publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Photodermatologie

Publié le 27 mar 2020Lecture 7 min

Une vision élargie de la photothérapie dynamique en dermatologie

C. FABER, Paris

La photothérapie dynamique (PDT : Photodynamic Therapy) a largement fait ses preuves dans la prise en charge des kératoses actiniques (KA) et leur champ de cancérisation, des carcinomes basocellulaires superficiels (CBCs) et de la maladie de Bowen (MB). Son efficacité peut être intensifiée par l’association à des traitements topiques ou physiques. Des dispositifs innovants et de nouvelles indications émergentes sont en cours d’évaluation*.

Le champ de cancérisation La présence d’altérations génétiques dans la peau apparemment normale autour des KA et des carcinomes épidermoïdes cutanés (CEC) définit le champ de cancérisation. Ces anomalies liées à l’exposition solaire peuvent être en cause dans les récidives ou le développement de nouvelles lésions tumorales. Le traitement du champ de cancérisation a donc tout son sens. Des études ont montré, notamment avec la PDT, qu’il permet d’améliorer les anomalies moléculaires. On peut ainsi espérer diminuer le risque de CEC. Des données récentes sur la transformation des KA en CEC ont remis en cause la notion d’une progression linéaire en fonction des grades histologiques(1). Il apparaît en effet que la grande majorité des CEC se développent sur les KA de grade I. Un grade fondé sur la prolifération de la membrane basale a aussi été proposé pour évaluer ce risque. Dans la pratique clinique, le risque de transformation des KA de l’extrémité céphalique peut être stratifié à l’aide du score AKASI (Actinic Keratosis Area and Severity Index)(2). Une application pour smartphone (App store) permet de la calculer automatiquement. L’énergie lumineuse La PDT nécessite trois éléments : un photosensibilisateur, l’aminolévulinate de méthyle (MAL), qui s’accumule sélectivement dans les cellules néoplasiques et se transforme en porphyrine photo-active dont la protoporphyrine IX (PpIX), une source lumineuse de longueur d’onde adaptée au spectre d’absorption du photosensibilisateur et de l’oxygène. La PDT conventionnelle (PDT-C) est décrite comme douloureuse (score EVA moyen 7,6). De fait, un délai prolongé entre l’application du photosensibilisateur et l’illumination entraîne une accumulation de PpIX dans le derme et jusque dans les terminaisons nerveuses, conduisant à cette douleur. L’utilisation d’une source lumineuse intense a aussi un impact en termes de douleur. Pour une meilleure tolérance de la PDT, on peut utiliser la PDT en lumière du jour (DL-PDT : Daylight Photodynamic Therapy), des dispositifs à LED blanche ou des dispositifs conformables à base de textiles lumineux. Chirurgie et PDT en cancérologie cutanée : les critères de choix Les recommandations de bonne pratique pour le traitement des cancers cutanés placent la chirurgie en première intention. La PDT est une alternative à la chirurgie pour le CBCs et la MB. Les lésions doivent être préalablement confirmées par une biopsie dont il faut connaître les limites. Cet examen ignore une proportion non négligeable de formes agressives de CBC et ne permet pas d’en préciser le soustype histologique(3,4). La dermoscopie aide à différencier ces sous-types. La PDT est à privilégier quand la chirurgie apparaît disproportionnée par rapport à la nature de la lésion et chez certains patients âgés présentant des comorbidités. C’est aussi un traitement de première ligne des lésions multiples ou étendues et des lésions situées dans des zones à risque cicatriciel comme le tronc et les membres. Le choix doit tenir compte de l’aléa cicatriciel individuel. En cas de non réponse ou de récidive d’un CBCs après deux séances de PDT, il ne faut pas hésiter à revenir à la chirurgie. La PDT a des suites très simples, ne nécessite pas d’éviction sociale ni d’intervention d’un tiers et élimine le risque d’échec thérapeutique dû à la mauvaise observance observée avec les traitements topiques. Carcinomes cutanés : quelles associations pour les cas difficiles ? L’association de la PDT à d’autres traitements locaux a un double intérêt : améliorer les taux de réponses complètes et diminuer les taux de récidives. Pour les KA, qui sont la meilleure indication, on dispose d’une étude positive — sur trois publiées — sur le traitement par PDT et imiquimod séquentiel(5). En revanche, les trois publications concernant le 5-FU en prétraitement sont concordantes (11 % à 30 % de réponses complémentaires selon les modalités de la PDT)(6-8). Il a aussi été montré que le traitement séquentiel du champ de cancérisation par 5-FU et PDT entraîne une disparition complète et durable des lésions chez les transplantés(9)*. Quant aux études avec le mébutate d’ingénol**, elles donnent des résultats en faveur de la PDT seule(10) ou montrent une réduction du taux de récidives des KA sous DL-PDT(11). D’autres traitements locaux ont été évalués en association à la PDT avec des résultats négatifs (tazarotène)(12) ou intéressants, mais à confirmer (calcipotriol)(13). Par ailleurs, l’association avec l’imiquimod s’est montrée supérieure à la PDT + placebo dans les CBC récidivants*(14). Son efficacité pour traiter la MB de grande taille a été confirmée par une étude dans laquelle tous les patients bénéficiaires ont eu une réponse complète après une période moyenne de 12,3 mois(15). Pour intensifier la réponse thérapeutique à la PDT, elle peut être précédée d’un traitement physique dans l’objectif d’améliorer la pénétration des photosensibilisateurs et de raccourcir le temps d’incubation. Un prétraitement par laser CO2 fractionné ou par micro-aiguilles permet en effet d’augmenter significativement l’accumulation de PpIX(16). Les lasers ablatifs fractionnés (LAF) semblent les plus efficaces, suivis par le papier de verre, les microaiguilles et le curetage(17). Par comparaison à la PDT-C, la PDT intensifiée par LAF améliore les taux de réponses complètes à 12 mois dans les KA (78,5 %- 84,8 % vs 45 %-51 % selon les études) et la MB (87 %-87,5 % vs 50 %-55,3 %), et à 18 mois dans les CBC (63 %-92,9 % vs 56 %- 75 %)(18). Cette amélioration est obtenue avec des temps d’incubation plus courts (2 h-1,5 h), voire ultracourts (30 min-15 mn)(18). Les résultats à 1 an sont encore meilleurs quand un prétraitement par calcipotriol est réalisé deux semaines avant (18). La PDT intensifiée s’avère également intéressante pour traiter les KA chez les transplantés (+ 25 % de réponses complètes)(19). À noter qu’elle majore à la fois l’efficacité de la PDT-C et les effets secondaires, en particulier la douleur, mais que les complications sont rares et transitoires. Réussir la DL-PDT en vie réelle La DL-PDT est indiquée chez les adultes dans le traitement des KA fines ou non hyperkératosiques et non pigmentées du visage et du cuir chevelu. C’est un traitement de première intention, en alternative à la cryothérapie, dans les lésions multiples répondant à ces critères. Elle peut être utilisée pour traiter les KA de sévérité légère à moyenne. La préparation des lésions à domicile par l’application d’une préparation kératolytique à base d’urée à 30 % ou d’acide salicylique entre 5 % et 15 % est une étape essentielle. Elle doit être réalisée pendant au moins 7 jours et arrêtée la veille de la séance. Son objectif, à savoir l’élimination des croûtes pour une bonne pénétration du MAL, ainsi que ses modalités doivent être bien expliqués au patient. Il en est de même pour le déroulement de la procédure. En plus de la photoprotection de toutes les zones qui vont être exposées à la lumière du jour (SPF ≥ 30 avec filtres chimiques), le protocole de DL-PDT comporte : un curetage doux des lésions en cas de besoin ; l’application du MAL suivie de l’exposition à la lumière du jour, au plus tard dans les 30 minutes pour éviter l’accumulation excessive de PpIX, et pendant 2 heures en continu ; après l’exposition, le nettoyage du surplus de crème et de la zone avec un produit doux sans frotter ; la protection de la zone traitée de la lumière du jour (couvre-chef ou crème solaire avec filtres organiques) dans les 24 heures suivantes pour mettre fin à l’activation du MAL. Une seconde séance est recommandée en cas de réponse incomplète constatée lors de l’évaluation à 3 mois. Il peut être utile de simplifier la prescription et d’adapter le protocole à la typologie du patient. La PDT de demain : nouvelles sources lumineuses, nouvelles indications La diminution de la douleur induite par la PDT-C requiert une optimisation des modalités d’illumination. Cette approche repose sur un rationnel scientifique. On sait qu’une même dose totale de lumière, mais avec une faible irradiance permet de diminuer la douleur avec une efficacité similaire, qu’une forte fluence n’a pas d’effet et diminue la tolérance, et que la chaleur majore la production de PpIX. La DLPDT est aussi efficace que la PDTC tout en étant, sur les KA, peu ou pas douloureuse. C’est un traitement saisonnier et patient-dépendant. Plusieurs solutions sont proposées pour faire de la PDT indoor en reproduisant la lumière du jour extérieure. La SDL-PDT (simulated daylight PDT) peut être réalisée avec un casque à LED (efficace sur les KA et indolore)(20) ou une lumière blanche artificielle (efficacité similaire à la DL-PDT avec une comparabilité totale)(21). Pour répondre à la problématique de l’inhomogénéité de l’illumination liée à l’incohérence de la surface, l’unité INSERM OncoTHAI de Lille a développé un textile lumineux conformable à la complexité de l’anatomie humaine, garantissant ainsi une illumination homogène de l’ensemble des lésions. Ce textile à fibres optiques a une efficacité comparable à celle de la PDT-C pour les KA du cuir chevelu et/ou du front, avec une douleur quasiment nulle(22). Dans la maladie de Paget vulvaire*, il a donné des résultats prometteurs en termes d’efficacité et de minimisation de la douleur(23). Le photorajeunissement du décolleté est une autre de ses indications émergentes*. Efficaces dans les indications de la DL-PDT, ces différentes techniques nécessitent une pièce et un divan dédiés. Elles ont l’avantage d’être simples à mettre en place, rapides, sans rappel du patient. * Indication non validée dans l’AMM du MAL. ** L’AMM du mébutate d’ingénol est actuellement suspendue.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème