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Pathologie vasculaire

Publié le 06 mai 2019Lecture 4 min

Formes trompeuses : quel diagnostic évoquer ?

J. DUBOISa, D. TENNSTEDTb a. Hôpital neuchâtelois, Neuchâtel, Suisse b. Hôpital St. Luc, Bruxelles, Belgique

À quoi pensez-vous ?
• Une cryopathie sévère ?
• Un lupus érythémateux aigu ?
• Une dermatomyosite ?
• Une maladie de Buerger ?
• Une sclérodermie systémique ?
• Un syndrome antiphospholipides ?
• Une pathomimie ?
• Un syndrome de Raynaud avec ulcérations secondaires ?
• Une autre pathologie ?

Artériopathie liée au cannabis En fait, pratiquement tous les diagnostics proposés auraient pu être évoqués ! Madame Z., âgée de 52 ans, est veuve, rentière et vit pendant les mois d’hiver sur la Côte d’Azur alors qu’en été, elle rejoint sa propriété aux abords de Bruxelles ! Elle est suivie, depuis 2 ans environ, par un de ses amis internistes à qui elle confie l’ensemble de ses problèmes de santé. Elle n’est traitée par aucun médicament si ce n’est une benzodiazépine pour s’endormir et un corticostéroïde (méthylprednisolone 16 mg) qu’elle prend en raison d’un diagnostic de sclérodermie systémique « supposée ». Observation À plusieurs reprises, l’interniste consulté avait effectué une mise au point de son problème cutané. En particulier, une sclérodermie systémique était recherchée. Les anticorps antinucléaires, ainsi que les différents autoanticorps classique ment rencontrés dans la sclérodermie ne s’étaient jamais révélés positifs. Les bilans digestif et pulmonaire étaient négatifs. En fait, les plaintes de la patiente étaient essentiellement liées à des phénomènes de Raynaud répétitifs d’abord nettement plus fréquents pendant l’hiver mais, dans un second temps, devenus pratiquement journaliers et s’observant également pendant les mois d’été. Progressivement, un érythème violacé s’était constitué essentiellement au bout des doigts mais également aux orteils. Ultérieurement encore, de petites ulcérations extrêmement douloureuses sont venues compléter le tableau clinique (figures 1 et 2). Figure 1. Artériopathie sévère liée à la consommation de cannabis. Figure 2. Artériopathie sévère liée à la consommation de cannabis (fort grossissement). À noter l’atteinte pulpaire et l’aspect bleuté des pulpes non ulcérées. Un nouveau bilan, réalisé par l’interniste, est à nouveau entièrement négatif : anticorps antinucléaires, recherche d’autoanticorps multiples, cryoglobulinémie, cryofibrinogène, électrophorèse des protéines, anticorps anticardiolipine, etc. Le rhumatologue également consulté reste dubitatif et perplexe. Un traitement d’épreuve par anticalcique (nifédipine) s’avère inefficace. Il est donc abandonné. À bout d’idées, l’interniste envoie la patiente en dermatologie pour avoir un avis complémentaire. L'examen dermatologique L’examen clinique objective effectivement l’existence de lésions violacées de l’ensemble des doigts, ainsi que la pré sence de multiples ulcérations, dont une très importante à l’extrémité de l’index gauche (figures 1 et 2). À l’heure actuelle, des déformations unguéales associées aux ulcérations répétitives et difficilement cicatrisables s’observent. Aux pieds, quel ques discrètes lésions violacées à type de « pseudo-engelures » sont observées (figures 3 et 4). Figure 3. Même patiente : pseudo-engelures aux pieds. Figure 4. Même patiente : pseudo-engelures aux pieds (fort grossissement). À la palpation, les extrémités des mains et des pieds sont froides. À l’examen buccal, il existe une langue dépapillée et sèche. Les pouls radiaux sont palpés mais de façon discrète. L’anamnèse apportera la clé de l’énigme. En un premier temps, la patiente nous explique qu’elle ne fume pas et ne boit pas… Devant notre insistance, elle nous « avoue » fumer non du tabac classique mais bien du cannabis (qu’elle mélange malgré tout à du tabac). Suite à notre demande, elle explique « gênée » qu’en fait elle fume du cannabis à raison de 12 à 15 cigarettes par jour depuis environ 4 ans ! Ses ennuis dermatologiques ont débuté environ 1 an après le début de son addiction. Une tigette urinaire démontre effectivement la présence de cannabis (en fait de tétrahydrocannabinol) dans les urines. Le diagnostic Le diagnostic est donc celui d’une artérite liée au cannabis. La diminution de consommation de cannabis en un premier temps, suivie d’un arrêt total associés à une prise en charge spécifique a permis une disparition complète des lésions en un laps de temps de 5 mois. Seul un traitement par vasodilatateurs (inhibiteur calcique) a été instauré. De discrets phénomènes de Raynaud associés à l’exposition au froid restent cependant présents. L’artérite, liée au cannabis, correspond à une atteinte des artérioles terminales associant des phénomènes de Raynaud, une coloration violacée des extrémités associées à de petites nécroses sèches et parfois humides, des phénomènes de claudication intermittente, voire de thromboangéite oblitérante (maladie de Buerger) ainsi que des ulcérations à l’emporte-pièce. La connaissance des phénomènes dermatologiques ou stomatologiques liés à l’usage du cannabis est primordiale pour le dermatologue (voire le rhumatologue et l’interniste !). Le diagnostic différentiel avec la sclérodermie systémique ainsi qu’avec d’autres artériopathies périphériques est dif ficile sur le plan clinique. L’anamnèse « fouillée » associée à la mise en évidence de cannabis dans les urines peut, dans certains cas, redresser un diagnostic visant à proposer un sevrage de cannabis et donc favoriser une disparition des lésions. La consommation « abusive » de cannabis peut ainsi entraîner de sévères troubles trophiques très proches d’une maladie de Buerger sur le plan clinique et pouvant engendrer des nécroses distales parfois spectaculaires (figures 5, 6 et 7). Figure 5. Autre patient. Artériopathie sévère liée à la consommation de cannabis. Figure 6. Autre patient. Artériopathie sévère liée à la consommation de cannabis. Figure 7. Autre patient. Artériopathie sévère liée à la consommation de cannabis (fort grossissement).

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