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Cosmétologie, Esthétique

Publié le 05 sep 2010Lecture 10 min

Vieillissement cutané : la place des topiques anti-âge

H. BENCHIKHI, Service de dermatologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

Depuis la nuit des temps, l’homme a désiré l’apparence de la jeunesse, en particulier par l’aspect extérieur de sa peau. Cette idée se cristallise dans le concept de fontaine de jouvence : le bain dans cette eau mythique permettrait la jeunesse éternelle. En dehors de l’eau, d’autres produits sont appliqués au contact de la peau afin de préserver ou de retrouver sa jeunesse, et cette notion est ancrée dans toutes les civilisations, qu’elles soient égyptienne, chinoise ou indienne. Aujourd’hui, des centaines de produits et formules sont proposés pour lutter contre le vieillissement cutané. Quelle place occupent les topiques pour s’y opposer ? Nous proposons ici de passer en revue les actifs qui ont démontré un effet sur le vieillissement cutané dans des travaux publiés dans la littérature internationale.

Par produits topiques, on entend tout principe actif (crème, émulsion, solution) appliqué quotidiennement sur la peau pour réparer ou prévenir les signes du vieillissement cutané (VC). On peut classer ces topiques en trois catégories : les médicaments, délivrés sur ordonnance ; les cosmétiques, en vente libre ; les cosméceutiques, terme créé il y a 25 ans pour désigner des produits avec substances actives, qui ne peuvent être considérés comme des cosmétiques ou des médicaments. La littérature médicale compte de nombreuses revues générales sur les topiques anti-âge, et les traitements les plus utilisés sont : les rétinoïdes, les hydroxyacides (alpha, bêta et lipo), les antioxydants (vitamines et co-enzymes), les hydratants et les photoprotecteurs externes (1). Une autre catégorie est représentée par les dépigmentants qui sont exclus volontairement de cette revue. Si on applique les règles de l’evidence based medicine à ces produits, pour ne mentionner que ceux qui ont fait l’objet d’études randomisées, contrôlées et en double aveugle, seuls le rétinol et les antioxydants tels la vitamine C et les co-enzymes peuvent être considérés comme des substances efficaces sur le VC (2). Les actifs anti-âge Les rétinoïdes Le chef de file des topiques antiâge est le groupe des rétinoïdes qui comprend la vitamine A (ou rétinol) et ses dérivés : acide rétinoïque (ou vitamine A acide ou trétinoïne) et le rétinaldéhyde et ses rétinyl esters, ainsi qu’un grand nombre de dérivés synthétiques. Les rétinoïdes induisent une grande variété de processus cellulaires et agissent par le biais de récepteurs nucléaires. Ainsi, la trétinoïne et ses analogues, par les effets biologiques qu’ils induisent, sont quasiment considérés comme des hormones et agissent via des récepteurs nucléaires appelés RAR de type α, β et γ contrairement à d’autres dérivés qui agissent sur RXR. C’est par cette voie que les rétinoïdes topiques améliorent le VC en modifiant différents programmes de différenciation cellulaire : – initiation de l’augmentation de la prolifération épidermique ; – compaction du stratum corneum ; – biosynthèse et dépôt de glycosaminoglycanes (3).   La trétinoïne ou vitamine A acide est le rétinoïde ayant le plus fait l’objet de travaux dans le traitement du VC intrinsèque ou extrinsèque. Son potentiel dans le traitement du VC photo-induit a été initialement démontré par A. Kligman et coll. en 1984 sur un modèle animal, puis en 1986 in vivo. Par la suite, toutes les études réalisées ont clairement démontré que la trétinoïne améliorait significativement les signes du VC photo-induit (4-7) : – cliniquement : amélioration des ridules, diminution de la rugosité cutanée, amélioration de l’élasticité et de l’hydratation, diminution de l’hyperpigmentation ; – histologiquement : angiogenèse et dépôts de collagène de type I et II. Les effets de la trétinoïne sont perceptibles au bout de 3 mois, et restent stables au-delà, au prix d’applications bi- ou trihebdomadaires (8,9). La trétinoïne en crème peut être utilisée à des concentrations variables allant de 0,025 à 1 %, sachant qu’aux fortes concentrations, les effets secondaires tels l’irritation, le prurit et les sensations de brûlures sont plus fréquents. C’est pour les éviter que d’autres formes galéniques ont été élaborées : solution et nanoparticules. Concernant le VC intrinsèque, seule une étude contrôlée existe, celle de A.M. Kligman et coll. en 1993, qui a montré une amélioration clinique modeste des signes du VC ; en revanche, les modifications histologiques étaient nettes (10).   Autres rétinoïdes D’autres rétinoïdes sont utilisés dans le VC : • L’isotrétinoïne topique à 0,1 % est efficace sur les fines rides, le VC léger à modéré et l’apparence globale(11,12). • Le tazarotène, nouveau rétinoïde acétylénique, agit sur les récepteurs RXR et est aussi efficace comparé à la trétinoïne aux concentrations de 0,01, 0,025 et 0,1 %(13,14). • L’adapalène agit sur les récepteurs RAR β/γ et peut être utilisé en seconde intention chez des personnes ayant une intolérance aux rétinoïdes conventionnels car il est très bien toléré (15). • D’autres rétinoïdes sont en cours d’évaluation dans le VC : alitrétinoïne et sélitinoïde, qui nécessitent encore des études randomisées et contrôlées à grande échelle (16). Le rétinol a également un effet sur la peau mature, mais son extrême instabilité le fait associer à d’autres produits, par exemple la vitamine C (17,18). Certains dérivés du rétinol, tels le rétinyl acétate, le rétinyl propionate et palmitate n’ont pas montré d’amélioration significative du VC (19). • Le rétinaldéhyde est un précurseur de l’acide rétinoïque métabolisé dans la peau. J.H. Saurat et coll., en 1994, ont montré qu’il augmente l’épaisseur de l’épiderme. Plusieurs études cliniques et profilométriques ont montré que le rétinaldéhyde réduisait les rides et la rugosité cutanée par rapport à l’excipient (20-23), de même lorsqu’il est associé à un laser non ablatif (24). Il a beaucoup moins d’effets secondaires que les rétinoïdes ; on peut conclure que le rétinaldéhyde est un bon topique pour le traitement du VC photo-induit. Les alphahydroxyacides Autre catégorie de topiques anti-âge, les alphahydroxyacides (AHA), acides glycolique, lactique, citrique, acétique ont été découverts par R.J. Yu et E.J. Van Scott dans les années 70 et induisent tous une normalisation de la kératinisation et une desquamation. Une nouvelle génération, les polyhydroxyacides (PHA), ont les mêmes effets bénéfiques avec moins d’effets indésirables. Alphaet polyhydroxyacides induisent une biosynthèse des glycosaminoglycanes et des fibres collagènes, permettant ainsi un « repulpage » de la peau et une augmentation de l’épaisseur du derme(25). Dans le VC photo-induit, les AHA sont associés aux rétinoïdes et à des agents antioxydants pour un maximum d’effets, avec en général des concentrations qui restent inférieures à 15 %. Les PHA ont en plus des propriétés hydratantes et humectantes supplémentaires et des propriétés antioxydantes. On peut citer par exemple le gluconolactone et l’acide lactobionique. Autre avantage, les PHA sont compatibles avec tous les types de peau (26). La vitamine C La vitamine C, ou acide ascorbique sous sa forme lévogyre, a fait l’objet de nombreux travaux dans la littérature. Il faut tout d’abord souligner que P. Humbert et coll. ont démontré qu’il existait une diminution du taux de la vitamine C dans le derme en fonction de l’âge (27,28). La vitamine C fut le premier actif cosmétique à faire l’objet d’une preuve d’efficacité à la fois clinique et biologique. En effet, dans une étude versus placebo réalisée chez des femmes de 50 à 60 ans traitées pendant 6 mois par vitamine C topique au niveau du décolleté, il a été montré une modification significative du relief de la peau qui, d’anisotrope devenait isotrope, d’une part (29,30), et que, d’autre part, cette application permet l’induction d’une production de collagène I et III démontrée par des biopsies en microscopie électronique et par la mesure du taux des ARN messagers dans la peau (31). Par ailleurs, il est intéressant d’observer que les taux de vitamine C cutanés s’effondrent dans la peau lors de l’exposition solaire et l’induction d’un érythème actinique (32). Enfin, il pourrait exister une potentialisation de l’effet de la vitamine C topique lorsqu’elle est associée à d’autres actifs anti-âge tels que le madécassoside (33). La vitamine C augmente aussi la néosynthèse des fibres élastiques, comme en témoigne une étude chez 10 femmes avec histologie et microscopie électronique (34). Par ailleurs, une étude incluant 20 femmes avec score clinique, échelle analogique, cornéométrie et profilométrie a montré une amélioration de la surface de la peau altérée par l’âge et une protection contre les effets du vieillissement induit par les UVA(35). Autres vitamines Parmi les vitamines autres que la vitamine C, nous avons parlé de la vitamine A, mais citons la vitamine E (α tocophénol) et la vitamine B3 (vitamine PP ou niacinamide). La niacinamide en topique à 5 % a été utilisée versus excipient chez 40 femmes âgées de 35 à 60 ans. À 12 semaines, l’analyse en 3D montrait une amélioration de la texture de la peau et des lentigos solaires (36). En effet, la niacinamide stimule la synthèse d’un néocollagène par des fibroblastes de peau âgée en culture, régularise la synthèse des céramides, améliorant ainsi la barrière cutanée, et augmente la synthèse des marqueurs de la différenciation kératinocytaire (involucrine et filaggrine). En fait, le rôle antioxydant et les propriétés anti-inflammatoires pour toutes ces vitamines ont été démontrés. Cependant, pour obtenir une efficacité optimale, ces produits doivent être délivrés dans des formulations appropriées (37). Les antioxydants La dernière catégorie de topiques anti-âge bien étudiés est représentée par les antioxydants ou antiradicalaires, dans lesquels on retrouve la vitamine C et la vitamine B3, mais aussi : – la vitamine E, la kinétine, l’acide α lipoïque, l’ubiquinone 10, l’idébénone (38) ; – les phyto-hormones-like, comme les isoflavones, le resvératrol, l’acide férulique ; – le diméthylaminoéthanol (DMAE), précurseur de l’acétylcholine et la vitamine B9 qui est un coenzyme. L’efficacité réelle de ces produits dans le VC, à part la vitamine C et les co-enzymes, reste encore à démontrer, de même que celle des actifs « Botox-like », peptides censés limiter les microcontractions musculaires, des sirtuines dites « molécules de longévité », etc., et des biocosmétiques nouvellement arrivés. En fait, pour tous ces cosmétiques dits actifs, il faut se poser les trois questions énoncées par D. Kligman relatives aux cosméceutiques( 39) : – le principe actif pénètre-t-il le stratum corneum ? – y a-t-il un mécanisme d’action ? – y a-t-il des essais thérapeutiques en double aveugle contre placebo ? P our parler d’un effet sur le VC, encore faut-il pouvoir avancer des preuves ! Les autres topiques utiles   Les agents hydratants Le maintien d’une bonne hydratation cutanée est essentiel pour limiter l’apparition des rides et permettre un meilleur aspect général de la peau. Il faut choisir des actifs augmentant l’affinité de la kératine pour l’eau (NMF et allantoïnes).   Les photoprotecteurs On sait que l’exposition solaire a comme conséquence, entre autres, à long terme, une accélération du VC. Une étude a montré que les photoprotecteurs externes (PPE) préviennent certains effets biologiques induits par les UV même reçus à des doses minimes (40). Conclusion On peut classer les produits topiques anti-âge par catégorie de la manière suivante : rétinoïdes, AHA, antioxydants (vitamine C, vitamine E), hydratants et photoprotecteurs externes. Le niveau de preuve d’efficacité, tel qu’il est rapporté dans la littérature, doit toujours être présent à l’esprit. Les cosmétiques actifs semblent prendre de plus en plus d’ampleur dans les gammes proposées par les industriels, ce qui est probablement la conséquence de cette course à la recherche des preuves. En raison de la complexité du processus du vieillissement cutané, chaque catégorie a une spécificité d’action étroite, par conséquent, leur association est synergique. Dans la prise en charge globale du VC, ces topiques anti-âge sont à intégrer à toutes les étapes : de manière précessive, en accompagnement et en relais des autres techniques anti-âge (toxine botulinique, produits de comblement, peelings, lasers, chirurgie). De ce fait, ils exigent un certain niveau d’expertise dans leur prescription.

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