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Thérapeutique

Publié le 30 sep 2015Lecture 11 min

Psoriasis : perspectives thérapeutiques

L. MEUNIER, CHRU Carémeau, Nîmes

À côté des biothérapies « classiques », d’autres molécules ont fait récemment l’objet d’études prospectives ; certaines d’entre elles permettent d’entrevoir de nouvelles perspectives.

Les cytokines   L’IL-17 Il existe dans le psoriasis des interactions anormales entre cellules dendritiques dermiques et lymphocytes T aboutissant à une production excessive de certaines cytokines contrôlant étroitement la prolifération et la différenciation épidermiques. L’IL-17 (IL-17A) est une cytokine clé qui stimule la production d’autres cytokines, de chemokines et de médiateurs proinflammatoires associant ainsi les effets de l’immunité innée à ceux de l’immunité adaptative pour entretenir l’inflammation cutanée chronique du psoriasis(1). Elle appartient à une famille composée de 6 membres (IL-17A à F) susceptibles de se lier à 5 types de récepteurs (IL-17RA à IL-17RE) et peut être produite dans les plaques de psoriasis par les lymphocytes Th17 et les polynucléaires neutrophiles(2). Cette production est sous le contrôle étroit de l’IL-23 dont la production est augmentée dans l’épiderme psoriasique. Les anticorps susceptibles de bloquer l’IL-17 sont de deux types : ceux se liant directement à la cytokine (ixékizumab et sécukinumab) et ceux se liant aux récepteurs (brodalumab).   • Le sécukinumab Deux études de phase 3 en double aveugle contre placebo ont confirmé l’efficacité du sécukinumab qui est un autre anticorps anti-IL17(6). Les résultats ont porté sur 1 306 malades (étude FIXTURE) et 738 malades (étude ERASURE). Les injections SC ont été pratiquées 1 fois par semaine pendant 5 semaines puis toutes les 4 semaines. À 12 semaines, le sécukinumab était plus efficace que le placebo dans les 2 études et plus efficace que l’étanercept dans l’étude FIXTURE. Les effets secondaires étaient comparables à ceux de l’étanercept et les réponses se maintenaient jusqu’à la 52e semaine. La dose de 300 mg semblait plus efficace que celle de 150 mg. Les effets secondaires à long terme devront être évalués, en particulier les risques infectieux (candidose) et hématologiques (neutropénie). La présence d’anticorps a été détectée chez peu de malades (0,3 à 0,4 %) et n’était pas associée à une moins bonne réponse au traitement. Une autre étude a montré que le sécukinumab pouvait être administré avec des seringues préremplies à l’aide d’un autoinjecteur(7).   • L’ixékizumab C et anticorps monoclonal humanisé agit rapidement ; après 2 semaines de traitement, il existe une réduction significative de la prolifération kératinocytaire, de l’hyperplasie épidermique et de l’infiltrat T épidermique et dermique. À 6 semaines, la peau est redevenue quasi normale. Si cette réponse précoce n’est pas obtenue, il ne semble pas nécessaire de poursuivre le traitement. Les résultats d’une étude prospective multicentrique randomisée contre placebo portant sur 142 malades, traités par voie sous-cutanée (SC) toutes les 4 semaines à différentes doses, ont montré qu’à la 12e semaine 80 % des malades avaient atteint le PASI75 (avec des doses de 75 ou 150 mg)(3). L’analyse complémentaire des données provenant de cette étude montre qu’une amélioration rapide sous ixékizumab permet d’espérer une bonne réponse thérapeutique à long terme(4). En effet, une dimi nution du PASI de 40 à 50 % entre la 4e et la 6e semaine de traitement est, dans la plupart des cas, associée à une réduction de 75 % du PASI à la 12e semaine. En pratique, ces résultats laissent à penser que s’il n’y a pas de réponse rapide à cet anti-IL-17, il est préférable d’arrêter le traitement. L’IL-17 stimule des gènes impliqués dans la réponse inflam- matoire dont certains sont également associés à une augmentation du risque cardiovasculaire (IL-8, CXCL1, CXCL5, IL1αβ). L’ixékizumab diminue l’expression de ces gènes dans le sang des malades atteints de psoriasis(5).   • Le brodalumab Cet anticorps monoclonal est dirigé contre le récepteur A de l’IL-17 (IL-17RA) qui bloque l’action des IL-17 A, F et C ainsi que celle de l’IL-25. Il a ainsi une action plus large que celle des autres anti-IL17 et pourrait avoir une plus grande efficacité car il existe dans la peau psoriasique une augmentation des IL-17 A, C et F. Son efficacité a déjà été évaluée dans une étude publiée en 2012(8) où 198 malades ont été randomisés contre placebo. Dans le groupe traité par l’anti-IL-17, le brodalumab était administré par voie SC à différentes posologies (70, 140, 210 mg) toutes les 2 semaines ou tous les mois (280 mg) pendant 10 semaines. Après 12 semaines de traitement, l’amélioration était significative avec les doses de 140, 210 et 280 mg, la plus marquée étant observée avec 210 mg (82 % des malades atteignaient le PASI75). Il existait une amélioration précoce (dès la 2e semaine) des scores PSI (Psoriasis Skin Inventory) et DLQI (dès la 4e semaine)(9,10). Les effets du brodalimumab sont rapides et l’analyse du transcriptome kératinocytaire en peau lésée après 15 jours de traitement montre que celui-ci est voisin de celui observé dans la peau saine ; la normalisation des gènes codant pour l’IL-17 dans les lymphocytes est plus tardive (6 semaines)(11). Le traitement a été bien toléré, mais on manque encore de recul pour apprécier les effets secondaires éventuels, notamment infectieux.   L’IL-22 L’IL-22 est produite par les cellules T activées (Th1, Th17, Th22, cellules lymphoïdes innées) et est fortement exprimée dans la peau psoriasique. Son taux sanguin serait corrélé à l’activité de la maladie. Le blocage de son récepteur (IL-22R1) pourrait être une nouvelle cible thérapeutique, ce d’autant qu’il aboutirait également à une inhibition des IL-20 et IL-24 dont la production est également accrue au cours du psoriasis. Il existe de bons arguments expérimentaux pour proposer son utilisation dans le psoriasis(12).   L’IL-23 L’IL-23 est augmentée dans l’épiderme psoriasique et cette cytokine joue un rôle important dans la régulation des lymphocytes Th17.   • Une étude randomisée en double aveugle contre placebo a évalué l’intérêt d’un anticorps monoclonal anti-IL23, guselkumab, dans le traitement du psoriasis modéré à sévère(13). L’étude a porté sur 24 malades qui ont reçu une dose unique en sous-cutané (10, 30, 100 ou 300 mg). À la 12e semaine, 100 % des malades (dose à 300 mg) et 60 % (doses de 30 et 100 mg) ont vu leur PASI amélioré de 75 %, l’amélioration s’étant maintenue jusqu’à la 24e semaine après l’injection. Cette étude, portant sur un faible nombre de malades, souligne l’importance et l’intérêt thérapeutique de la voie IL-23/Th17 au cours du psoriasis.   • Les effets de l’ustekinumab reposent en grande partie sur le blocage de l’IL-23 et l’utilisation d’anticorps dirigés spécifiquement contre la sous-unité p19 de cette cytokine pourrait permettre un traitement plus sélectif et le maintien d’une réponse Th1 satisfaisante avec de meilleures défenses anti-infectieuses(14).   L’IL-19 L’action de l’IL-17 sur les kératinocytes peut être modulée par d’autres cytokines. Il en est ainsi de l’IL-19 dont le principal effet serait d’amplifier les effets de l’IL-17(15). L’IL-19, produite par les kératinocytes, est élevée dans le sérum et dans la peau des malades atteints de psoriasis. Son taux serait corrélé à la sévérité du psoriasis et cette cytokine pourrait être un marqueur biologique du psoriasis. L’analyse des données bioinformatiques et du transcriptome après traitement par anticorps anticytokines devrait permettre de mettre en évidence les gènes fonctionnant en réseau dans les interactions biologiques conduisant au psoriasis, et d’identifier ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques(16).   Les autres traitements    Inhibiteurs de JAK La voie Janus kinase intervient dans la signalisation de plusieurs cytokines participant à la physiopathologie du psoriasis, dont l’IL-22 et l’IL-23. Les inhibiteurs de la voie Janus kinase (JAK) ont été utilisés par voie orale ou topique avec des résultats encourageants. Des essais sont en cours pour préciser l’intérêt de ces molécules dans le traitement du psoriasis(17).   Le ponésimod Cet antagoniste sélectif du récepteur de type 1 à la sphingosine1-phosphate est un sphingolipide intervenant dans la signalisation cellulaire. Cette petite molécule, dont la demi-vie est brève, provoque l’internalisation du récepteur présent sur la mem brane des lymphocytes. Cette action rend les lymphocytes insensibles à la sphingosine et entraîne ainsi une séquestration de ces cellules dans les ganglions. Un essai prospectif de phase 2, multicentrique et randomisé contre placebo, a eu pour objectif d’évaluer le ponésimod dans le traitement du psoriasis(18). Cette étude a porté sur 326 malades dont le PASI était supérieur à 10 et la molécule a été administrée par voie orale (20 ou 40 mg/24 h). Parmi les malades traités par des doses quotidiennes de 20 mg, 46 % atteignaient le PASI 75 à la 16e semaine. Ce pourcentage était proche de celui constaté chez les malades traités par des doses de 40 mg (48,1 %). Il existait dans le groupe placebo une réponse assez importante (13,4 %). L’efficacité thérapeutique (PASI 75) se maintenait chez les répondeurs jusqu’à la 28e semaine (71,4 % à 20 mg et 77 % à 40 mg). La toxicité cardiaque potentielle de cet immunomodulateur nécessite une surveillance étroite en début de traitement. La place du ponésimod reste à préciser et des études complémentaires sont nécessaires pour préciser la dose minimale efficace et les effets secondaires à long terme compte tenu des comorbidités associées au psoriasis.   Les anticorps anti-CD6 Ils se lient à un récepteur des cellules T et inhibent leur prolifération et leur production de cytokines. Un essai randomisé multicentrique avec un anticorps humanisé (itolizumab) contre placebo a été effectué chez 225 malades atteints de psoriasis en plaques modérés à sévères(19). Les résultats à 12 semaines étaient supérieurs au placebo en termes de PASI 75. À la 28e semaine, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes. Le traitement a été bien toléré sans effet secondaire notable.   Perspectives liées à la recherche   Les cellules lymphoïdes innées comme cible Ces cellules (ILC pour innate lymphoid cells) forment une famille d’effecteurs de la réponse innée, sensibles aux modifications de l’environnement cellulaire et dépourvus de récepteurs spécifiques aux antigènes. Les ILC de type 3 expriment le facteur de transcription RORγt et le récepteur de l’IL-23, ce qui leur confère la capacité de sécréter de l’IL-17 et de l’IL-22, au même titre que les cellules Th17. Elles sont augmentées dans le sang et la peau des malades atteints de psoriasis où elles représentent une source non négligeable d’IL-17 et d’IL-22(20,21) ; moduler leur fonction pourrait être une nouvelle alternative thérapeutique.   CISK comme cible La protéine CIKS/Act1 (CIKS pour connection to IkB kinase and SAPK/JNK) joue un rôle très important dans la transduction du signal faisant suite à la liaison de l’IL-17 à son récepteur. Des travaux récents, effectués à partir du modèle murin de psoriasis induit par l’imiquimod, ont montré que cette voie de signalisation joue un rôle clé dans les fibroblastes dermiques (où l’activation de la voie IL-17 est en grande partie responsable de l’augmentation du nombre de lymphocytes Tγδ producteurs d’IL-17) et dans les kératinocytes (où elle intervient dans la formation des micro-abcès à polynucléaires et dans les anomalies de la prolifération et de la différenciation épidermique)(22). Si ces données sont applicables à l’homme, les peptides CIKS pourraient alors constituer une nouvelle cible thérapeutique plus spécifique du psoriasis.   Inhibition de l’inflammation neurogénique Il existe des liens étroits entre les neurones périphériques et les cellules dendritiques (DC) dermiques. Des travaux récents les illustrent et mettent en évidence le rôle de l’inflammation neurogénique au cours du psoriasis(23). En effet, des récepteurs situés sur les terminaisons nerveuses dermiques superficielles pourraient stimuler la production d’IL-23 par les DC avoisinantes et donc l’activation des cellules T produisant de l’IL-17 et de l’IL-22. L’inhibition de ces récepteurs neuronaux pourraient permettre de réduire la migration des PNN et des monocytes et ainsi de diminuer l’inflammation psoriasique.   Inhibition des micro-ARN Des études effectuées sur des modèles murins ont montré qu’il est possible d’introduire dans le derme des nanoparticules contenant des petits ARN interférents (siRNA pour small interfering RNA) (anti-TNF et anti-STAT3) agissant en synergie pour bloquer chez la souris l’induction de plaques psoriasiformes après applications d’imiquimod(24). Les micro-ARN (ARN simple-brin courts) sont des régulateurs post-transcriptionnels capables d’éteindre l’expression d’un gène ; certains d’entre eux peuvent intervenir dans la régulation des réponses immunitaires et inflammatoires. Des travaux récents effectués chez la souris montrent que l’inhibition de miR-21 (qui est élevé dans l’épiderme psoriasique) permet de réduire l’inflammation dans des modèles psoriasiques murins(25).

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