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Acné

Publié le 06 avr 2016Lecture 10 min

Traitement de l’acné en cours de grossesse

E. ELEFANT, C. VAUZELLE, D. BEGHIN, Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) Groupe Hospitalier Universitaire Est parisien, Pôle Périnatalité Hôpital Trousseau, Paris

L’impact psychosocial de l’acné est bien connu, et ne peut qu’éventuellement s’accentuer pendant la période périnatale au cours de laquelle des modifications psychologiques peuvent survenir (post-partum blues, dépression…). Faute d’inclusion des femmes enceintes dans les essais cliniques des thérapeutiques de l’acné, l’évaluation de l’arsenal actuellement disponible repose beaucoup sur le recueil d’expositions fortuites en cours de grossesse et sur le recul d’expérience de la pratique clinique, ainsi que sur les données précliniques (exposition d’animaux gestants) et les propriétés pharmacologiques des différents traitements disponibles.

L'acné est une pathologie inflammatoire chronique de la peau caractérisée par la présence de comédons et de papules inflammatoires, de pustules et de nodules affectant les parties du corps riches en glandes sébacées. Il s’agit d’une pathologie de l’unité pilosébacée qui provoque une séborrhée, une hyperkératinisation, une colonisation folliculaire par Propionibacterium acnes et l’apparition de modulateurs de l’immunité entraînant une inflammation locale. Cette pathologie répandue n’affecte pas seulement les adolescents puisqu’environ 54 % des femmes et 40 % des hommes de plus de 25 ans en sont atteints(1). En conséquence, un nombre non négligeable de femmes enceintes est susceptible de souffrir de cette affection dermatologique en cours de grossesse, ce d’autant que l’augmentation des androgènes pendant cette période aggrave potentiellement l’acné préexistante. L’évaluation et la hiérarchisation des traitements utilisés dans l’acné en cours de grossesse prendra bien sûr en compte le profil de sécurité de chaque thérapeutique, mais aussi les bénéfices attendus de chacune d’elles, de manière à offrir aux femmes enceintes des options à la fois efficaces et sûres. D’une façon générale, la stratégie thérapeutique en cours de grossesse commence par s’appuyer sur celle qui est appliquée à tous les patients, indépendamment de l’état de grossesse. Dans un deuxième temps, les risques potentiels pour l’embryon ou le fœtus expliqueront la mise à l’écart de certaines thérapeutiques spécifiquement pendant la grossesse. Nous aborderons ici l’impact des différentes classes pharmacothérapeutiques utilisées dans le traitement de l’acné chez la femme enceinte, et nous conclurons par un récapitulatif en fonction de la voie d’administration choisie : locale ou systémique.   Antibactériens   En ce qui concerne les antibiotiques, que ce soit par voie locale ou par voie générale, ceux qui sont utilisés dans l’acné posent peu de problèmes au cours de la grossesse, en dehors des cyclines aux 2e et 3e trimestres. Par voie générale, l’antibiothérapie classique s’appuie sur l’érythromycine qui est le macrolide bactériostatique le plus ancien, et figure comme référence en raison de la longue expérience dont il est l’objet en cours de grossesse. Cependant, en raison de sa mauvaise tolérance digestive, on peut tout à fait lui substituer d’autres macrolides plus récents comme l’azithromycine en particulier, à tout moment en cours de grossesse(2). • En ce qui concerne l’érythromycine par voie locale, les données sont d’autant plus rassurantes que son passage transcutané est très faible. En effet, l’application d’érythromycine sur la peau entraîne un passage de moins de 0,3 % du principe actif dans la circulation systémique, l’application de 800 mg sur la peau correspondant à environ 5 mg administrés per os(3). Les données sur les cyclines (doxycycline, etc.) n’ont pas évolué de façon sensible depuis la mise en évidence d’une coloration en jaune brun des dents de lait chez les enfants de mère exposée au 3e trimestre de leur grossesse. Ceci explique la mise à l’écart de cette classe d’antibiotiques en cours de grossesse, même si une exposition fortuite dans les premières semaines post-conceptionnelles n’entraîne pas de risque malformatif particulier(4,5). • En ce qui concerne la clindamycine, bactéricide prescrit par voie cutanée le plus souvent dans l’acné et qui, comme l’érythromycine, dispose d’effets anti-inflammatoires, les effectifs de femmes enceintes traitées par voie générale sont suffisamment nombreux pour considérer cet antibiotique comme utilisable en cours de grossesse(6). Dans sa présentation locale, son passage systémique est très faible (indétectable ou de l’ordre de 1,7 %)(7,8). Dans ces conditions, l’utilisation, même prolongée, de clindamycine par voie cutanée (mais pour une durée inférieure à 6 semaines pour éviter une antibio-résistance), est tout à fait envisageable quel que soit le terme de la grossesse. • Enfin, le peroxyde de benzoyle, antibactérien, comédolytique et anti-inflammatoire disponible uniquement sous forme locale, est métabolisé dans les couches inférieures de la peau en acide benzoïque qui est largement utilisé comme additif alimentaire. Le passage systémique de l’acide benzoïque lors de l’utilisation de peroxyde de benzoyle par voie locale est faible(9,10). Il n’existe pas à ce jour de publication relatant ses effets en cours de grossesse, mais son usage est très répandu de par le monde et aucun effet particulier n’a été noté à ce jour.   Rétinoïdes   Rétinoïdes oraux   L’isotrétinoïne, rétinoïde dérivé du rétinol (vitamine A), est présent à l’état physiologique dans l’organisme en très faible quantité. Après une administration per os, la demivie d’élimination plasmatique est de 19 heures pour le principe actif et de 29 heures pour son métabolite actif (4-oxo-isotrétinoïne). Depuis sa commercialisation aux États-Unis puis en Europe dans les années 1980, une centaine d’enfants ou de fœtus malformés ont été rapportés dans la littérature suite à une exposition par mégarde à l’isotrétinoïne par voie orale en début de grossesse. L’effet tératogène de cette molécule est particulièrement important (environ 23 %) et provoque un tableau polymalformatif sévère très caractéristique : atteintes des pavillons de l’oreille et des conduits auditifs exter nes, cardiopathies congénitales, atteintes du système nerveux central et atteintes thymiques(11) (figure).   Figure. Un cas de suspicion de malformation induite par l’isotrétinoïne chez un bébé dont la mère a interrompu le traitement un mois avant le début de sa grossesse. D’après(12).   Malgré des mesures de prescription et de délivrance très contraignantes, des grossesses surviennent encore sous traitement (environ 0,6 grossesse pour 1 000 femmes en âge de procréer)(12). Il faudra retenir de ces mesures, que la contraception efficace requise pour la mise sous isotrétinoïne per os, doit être poursuivie pendant 1 mois après l’arrêt du traitement, afin de permettre l’élimination plasmatique du principe actif et de son métabolite avant une conception. Une conception est possible au-delà de ce délai.   Rétinoïdes locaux   • Les données sont bien différentes avec l’isotrétinoïne par voie cutanée. En effet, dans ces condi tions d’administration, l’isotrétinoïne n’est pas tératogène chez l’animal. De plus, la pharmacocinétique des gels d’isotrétinoïne permet de considérer que son passage transcutané est négligeable, que ce soit dans les préparations à 0,05 %(13) ou à 0,1 %(14). Dans le premier cas de figure (0,05 %), le produit est indétectable dans le plasma après une application sur une surface de peau acnéique de 1 900 cm2. Dans l’autre cas, un gel à 0,1 % appliqué sur 2 300 cm2 pendant 42 jours entraîne une légère modification des aires sous courbe de l’isotrétinoïne et de son métabolite, mais dans des proportions qui restent inférieures à celles d’une prise orale de 50 000 UI/j de rétinol. En conséquence, l’application cutanée de gels d’isotrétinoïne à différents dosages n’est pas susceptible d’augmenter les taux endogènes de rétinoïdes circulants dans une fourchette proche de celle de la prise orale du même principe actif. Ces résultats permettent donc de considérer, par une approche pharmacologique, que les risques inhérents aux gels d’isotrétinoïne en cours de grossesse sont a priori bien différents de ceux de l’isotrétinoïne par voie orale. • Pour l’adapalène, la pharmacocinétique est similaire, le pro duit étant indétectable dans le compartiment plasmatique de sujets acnéiques traités pendant 90 jours(15-17). De plus, malgré la présence d’anomalies mineures, une absence d’effet tératogène est observée après application cutanée en cours de gestation sur différentes espèces à des niveaux d’exposition allant jusqu’à 150 fois la dose humaine thérapeutique(15). • Enfin, la trétinoïne peut passer dans le sang après application cutanée chez l’homme, mais les taux restent dans les limites de la physiologie(18,19). Ici aussi, les tests expérimentaux n’identifient que des variants squelettiques mineurs chez les fœtus exposés in uteroà la trétinoïne par voie locale(20). Le recul clinique avec ces 3 rétinoïdes locaux en cours de grossesse est assez conséquent, avec plus de 730 femmes exposées au 1ertrimestre à ce jour, sans aucune augmentation du risque de malformation comparativement aux groupes de comparaison(21,22). Ceci permet de rassurer des patientes qui découvrent une grossesse exposée de façon inopinée à un rétinoïde local, en particulier au 1er trimestre. Pour la suite de la grossesse, le maintien d’un rétinoïde local est envisageable en cas d’échec des autres traitements, de préférence après la fin du 1er trimestre, si la surface à traiter est de taille réduite et si la formulation du rétinoïde en limite le passage cutané.   Acide azélaïque   L’acide azélaïque dispose de propriétés kératolytiques et bactéricides par inhibition de la synthèse protéique de germes aérobies et anaérobies, spécialement P. acnes et S. epidermidis(23). Le passage systémique de l’acide azélaïque lors d’une utilisation par voie locale est faible (4 % pour la crème et 8 % pour le gel)(24) et ne modifie pas les concentrations physiologiques d’acide azélaïque endogène ou provenant de l’alimentation(18). On ne dispose d’aucune donnée publiée concernant l’utilisation de l’acide azélaïque en cours de grossesse ; cependant, aucun effet néfaste n’a été rapporté à ce jour chez les enfants de mère exposée pendant leur grossesse.   Gluconate de zinc   Le gluconate de zinc a plusieurs indications : l’acné et l’acrodermatite entéropathique. Àce jour, malgré une prescription dont on peut penser qu’elle est relativement courante, il n’existe aucune publication sur son utilisation et ses conséquences au cours du 1er trimestre de la grossesse. En revanche, chez des femmes à risque de déficit nutritionnel ou non, l’administration d’une supplémentation en zinc pendant la grossesse à des posologies s’élevant jusqu’à 45 mg/j, ne met en évidence aucun effet fœtotoxique de ce minéral administré aux 2e et/ou 3e trimestres de la grossesse(25). En pratique, si la prescription de sels de zinc est indispensable aux patientes souffrant d’acrodermatite entéropathique, leur carence en zinc pouvant compromettre le pronostic de leur grossesse, cette prescription ne sera envisagée, dans le cas de l’acné, qu’après le 1er trimestre de la grossesse, faute de donnée. Une exposition fortuite ne justifie cependant aucune inquiétude.

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