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Psoriasis

Publié le 30 mar 2022Lecture 7 min

Tolérance des traitements biologiques dans le psoriasis

Michèle DEKER, Neuilly-sur-Seine

Les possibilités thérapeutiques se sont considérablement accrues depuis l’arrivée des premiers biomédicaments prescrits dans le psoriasis. Après 15 ans d’utilisation, les effets indésirables concernant le risque infectieux sont aujourd’hui assez bien connus.

Risque infectieux Une première métaanalyse Cochrane concernant tous les biologiques disponibles au début de la décennie 2010 (anti-TNK, anakinra, abatacept), utilisés dans le psoriasis et la polyarthrite rhumatoïde, avait montré un risque d’infection sévère x 1,37 et de tuberculose x 4,68 ; le risque infectieux était majoré en cas de polyarthrite rhumatoïde et d’utilisation d’un anti-TNF. Ces premiers constats ont conduit à modifier la conduite à tenir vis-à-vis du risque de tuberculose avant l’introduction d’un biomédicament, en recherchant des signes de tuberculose maladie et en réalisant systématiquement un Quantiféron ou un T-Spot. Ceci afin de stériliser les sites latents par un traitement rifampicine + isoniazide de 3 mois, et avant de débuter la biothérapie (3 semaines après). Pour les médicaments plus récents, une étude de cohorte a évalué le risque de réactivation de la tuberculose chez des patients traités par sécukinumab (anti-IL-17) pour un psoriasis, un rhumatisme psoriasique ou une spondylarthrite ankylosante. Aucun cas de tuberculose maladie n’a été observé (13 cas de tuberculose latente) sur plus de 12 000 patients évalués. Une autre étude monocentrique auprès de 279 patients ayant eu au moins deux dépistages de tuberculose durant le suivi (11 ans en durée médiane) a montré le développement d’une tuberculose chez 10 sujets sur 193 initialement négatifs. On peut conclure à la nécessité de poursuivre le dépistage avant le début du traitement biologique. Un dépistage négatif n’exclut pas un risque de tuberculose maladie sous traitement biologique. Mais faut-il répéter le dépistage par Quantiféron régulièrement et, si oui, à quelle fréquence? En dehors de la tuberculose, il faut rechercher un foyer infectieux, faire une sérologie des hépatites B et C et du VIH, conseiller une consultation auprès d’un dentiste et vérifier que le calendrier vaccinal est à jour (grippe et pneumocoque, en particulier, hépatite B chez les sujets à risque). Si le patient doit recevoir un vaccin vivant, il est recommandé de reculer le début du traitement par biomédicament. Un essai récent a évalué la réponse au vaccin vivant varicelle-zona sous traitement par biomédicament ; la réponse immunitaire est comparable à celle des sujets sans traitement biologique. On peut en conclure qu’il est possible de vacciner sans arrêter le traitement, sans craindre un surrisque infectieux. Une étude réalisée à partir des données de l’Assurance maladie a identifié les patients ayant un psoriasis et initiant un biomédicament (anti-TNF, anti-IL-17, anti-IL-23, etc.). Elle a montré que l’adalimumab et l’infliximab étaient les deux biomédicaments donnant le plus de risques infectieux comparativement à l’étanercept, alors que les anti-IL-17 et un anti- IL-23 n’étaient pas impliqués dans un surrisque infectieux. Les informations disponibles sont assez rassurantes quant à la Covid-19 chez les patients sous biomédicament comparativement aux traitements non biologiques ou topiques. Le risque de zona est augmenté avec des médicaments tels que le tofacitinib ; il ne l’est pas avec les médicaments biologiques plus classiques. En cas d’infection avérée, il est recommandé de prescrire un traitement antiviral per os. L’arrêt du traitement en cas d’épisode de zona est recommandé, le traitement pouvant être repris après l’épisode infectieux. Une prophylaxie antivirale est discutée en cas de récidives multiples. Deux situations peuvent poser un problème concernant l’hépatite : hépatite B active (Ag HBs +) et hépatite B latente (Ac HBc + et Ag HBs-).Selon le risque de réplication virale, il est proposé d’administrer avant la mise en route de la biothérapie un traitement prophylactique par lamivudine ou entécavir, à poursuivre 6 mois à 1 an après l’arrêt de la biothérapie. Sont considérés comme à risque élevé de réplication virale B les patients ayant un Ag HBs + et qui doivent recevoir un traitement par anti-TNF ; sont considérés à risque modéré, les sujets ayant un Ag HBs + sous étanercept (qui recevront le traitement prophylactique) et les sujets avec un Ag HBs - et des Ac HBc + sous anti-TNF (qui recevront la prophylaxie virale B en présence de fibrose au fibroscan). En l’absence de données concernant les anti-IL-17 ou les anti-IL-23, il est proposé de faire un monitorage de l’hépatite virale B tous les 3 mois. Risque carcinologique Dans la mesure où les données disponibles sont assez contradictoires, la conduite actuelle à l’initiation d’un biomédicament consiste à évaluer le risque personnel et familial du patient, et à suivre les modalités de dépistage de la population générale. Les données de la cohorte britannique BADBIR renseignent sur le risque de carcinome baso-cellulaire et de carcinome épidermoïde chez les patients sous traitement biologique pour un psoriasis. Il n’a pas été mis en évidence de surrisque, à l’exception des patients âgés de ≥ 60 ans. Le risque de mélanome a été évalué chez les patients traités par un médicament biologique pendant plus de 1 an quelle que soit la pathologie inflammatoire, à partir d’une métaanalyse de 7 études (1 dans le psoriasis). Le risque est augmenté (HR = 1,57) mais non significatif, ce qui ne permet pas d’éliminer le risque de mélanome. Un antécédent de cancer solide de moins de 5 ans est actuellement considéré comme une contre-indication à l’introduction d’un biomédicament. Cette contre-indication peut être discutée au cas par cas en fonction du risque de récidive (exérèse incomplète, tumeur à haut risque de micrométastases). Les oncologues sont généralement opposés à l’introduction d’un anti-TNF alpha et il existe peu de données concernant les autres biomédicaments. La survenue d’un cancer sous biomédicament implique l’arrêt de ce dernier. Risque cardiovasculaire Les données sont, là encore, contradictoires même avec 15 ans de recul. Les événements cardiovasculaires sont extrêmement rares. Une étude britannique de la cohorte BADBIR n’a pas montré de différence de risque entre l’ustékinumab et les anti-TNF, sur un nombre d’événements très bas. Des données françaises montrent un surrisque cardiovasculaire uniquement chez les patients sous ustékinumab (majoritairement pour un psoriasis) ayant un profil cardiovasculaire à risque. Une récente étude dans le rhumatisme psoriasique confirme le surrisque chez les patients sous ustékinumab ou anti-IL-17. Le nombre d’événements est néanmoins faible. En cas de doute, il est recommandé de faire un bilan cardiovasculaire initial et de privilégier un anti-TNF. Risque de MICI Les anti-IL-17 ont été abandonnés dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) en raison d’un effet délétère dans la rectocolite hémorragique et d’une aggravation de la maladie de Crohn. Des cas de MICI de novo avaient également été rapportés chez des patients atteints de psoriasis ou de rhumatisme psoriasique sous anti-IL-17. Une étude en population sur les données de l’Assurance maladie chez près de 17 000 patients ayant commencé un traitement par anti-IL-17 n’a, en revanche, pas montré de surrisque de MICI comparativement à l’étanercept ou l’aprémilast. D’autres études épidémiologiques devront confirmer ces données. Toutefois en cas d’antécédent personnel de MICI, les anti- IL-17 sont contre-indiqués. Effets secondaires inattendus Les anti-TNF alpha favorisent le développement de lymphocytes T autoréactifs contre la myéline, qui passeraient la barrière hémato-encéphalique et provoqueraient une démyélinisation. Ils peuvent donc être responsables du développement ou de l’aggravation de maladies démyélinisantes de mécanisme auto-immun. La maladie continue d’évoluer malgré l’arrêt du traitement. Il faut par conséquent éviter de prescrire un anti- TNF alpha chez des patients ayant des antécédents de maladie démyélinisante et préférer l’ustékinumab, en l’absence de données à long terme pour les anti-IL-17 et les anti-IL-23. La survenue d’un vitiligo a été observée sur des plaques de psoriasis traité par anti-TNF alpha mais aussi par anti-IL-12/23 ou IL-17A, avec une régression possible mais pas systématique. Il en est de même des pelades apparues sous anti-TNF alpha. La survenue d’un tel effet secondaire implique de changer de classe thérapeutique. Certaines biothérapies sont aussi capables de déclencher ou de révéler un lupus, éventuellement associé à des manifestations systémiques. On peut observer le développement d’anticorps antinucléaires au cours des traitements biologiques (2/3 des patients sous anti-TNF alpha), ce qui ne constitue pas une contre-indication à leur emploi. En cas de manifestation clinique, il est cependant conseillé de changer de molécule. La prise de poids sous anti-TNF est connue et peut nécessiter une adaptation du traitement chez les patients en surpoids. Elle est sans doute liée au blocage de la leptine et à un effet sur la lipolyse et la protéolyse. Les facteurs de risque de la prise de poids sont liés au sexe masculin et à la sévérité du psoriasis. La survenue d’un psoriasis paradoxal sévère est possible après la mise sous anti-TNF alpha (plus souvent déclenchée par l’infliximab) pour une polyarthrite rhumatoïde et nécessite un changement de classe de molécule. Les patients traités par anti-IL-17 sont susceptibles de développer des dermatoses faciales eczématiformes, des alopécies squameuses, des dyshidroses, des poussées érythrodermiques. Ce switch phénotypique psoriasis/eczéma (ou inversement) s’explique par les modifications de la réponse immune induites par le traitement biologique. Chez l'enfant et l'adolescent Nous avons 15 ans de recul sur l’emploi des biomédicaments dans cette classe d’âge, mais les effectifs sont plus modestes que chez l’adulte, tant dans les études que dans les registres. Il n’a pas été observé d’alertes spécifiques dans cette population. Les infections sont fréquentes et bénignes mais leur imputabilité est difficile à établir.

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