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Dermatologie générale

Publié le 24 avr 2019Lecture 6 min

Dermatoscopie : différences entre les dermatoscopes à immersion et ceux à lumière polarisée

Cyrielle MONPEURT et coll.*, Institut d’optique Graduate School Rhône-Alpes, Saint-Etienne

La dermatoscopie est une technique d’imagerie non invasive émergente qui permet de visualiser la peau en profondeur et de diagnostiquer différentes tumeurs comme les mélanomes. Il existe deux types de dermatoscopes : les dermatoscopes standard et les dermatoscopes à lumière polarisée.
Les deux types de dermatoscopes ont des principes différents : le premier se base sur le principe d’immersion, tandis que l’autre se base sur le principe de polarisation croisée. Le premier permet de visualiser les couches superficielles de la peau, alors que le second permet de visualiser les couches plus profondes. Pour cette raison, même si les deux types de dermatoscopes donnent des images assez similaires des lésions, il y a des différences en couleur et en structure entre ces dernières. Par conséquent, les deux types de dermatoscopes sont complémentaires et permettent chacun de mieux diagnostiquer certaines tumeurs. Les dermatologues doivent donc être conscients des différences qui existent entre les deux dermatoscopes afin d’éviter les erreurs de diagnostic.

La dermatoscopie est une technique d’imagerie non invasive qui permet de visualiser in vivo la peau en profondeur. Cette technique est très utilisée pour distinguer les lésions cutanées bénignes et malignes, notamment pour le diagnostic de cancers de la peau comme le mélanome. Le dermatoscope est d’ailleurs appelé « stéthoscope du dermatologue » du fait de son importante utilisation dans le diagnostic des différentes tumeurs. Principe général La lésion est éclairée avec une source de lumière. Quand la lumière interagit avec la peau, elle est non seulement réfléchie par la couche cornée mais aussi absorbée, réfractée et diffusée dans le tissu (figure 1). Ces phénomènes sont influencés par les propriétés physiques de la peau. La lumière incidente sur une peau sèche est en très grande partie réfléchie. L’examen de la peau à l’œil nu ne permet alors de visualiser que la couche superficielle de cette dernière car le reflet de la lumière sur la peau empêche de visualiser les couches plus profondes. Le dermatoscope permet non seulement de supprimer les reflets de la lumière sur la peau et de visualiser ainsi la peau en profondeur, mais aussi de voir cette dernière avec un plus fort grossissement. Il existe 2 types de dermatoscopes : les dermatoscopes standard à lumière non polarisée et les dermatoscopes à lumière polarisée. Figure 1. Principes de réflexion, de réfraction, d’absorption et de diffusion. Principe du dermatoscope à la lumière non polarisée Le dermatoscope à lumière non polarisée est constitué d’un système d’éclairage (lampes halogènes ou Diodes Électro-Luminescentes [DEL]) et d’une lentille achromatique qui permet un grossissement x 10 (de plus grands grossissements peuvent être atteints avec des lentilles spéciales). Ce dermatoscope doit être en contact direct avec la peau. De l’huile d’immersion, avec un indice de réfraction proche de celui de la peau, est appliquée sur la lésion ce qui permet de minimiser la quantité d’air entre le dermatoscope et la lésion et ainsi de minimiser la quantité de lumière réfléchie par la couche cornée (figure 2). Le fait de réduire la quantité de lumière réfléchie et ainsi d’augmenter celle de lumière pénétrant dans le tissu, permet de révéler les structures plus en profondeur. La couche cornée apparaît alors plus translucide. Figure 2. Principe du dermatoscope à lumière non polarisée. De l’huile d’immersion est appliquée sur la lésion afin de rendre la couche cornée plus translucide et de visualiser ainsi la peau en profondeur. Principe du dermatoscope à lumière polarisée Le dermatoscope à lumière polarisée est également composé d’un système d’éclairage et d’une lentille achromatique. Ce dermatoscope ne doit pas forcément être en contact avec la peau. Pour réduire la quantité de lumière réfléchie par la couche cornée, le principe de polarisation croisée est utilisé. Comme pour les dermatoscopes à lumière non polarisée, la lumière délivrée par le système d’éclairage est non polarisée. Cela signifie que l’orientation du champ électrique des différents photons qui composent la lumière est complètement aléatoire d’un photon à l’autre. Un polariseur (filtre) est placé devant la source de lumière. Celui-ci ne laisse passer que les photons dont l’orientation de champ électrique est la même que celle de l’axe du polariseur : la lumière devient polarisée car tous les champs électriques des différents photons ont la même orientation. Cette lumière polarisée atteint la couche cornée ; une partie de la lumière est réfléchie tandis que l’autre pénètre dans la peau et est ensuite réfractée. La lumière réfléchie garde le même sens de polarisation, alors que la lumière qui pénètre profondément dans la peau n’est plus polarisée du fait des multiples réfractions subies dans la peau. Un second polariseur dont l’axe est perpendiculaire à celui du premier est placé entre la peau et la lentille. Celui-ci ne laisse donc pas passer la lumière réfléchie à cause de l’orientation de son axe et seule la lumière rétrodiffusée (diffusée hors de la peau) peut atteindre le détecteur (figure 3). Figure 3. Principe du dermatoscope à lumière polarisée. Deux polariseurs sont positionnés perpendiculairement. Seulement la lumière rétrodiffusée par la peau peut passer à travers le second polariseur ce qui permet de visualiser les couches profondes de la peau. Les dermatoscopes à lumière polarisée réduisent davantage la quantité de lumière réfléchie par la couche cornée que les dermatoscopes standard. Ils permettent donc de mieux visualiser les couches profondes de la peau. Cependant, ils sont moins efficaces que les dermatoscopes standard pour visualiser les couches plus superficielles, car ils éliminent complètement la lumière diffusée. Les dermatoscopes à lumière polarisée ne doivent pas forcément être en contact avec la peau, ce qui réduit le risque d’infection nosocomiale(1). Néanmoins, le fait d’utiliser de l’huile d’immersion et de toucher la peau avec le dermatoscope à lumière polarisée rend l’image plus nette. Les deux types de dermatoscopes donnent des images similaires(2) mais montrent des caractéristiques différentes au sein de la même lésion. Bien que la majorité de la littérature se base depuis des dizaines d’années sur des images prises avec des dermatoscopes standard, l’utilisation des dermatoscopes à lumière polarisée devient de plus en plus populaire parmi les dermatologues. L’avantage principal du dermatoscope à lumière polarisée est de pouvoir l’utiliser sans contact avec un examen plus rapide. Pour éviter des diagnostics erronés des lésions, il faut avoir conscience des différences de couleurs et de structures qui existent entre les images prises avec un dermatoscope standard et celles prises avec un dermatoscope à lumière polarisée. Différences en couleur Marghoob et coll.(3) indiquent que les couleurs étaient plus nettes et moins déformées avec un dermatoscope standard qu’avec un dermatoscope à lumière polarisée. BenvenutoAndrade et coll.(4) trouvent que les couleurs marron et bleue apparaissaient plus sombres avec un dermatoscope à lumière polarisée. De plus, les nævus bleus présentaient davantage de nuances de bleu et apparaissaient plus sombres avec un dermatoscope à lumière polarisée qu’avec un dermatoscope standard(4). Par ailleurs, les régions rouges sont mieux vues avec un dermatoscope à lumière polarisée, ce qui s’explique par la visualisation de structures plus profondes(5,6). Les structures blanches brillantes (shiny-white streak-like structures) ne peuvent être observées qu’avec un dermatoscope à lumière polarisée(7) (figure 4). Figure 4. Images dermatoscopiques d’un mélanome (vidéodermatoscope Horus, Erice, Italie) : l’image de gauche en lumière non polarisée montre des squames superficielles de la couche cornée (flèches roses) et ne montre pas de structure blanche brillante à la différence de l’image de droite en lumière polarisée (flèches jaunes). Différences en structure Les structures superficielles comme les kystes de type milia sont plus visibles avec des dermatoscopes standard (figure 5) qu’avec des dermatoscopes à lumière polarisée, suggérant que les dermatoscopes standard sont plus utiles pour l’identification des kératoses séborrhéiques(6,8). Par ailleurs, ils permettent également de mieux visualiser les points gris (peppering), ce qui est souvent un signe de régression dans les lésions pigmentées et qui correspond à des mélanophages riches en pigments dans le derme superficiel. D’un autre côté, les dermatoscopes à lumière polarisée permettent de mieux visualiser les motifs vasculaires et la distribution des pigments(5,6), ce qui peut être très utile pour le diagnostic de certaines tumeurs de la peau comme les carcinomes basocellulaires et les tumeurs mélanocytaires. Figure 5. Image dermatoscopique (vidéodermatoscope Horus, Erice, Italie) d’une kératose séborrhéique en lumière non polarisée qui montre des milia (flèches rouges). En conclusion, les dermatoscopes standard et les dermatoscopes à lumière polarisée donnent des images similaires des lésions. Néanmoins, quelques différences existent entre les images et ces différences fournissent des informations complémentaires. Les dermatoscopes standard permettent la visualisation des structures localisées dans les couches supérieures de la peau (épiderme et derme superficiel), avec une atténuation des couches plus profondes. Les dermatoscopes à lumière polarisée permettent, quant à eux, la visualisation des couches plus profondes (derme moyen et profond). Les dermatologues doivent être conscients des différences qui existent entre les images données par les deux dermatoscopes afin d’éviter les erreurs de diagnostic.

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