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Psycho-social

Publié le 20 jan 2016Lecture 6 min

Comment aborder un adolescent acnéique

O. REVOL, N. MILLIEZ, Service de neuro-psychopathologie de l’enfant, Hôpital neurologique, Lyon

L’acné, pour banale qu’elle soit, survient à un moment, l’adolescence, où s’opèrent de profondes transformations physiques, intellectuelles et affectives de l’individu. Pour comprendre son impact sur la psyché des adolescents vus en consultation dermatologique, il faut avoir assimilé les nouveaux codes auxquels obéit cette génération née à l’aube du XXIe siècle.

Tout au long de la vie, la peau assure deux fonctions essentielles de contention et d’échange, contention du corps dont elle suit les transformations, contention des émotions qu’elle laisse aussi involontairement transparaître, en rougissant ou en pâlissant par exemple. Le contact avec la peau accompagne les tout premiers échanges avec l’autre dès la naissance. À l’adolescence, la peau perd ses caractéristiques infantiles ; les premières manifestations acnéiques marquent l’entrée dans une période de transformations corporelles sous l’effet des modifications hormonales, vécue avec anxiété par certains, bien que l’impact sur les troubles de l’humeur ne soit pas directement corrélé avec la sévérité des manifestations cutanées. L’adolescence est une période de crise pendant laquelle le futur adulte, désireux de gagner son autonomie, réagit en manifestant opposition ou provocation, autant de stratégies visant à apaiser ses tensions. Les préoccupations excessives concernant son apparence comme le recours aux comportements addictifs participent de cette recherche d’équilibre. Les marquages cutanés, tels que les tatouages et piercings expriment sans doute une recherche d’identification à des adultes autres que les modèles parentaux ou à un groupe.   L’éclairage des mutations sociologiques   Bien que le regard sociologique ne puisse pas expliquer tous les comportements individuels au sein d’une même génération, la connaissance des traits communs d’une génération peut faciliter la prise en charge des maladies de l’adolescence, notamment de l’acné. Les adolescents d’aujourd’hui, de la génération Y ou « You » ou « Why », ont grandi dans un environnement narcissique, hypersexualisé, surexposé à l’alcool, au tabac et aux drogues dures, violent et surmédiatisé. Leurs comportements se heurtent à l’incompréhension des adultes, tant dans leur façon de boire, que de gérer leurs rapports amoureux ou de profiter de l’instant présent. Si ces comportements leur donnent le sentiment de gagner en autonomie vis-à-vis des adultes, ce n’est qu’une illusion. Ayant une parfaite maîtrise des technologies de la communication, ils savent trouver l’information ailleurs que dans le discours des adultes, professeurs, parents ou médecins. Aussi, n’accordent-ils pas d’emblée leur confiance à ces derniers. La légitimité du spécialiste doit être acquise. L’adolescent moderne a grandi dans l’illusion qu’il peut tout contrôler. Il ne connaît ni l’ennui, ni la tristesse. Mais les transformations physiques et sexuelles de l’adolescence, cette métamorphose qu’il ne peut contrôler, le laissent désemparé. Faute de pouvoir stopper cet orage hormonal, il cherche à se réapproprier un domaine exposé au regard de l’autre, la peau, et plus globalement l’apparence.   Comprendre les nouveaux codes pour aborder l’adolescent   Il est probable que les nouveaux comportements des adolescents d’aujourd’hui doivent être intégrés par le dermatologue dans sa prise en charge de l’acné. Le mode de vie des adolescents a changé. Ils s’endorment plus tard : la sécrétion de mélatonine est décalée sous l’effet de la luminosité des écrans et de la poussée hormonale. Le manque de sommeil majore la fatigue physique et le stress, ce qui retentit sans doute sur l’état de la peau. Les jeunes filles acnéiques sont souvent maquillées à l’instar des adultes, et ce malgré l’avis des médecins. Le régime alimentaire est souvent anarchique, volontiers hyperprotéiné, ce qui pourrait avoir un impact sur la sécrétion séborrhéique. Enfin, les adolescents d’aujourd’hui attendent des résultats rapides et ne veulent pas perdre du temps avec des soins longs et répétitifs.   Adapter la consultation   L’adolescent s’attend à être considéré comme un patient à part entière, parfaitement légitime dans sa demande de soins, méritant un discours honnête de la part du médecin. Il est donc préférable de le voir seul, sans ses parents, en l’assurant du secret de la consultation et sans être complice des parents. Mieux vaut aborder ses problèmes par la « périphérie », parler à « bâtons rompus », s’intéresser à ses loisirs. Une attitude bienveillante est souhaitable, mais en contrôlant la distance. Le discours ne doit ni utiliser le jargon de l’adolescent ni être trop scientifique. Il ne faudra pas se formaliser des variations d’humeur de cette jeune personne. Autres conseils : respecter ses engagements et proposer des contrats à court terme. Ces quelques conseils permettent de lier plus facilement une alliance thérapeutique avec l’adolescent. Le dermatologue doit aussi être à même de déceler des troubles anxieux ou dépressifs, souvent masqués derrière l’opposition et l’agressivité, et qui incitent à la prudence quant à l’utilisation des traitements à base d’isotrétinoïne. Des outils simples et de passation rapide, comme l’échelle de dépression et d’anxiété de Hamilton, sont particulièrement pertinents pour suivre l’évolution affective de l’adolescent sous traitement. Inscrire la consultation pour acné chez un adolescent dans une démarche « adulte » en proposant un contrat « gagnant-gagnant », permet d’adapter la prise en charge à la nouvelle génération d’adolescents.   Pour en savoir plus • Revol O. J’ai un ado mais je me soigne. JC Lattès, 2010 ; 260 p. • Timms RM. Moderate acne as a potential barrier to social relationships: myth or reality? Psychol Health Med 2013 ; 18 : 310-20. • Revol O. L’adolescence, nouveaux repères pour le pédiatre. Réalités Pédiatriques 2009. • Picardi A et al. Suicide risk in skin disorders. Clin Dermatol 2013 ; 31 : 47-56. • Misery L. Consequences of psychological distress in adolescents with acne. J Invest Dermatol 2012 ; 131 : 290-2. • Misery L. Isotretinoin and adolescent depression. Ann Dermatol Venereol 2012 ; 139 : 118-23. • Pommereau X. Ado à fleur de peau. Éd. Albin Michel, 2006 ; 265 p. • Wolverton SE, Harper JC. Important controversies associated with isotretinoin therapy for acne. Am J Clin Dermatol 2013 ; 14 : 71-6. • Revol O. L’attachement à l’adolescence. In L’Attachement, Solal 2009 ; 171-5. • Zaara I et al. Severity of acne and its impact on quality of life. Skinmed 2013 ; 11 : 148-53. • Mooney T. Preventing psychological distress in patients with acne. Nurs Stand 2014 ; 28 : 42-8. • Gupta MA et al. Increased frequency of ADHD in acne versus dermatologic controls. J Dermatolog Treat 2014 ; 25 : 115-8.

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