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Thérapeutique

Publié le 24 juil 2012Lecture 8 min

Vieillissement cutané : de nouvelles perspectives thérapeutiques ?

P.-E. STOEBNER, Service de dermatologie, CHU de Nîmes ; Institut des Biomolécules Max Mousseron, UMR CNRS 5247, Montpellier
Le vieillissement se caractérise par une altération globale et progressive des fonctions physiologiques à l’origine d’une susceptibilité plus grande aux dangers de l’environnement et d’un risque plus élevé de maladies et de décès. Comme tous les autres organes, la peau est soumise au vieillissement : au fil du temps son apparence, ses propriétés biomécaniques et fonctionnelles s’altèrent progressivement. Les répercussions psychosociales et cliniques de telles altérations ne sont pas négligeables : altérations de la perception de l’image corporelle et du lien social, augmentation d’incidence de certaines dermatoses et cancers, inconfort lié au prurit, à la xérose…
Un vieillissement cutané qualifié de « modéré à très sévère » atteindrait 45 % des femmes et des hommes entre 55 et 60 ans. Prévalence très importante surtout si l’on tient compte du vieillissement des populations occidentales et des 1,3 milliard d’humains d’au moins 65 ans prévus dès 2040 sur terre ! Tous ces éléments concourent à faire du vieillissement cutané un sujet de recherche clinique et fondamentale très important. Ses causes sont intriquées et font intervenir des facteurs chronologiques et génétiques (dits « intrinsèques »), des facteurs exogènes souvent environnementaux (rayonnement solaire, tabac, pollution atmosphérique, xénobiotiques, etc.) et des facteurs endogènes (état de santé de l’individu, ménopause…). Sur le plan physiopathologique, le vieillissement résulte d’un déséquilibre entre phénomènes de dégradation (espèces actives de l’oxygène, protéines oxydées, produits terminaux de la glycation, etc.) et systèmes de réparation (antioxydants, enzymes de réparation de l’ADN, protéasomes, phospholipases et acyl-transférases, etc.). Parmi les mécanismes cellulaires « clés », figurent la perte d’intégrité du génome (altérations des capacités de réparation de l’ADN, raccourcissement des télomères…), l’altération des fonctions mitochondriales (découplage de la chaîne respiratoire, mutations-délétions de l’ADN mitochondrial…) et le stress oxydant. Plusieurs découvertes récentes semblent ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques.   L’importance du phototype Les manifestations cliniques du vieillissement et du photovieillissement sont connues : atrophie cutanée, perte d’élasticité, rides et ridules, télangiectasies, troubles de la pigmentation… Les lentigos atteignent préférentiellement les phototypes foncés et seraient surtout liés à des antécédents d’expositions solaires aiguës intermittentes. Les rides et les télangiectasies seraient plus marquées et plus nombreuses chez les phototypes clairs. Ce lien entre phototype et photovieillissement est confirmé par une étude récente qui a démontré que certains variants non fonctionnels du gène MC1R sont associés à un photovieillissement plus sévère du visage(1). Ce gène code pour un récepteur membranaire, le récepteur de la mélanocortine de type I, qui active via la fixation de l’αMSH une voie de signalisation aboutissant entre autres à la synthèse dans les mélanocytes de pigments « foncés », les eumélanines. Le gène MC1R est donc un des déterminants de la pigmentation cutanée. Il est le siège de très nombreux polymorphismes et certains de ses variants « perte de fonction » (qui altèrent sa fonctionnalité) sont associés au phénotype peau claire, cheveux roux et lentigines et à un risque accru de mélanomes et de carcinomes basocellulaires. La prise en compte du phototype et l’association entre polymorphismes génétiques (notamment de gènes impliqués dans la pigmentation cutanée) et risque accru de vieillissement cutané pourraient déboucher à terme sur des stratégies de traitement et de prévention plus « personnalisées ». La microscopie confocale, qui permet un diagnostic précoce et fiable des altérations dermiques liées à l’âge, pourrait être intégrée dans ces stratégies. Une meilleure connaissance des facteurs environnementaux La participation des rayonnements UVB (280-320 nm) et UVA (320- 400 nm) dans le photovieillissement et la photocarcinogenèse ne fait aucun doute(2). Plusieurs travaux récents montrent que les rayonnements solaires dits « longs» pourraient également être impliqués. Les rayonnements UV constituent seulement 7 % de l’énergie solaire qui atteint la peau, alors que 39 % se situe dans le spectre de la lumière visible (400-760 nm) et que la fraction la plus considérable de l’énergie solaire, 54 %, se compose de rayonnement infrarouge (760 nm-1 mm). Ces rayonnements pénètrent profondément la peau (65 % des infrarouges A atteignent le derme) et sont susceptibles d’interagir avec des chromophores différents que les UV. La lumière visible peut induire chez les phototypes foncés une pigmentation cutanée différente de celle observée avec les UVA1 (car plus sombre et plus prolongée). Ce rayonnement est également susceptible, tout comme les infrarouges, de stimuler, via la génération d’espèces réactives d’oxygène (ERO), des métalloprotéases (MMP) impliquées dans la dégradation du tissu conjonctif dermique(3). De plus, en pénétrant profondément la peau, les infrarouges et la lumière visible sont également susceptibles, comme cela vient d’être démontré pour les RUV, d’interagir avec l’hypoderme et participer ainsi à la redistribution et à la modification des graisses sous-cutanées observées au cours du vieillissement(4). Ces résultats ne sont pas sans conséquence : ils plaident en faveur d’une photo-protection étendue aux grandes longueurs d’onde pour la prévention ou le traitement du vieillissement cutané. Vers une thérapie ciblée du vieillissement cutané ? Ce sont les mécanismes moléculaires de la dégradation/dénaturation de la matrice extra-cellulaire du derme qui ont été le plus étudiés au cours des 20 dernières années. Ces mécanismes qui mêlent vieillissement intrinsèque et extrinsèque sont complexes et multiples. L’irradiation UV induit une « auto-activation » de récepteurs membranaires qui via les tyrosines kinases et la voie de signalisation cellulaire des MAP kinases vont activer le facteur de transcription AP-1. Ce dernier inhibe la synthèse de pro-collagène et active la synthèse des MMP-1, -3, -9, favorisant ainsi la dégradation des fibres collagènes et élastiques dermiques. NF-κB et TGF-β participent également à ces mécanismes en augmentant la production de cytokines inflammatoires et favorisant la production de fibres élastiques anormales. L’activation initiale des tyrosine kinases serait secondaire à l’inactivation par les ERO d’une enzyme inhibitrice : la tyrosine phosphatase. Des travaux récents ont démontré, en amont de l’activation des MAP kinases, l’implication d’une nouvelle tyrosine kinase : la tyrosine kinase SYK qui devient ainsi un nouveau marqueur et une nouvelle cible thérapeutique du photovieillissement(5). Le facteur de croissance du tissu conjonctif (FCTC) joue également un rôle majeur dans le vieillissement cutané : sa diminution dans la peau âgée serait responsable via la voie de signalisation TGF-β/Smad d’une diminution de la synthèse du collagène(6). Les travaux sur les maladies génétiques associés à un vieillissement prématuré (et segmentaire) ont mis en lumière des mécanismes physiopathologiques qui participent aussi au vieillissement normal. La progeria de Hutchinson-Gilford (HGPS) est secondaire à une mutation du gène de la lamine A qui est un filament intermédiaire responsable de la structure et du maintien de l’intégrité du noyau. La protéine mutée appelée « progérine » qui s’accumule dans la progeria semble également impliquée dans le vieillissement cutané physiologique : elle est augmentée dans la peau des sujets âgés sains, et cela vraisemblablement en raison du raccourcissement des télomères observé au cours de la sénescence cellulaire(7). Le raccourcissement des télomères peut être prévenu par la télomérase qui est une transcriptase réverse spécialisée. Une activité télomérase n’est détectable que dans les cellules somatiques à fort potentiel prolifératif (comme l’épithélium cutané). Cette activité est néanmoins insuffisante à long terme pour préserver la taille des télomères. Des expériences spectaculaires menées chez des souris transgéniques montrent qu’un vieillissement prématuré peut être induit par l’absence de télomérase puis être « réversé » chez la même souris par l’induction de télomérase(8). N’oublions pas qu’une activité télomérase importante, prévenant la sénescence réplicative est présente dans 80 à 90 % des cellules malignes et qu’une stimulation de cette activité est potentiellement inductrice de cancers. La restauration de l’intégrité des télomères pourrait toutefois représenter à terme une nouvelle approche thérapeutique, d’une part, des maladies associées à un vieillissement prématuré et, d’autre part, du vieillissement physiologique. Conclusion Une meilleure connaissance des déterminismes génétiques et un meilleur contrôle des facteurs « aggravants » endogènes et exogènes pourront à court terme améliorer la prévention du vieillissement cutané. Certains traitements substitutifs comme le traitement hormonal de la ménopause ont fait preuve de leur efficacité ou sont, comme les antioxydants, d’efficacité encore controversée. De nouveaux traitements substitutifs (facteurs de croissance du tissu conjonctif ? enzymes de réparation de l’ADN ?) verront peut-être prochainement le jour. Bien que la compréhension des mécanismes biologiques du vieillissement cutané ait fortement progressé, l’intérêt de nouveaux traitements ciblant les voies de signalisation de la sénescence cellulaire reste encore aujourd’hui très hypothétique. L’innocuité de tels traitements devra être au préalable démontrée car un blocage de la sénescence peut théoriquement conduire à une multiplication cellulaire accrue et donc à la formation de tumeurs.

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