lecture 9 min

Les inhibiteurs de JAK en dermatologie

Julien SENESCHAL, Service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux 2. Université de Bordeaux, Inserm

Les inhibiteurs de JAK par voie topique ou systémique connaissent un développement majeur en dermatologie. Le premier d’entre eux, le baricitinib, est désormais autorisé pour la prise en charge de la dermatite atopique modérée à sévère. En raison de leur mécanisme d’action plus large que les anticorps monoclonaux, les inhibiteurs de JAK présentent des développements potentiels plus importants dans les pathologies inflammatoires chroniques et permettent d’envisager des stratégies possibles pour des maladies cutanées ne disposant d’aucun traitement. Cependant, leur tolérance reste à confirmer, en vraie vie notamment.

Les inhibiteurs de la voie JAK par voie topique ou par voie systémique ont un développement majeur en dermatologie. En raison de leur mécanisme d’action large, de nombreuses applications en dermatologie sont actuellement testées. La voie de signalisation intracellulaire Janus kinase (JAK) et transducteur de signal et activateur de transcription (STAT) est activée par la liaison d’un ligand extracellulaire à divers récepteurs transmembranaires, entraînant l’initiation d’une cascade de signalisation intracellulaire et, finalement, la régulation de la transcription de nombreux gènes responsables de la production de cytokines pro-inflammatoires. La famille Janus kinase (JAK) comprend des tyrosines kinases qui agissent à l’intérieur de la cellule en tant que transducteurs de signaux, incluant les molécules JAK1, JAK2, JAK3, et TYK2. Étant donné que la réponse immunitaire est coordonnée et régulée par des médiateurs solubles, dont la plupart sont des cytokines pro-inflammatoires, la voie JAK/STAT est une cible thérapeutique dans diverses maladies inflammatoires à médiation immunitaire. Les inhibiteurs de JAK sont de petites molécules qui inhibent l’activité kinase de JAK et diminuent efficacement la production de nombreuses cytokines inflammatoires intervenant dans de nombreuses pathologies cutanées comme le psoriasis, la dermatite atopique, le vitiligo ou la pelade. Ces dernières années, de nombreux inhibiteurs de JAK ont démontré leur efficacité dans des maladies telles que les rhumatismes inflammatoires, mais également en oncologie dans les syndromes myéloprolifératifs. Les inhibiteurs de JAK de première génération, comme le ruxolitinib, le baricitinib, le delgocitinib et le tofacitinib, sont peu sélectifs et inhibent divers JAK, tandis que les inhibiteurs de deuxième génération, comme le ritlecitinib, le brepocitinib, le deucravacitinib, l’upadacitinib et l’abrocitinib, sont plus sélectifs et bloquent principalement (parfois exclusivement) un seul membre de la famille JAK, inhibant ainsi une gamme plus étroite de cytokines(1) . Psoriasis Malgré les progrès réalisés dans le traitement du psoriasis, il existe un besoin non satisfait de traitements oraux efficaces. L’axe interleukine (IL)-23/IL-17 est actuellement considéré comme la voie pathogène cruciale, le blocage de la voie JAK par de petites molécules devrait être intéressante, car la signalisation notamment de l’IL-23 est dépendante de la voie JAK. Les recherches actuelles semblent se concentrer sur la tyrosinekinase 2 (TYK2). Les données de l’essai de phase II du BMS-986165 – un inhibiteur sélectif de la TYK2 – dans le psoriasis ont été publiées. Les résultats cliniques sont encourageants et montrent que, à la semaine 12,75 % des patients ont obtenu le score PASI75 à la dose de 12 mg administrée de façon quotidienne(2) . Un vaste programme de phase III est en cours. En outre, le brepocitinib, un puissant inhibiteur de TYK2/JAK1, est également en cours d’évaluation, en tant que traitement oral et topique. Dermatite atopique Les cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-4 et l’IL-13, importantes pour la physiopathologie de la dermatite atopique, sont dépendantes de la signalisation JAK. Les inhibiteurs de JAK par voie topique et par voie orale sont désormais indiqués ou en cours de développement. • Les inhibiteurs de JAK par voie orale Le baricitinib est un inhibiteur de première génération ciblant plus particulièrement les voies JAK1 et JAK2. Ce traitement est désormais indiqué pour les patients atteints d’une dermatite atopique modérée à sévère nécessitant un traitement systémique. En France, il est remboursé par la Sécurité sociale après qu’un traitement systémique par ciclosporine a été considéré. Les résultats de deux essais identiques randomisés de phase III en monothérapie, BREEZE-AD1 et BREEZE-AD2, ont montré qu’après 16 semaines, plus de patients avaient atteint le critère d’évaluation principal du score IGA 0/1 dans les deux groupes baricitinib 2 mg (11,4 %) et 4 mg (16,8 %) par rapport au placebo (4,8 %). Le baricitinib 4 mg a permis une amélioration significative du score EASI avec une réduction de 59,4 % et 54,9 % dans les essais BREEZE-AD1 et BREEZE-AD2, respectivement(3) . Les patients ont également signalé une amélioration du prurit dès la première semaine d’utilisation de baricitinib 4 mg et dès la deuxième semaine pour le 2 mg. Par ailleurs, l’étude de phase III BREEZE-AD-7 évaluant l’efficacité du baricitinib en association avec les dermocorticoïdes a permis de montrer que 31 %, 24 % et 15 % des patients obtenaient à la 16e semaine un score IGA 0/1 pour le dosage 4 mg, 2 mg ou placebo, suggérant une amélioration des scores lorsque le traitement était associé aux dermocorticoïdes. L’abrocitinib (PF-04965842), un inhibiteur sélectif de JAK1 a été administré par voie orale, les études phase III JADE MONO-1 et JADE MONO-2 ont permis de confirmer les résultats des phases II(4) ; à la semaine 12, 43,8 %, 23,7 % et 7,9 % des participants ayant reçu respectivement 200 mg d’abrocitinib, 100 mg d’abrocitinib et un placebo ont obtenu une réponse IGA 0/1 dans l’étude JADE MONO-1, alors que la réponse IGA était respectivement de 38,1 %, 28,4 % et 9,1 % dans l’étude JADE MONO-2. Une amélioration significative des scores EASI était également notée. Une amélioration d’au moins 75 % du score EASI (EASI- 75) a été atteinte chez 62,7 %, 39,7 % et 11,8 % des patients traités respectivement par 200 mg,100 mg et 10 mg dans l’étude JADE MONO-1, alors que celle-ci était de 61,0 %, de 44,5 % et de 10,4 % pour les patients ayant reçu respectivement 200 mg, 100 mg et un placebo dans l’étude JADE MONO-2. Il est important de noter que le traitement permettait d’améliorer significativement les scores prurit ainsi que le sommeil. L’upadacitinib (ABT-494) est un autre inhibiteur sélectif de JAK1 qui a fait l’objet d’études d’efficacité et de tolérance dans des études de phase II et III pour la DA. Concernant les études de phase III en monothérapie MEASURE UP-1 et MEASURE UP-2 évaluant deux dosages 25 mg et 30 mg, à la semaine 16,62 %, 48 %, et 8 % ont obtenu respectivement un score IGA 0/1 pour les dosages 30 mg, 15 mg et placebo. Pour l’étude MEASURE UP-2, ces taux étaient de 58 %, de 42 % et de 5 %. Il est important de noter que 66 % et 58 % des patients avec le dosage 30 mg obtenaient plus de 90 % d’amélioration de leur score total dans l’étude MEASURE UP-1 et MEA- SURE UP-2. De façon intéressante, l’étude conduite en association avec les dermocorticoïdes n’a pas montré d’augmentation des scores d’efficacité, mais une réduction significative de l’utilisation des dermocorticoïdes. Il est important de considérer également que l’abrocitinib et l’upadacitinib ont montré une efficacité significativement meilleure en comparaison au dupilumab, l’anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité alpha du récepteur de l’IL-4 ayant l’AMM dans la dermatite atopique(5) . Pelade et vitiligo Ces deux pathologies, encore orphelines de traitement, sont caractérisées par des mécanismes immunologiques communs avec activation d’une réponse immunitaire faisant intervenir les IFN de type 1 et 2 (IFNa et IFNy), dépendant des voies JAK1, JAK2 et/ou TyK2, conduisant à la perte du follicule pileux pour la pelade ou des mélanocytes pour le vitiligo. Concernant les inhibiteurs de JAK par voie topique, ceux-ci semblent difficiles à envisager dans la prise en charge de la pelade. En effet, les résultats des études ouvertes ne semblent pas en faveur d’un profil d’efficacité suffisant, peut-être en raison de la difficulté de pénétration de ces thérapies au niveau du follicule pileux. Pour le vitiligo, une étude de phase 2 évaluant l’efficacité du ruxolitinib, un inhibiteur de la voie JAK 1 et 2, a démontré une efficacité par rapport au placebo. L’application biquotidienne à 1,5 % a permis une amélioration de plus de 50 % de l’atteinte du visage chez plus de 50 % des patients à 6 mois. Une amélioration sur les lésions du reste du corps était également notée. Une étude de phase 3 est en cours, avec une analyse intermédiaire confirmant ces pre-miers résultats(6) . Cependant, des développements d’inhibiteur de JAK par voie systémique sont également en cours de développement, pour ces deux pathologies. Le brepocitinib (inhibiteur de JAK1 et JAK2) et le ritlecitinib (inhibiteur de JAK3 et TEC) ont été évalués simultanément dans une étude de phase 2 au cours de la pelade. Les résultats récemment publiés montrent qu’à la semaine 24, respectivement 38 % des patients sous ritlecitinib et 49 % des patients sous brepocitinib avec une atteinte initiale de plus de 50 % ont eu une amélioration de plus de 50 % de leur atteinte(7) . Des études de phase 3 sont en cours de développement. Ces deux inhibiteurs de JAK ont également été évalués dans le vitiligo. Le baricitinib, qui a désormais l’AMM dans la dermatite atopique, a démontré à la posologie de 4 mg que plus de 50 % des patients avec une pelade sévère avaient obtenu un score pelade SALT<20, montrant ainsi une amélioration significative de la pathologie. Ce traitement sera évalué prochainement dans le vitiligo. Enfin un autre inhibiteur de JAK 1 et JAK2, le CTP-543 a montré des résultats significatifs dans la pelade avec 49 % des patients obtenant plus de 50 % d’amélioration de leur pathologie à la semaine 24 avec la posologie la plus élevée de 12 mg. Autres indications En raison de leur mécanisme d’action large ciblant plusieurs cytokines inflammatoires, les inhibiteurs de la voie JAK de façon topique ou systémique sont également évalués dans de nombreuses indications en attente de traitement efficace comme la maladie de Verneuil, les granulomatoses ou sarcoïdose, le lupus cutané et la dermatomyosite, la maladie du greffon contre l’hôte, la morphée et la sclérodermie, ce qui laisse envisager un avenir intéressant pour la prise en charge de l’ensemble des dermatoses inflammatoires. Tolérance et effets secondaires Le mécanisme d’action large des inhibiteurs de JAK fait craindre des effets secondaires. Les formes topiques en raison d’un passage systémique minime montrent un profil de tolérance acceptable. Les inhibiteurs de JAK par voie topique seront ainsi une bonne alternative aux dermocorticoïdes et pourront être utilisés en traitement de fond ou de maintien. Cependant, comme tout traitement local, ces traitements seront réservés pour des atteintes dont la surface reste modérée. Des réactions acnéiformes, dont la physiopathologie reste à préciser, ont été décrites notamment lors des applications sur le visage. Concernant les formes orales, les inhibiteurs de JAK ont un rapport risque-bénéfice acceptable, bien que la plupart des données proviennent d’études cliniques. Les effets indésirables rapportés sont principalement légers à modérés, les plus fréquents étant ceux des voies respiratoires supérieures, des voies urinaires et des voies gastro-intestinales. Un risque accru de réactivation des virus de la famille herpès/varicelle/zona a été observé chez les patients traités par le baricitinib. Par ailleurs, il a été signalé des cas de réactivation de la tuberculose avec le tofacitinib et le baricitinib. Les résultats d’un essai sur la polyarthrite rhumatoïde comparant le tofacitinib 5 mg ou 10 mg deux fois par jour avec l’étanercept, un inhibiteur du facteur de nécrose tumorale, ont révélé un risque plus élevé de thrombose dans le groupe prenant le tofacitinib, à raison de 10 mg deux fois par jour, que dans le groupe placebo dans un sous-groupe de patients présentant des facteurs de risque. D’autres études sont néanmoins nécessaires pour confirmer ces données, notamment dans les populations dermatologiques, mais également pour savoir si ce risque est lié à la classe ou au type d’inhibiteur de JAK. Des anomalies biologiques peuvent également se voir, mais elles restent modérées comme des anomalies de la NFS (anémie, thrombopénie), une augmentation du bilan lipidique des CPK et du taux d’enzymes hépatiques. Ces anomalies étant réversibles à l’arrêt du traitement(8).

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