publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Allergologie

Publié le 20 oct 2009Lecture 15 min

Urticaire aiguë : conduite à tenir à court et moyen terme

A. BARBAUD, Service de dermatologie, hôpital Fournier, Nancy
De nombreuses questions doivent se poser lorsque l’on suspecte une urticaire aiguë : s’agit-il d’une urticaire ? Quel traitement vais-je mettre en route ? Quelle surveillance vais-je proposer ? Quelles sont les causes à rechercher dans la survenue de cette urticaire aiguë ? Dois-je programmer un bilan ultérieur et si oui, lequel et dans quels délais ?
L’ urticaire aiguë est une pathologie fréquente. Une étude allemande récente (1) a retrouvé une incidence annuelle de 0,154 %. Si l’on considère, dans cette même étude, le risque de développer une urticaire à un moment quelconque de sa vie, celui-ci serait estimé à 12,32 %. Selon les études, cette incidence varie de 12 à 23,5 %. L’urticaire aiguë est une dermatose érythémateuse, papuleuse et œdémateuse, mobile, variable et fugace (figures 1 et 2). Chaque lésion élémentaire dure moins de 24 heures. L’urticaire aiguë évolue par poussées, depuis moins de 6 semaines, contrairement à l’urticaire chronique dont les poussées sont plus anciennes. Un bon moyen pour différencier une urticaire d’une vascularite urticarienne ou d’une autre dermatose pseudo-urticarienne est d’entourer chaque lésion avec un trait de stylo et de vérifier si la lésion ainsi cernée est encore présente 24 heures plus tard (figure 3). L’urticaire aiguë peut être idiopathique, mais elle peut également relever d’une intolérance ou d’une hypersensibilité médicamenteuse, alimentaire, par piqûre d’hyménoptères (encadré 1) et, dans quelques rares cas, être liée à une primoinfection virale (encadré 2). Figure 1. Urticaire aiguë : lésions érythématopapuleuses.  Figure 2. Urticaire aiguë circinée, parfois prise à tort pour un érythème polymorphe ! Figure 3. Les lésions d’urticaire durent moins de 24 heures : penser à entourer une lésion avec un trait de stylo pour juger de son évolution 24 heures plus tard. Le risque estimé de survenue d’une urticaire au cours de la vie varie de 12 à 23,5 %. Diagnostics différentiels Il faut déjà écarter certaines dermatoses aiguës qui pourraient être prises à tort pour une urticaire.  Encadré 1 Urticaire aiguë et allergie au venin d’hyménoptère L’urticaire peut révéler une hypersensibilité immédiate aux venins d’hyménoptères. Les investigations ne sont pas utiles s’il y a une réaction localisée au point de piqûre. En revanche, elles sont indispensables pour juger de la nécessité d’une induction de tolérance lorsqu’il y a des réactions à distance du site de piqûre, une urticaire généralisée et bien sûr dans les formes plus graves avec angioedème ou choc anaphylactique. On peut conseiller au patient d’éviter d’attirer les hyménoptères, en évitant de porter des parfums, de ramasser des fruits, de s’agiter à proximité de ces insectes, d’avoir un aspivenin, mais il est surtout indispensable qu’un bilan spécialisé soit réalisé. En cas de réaction systémique avec présence d’IgE spécifiques (venin de guêpe poliste ou vespula, abeille, frelon à tête blanche, frelon à tête jaune, frelon européen), ou s’il y a des tests cutanés positifs avec des extraits de venins, une induction de tolérance ou de désensibilisation spécifique peut être proposée par des techniques de rush, ultrarush ou semi-rush nécessitant une hospitalisation initiale puis un traitement d’entretien durant 3 à 5 ans(15,16). Ces patients doivent posséder une trousse médicamenteuse pour traitement antiallergique d’urgence (anti-H1, corticoïde buvable et si nécessaire stylo injecteur d’adrénaline) et être éduqués, ainsi que les membres de leur entourage, à l’utilisation de ces médicaments.  La « shiitake dermatitis » La consommation de champignons « shiitake » (Lentinus edodes) appelés aussi lentins du chêne ou « xianggu », insuffisamment cuits, entraîne une dermatose pseudourticarienne flagellée, la « shiitake dermatitis », bien connue en Asie, mais dont quelques cas ont été décrits en Europe(2-4). La mode récente d’inclusion de ce champignon dans la cuisine occidentale pourrait conduire à l’émergence de cas de « shiitake dermatitis ». Il s’agit d’une dermatose papuleuse très prurigineuse dont l’aspect caractéristique est celui de papules disposées de façon linéaire donnant un aspect flagellé ou de pseudo-dermographisme. Il ne faut pas confondre cet aspect avec une urticaire accompagnée d’un dermographisme. La « shiitake dermatitis » est liée à la consommation de lentins, mangés insuffisamment bouillis, la toxine, le lentinan, étant thermolabile. Les mêmes manifestations ont été rapportées lorsqu’un extrait de ce champignon est utilisé comme chimiothérapie pour des sarcomes ou des cancers pulmonaires.  L’intoxication scombéroïde est une réaction anaphylactoïde Habituellement, cette intoxication scombéroïde (scombroid fish poisoning) survient dans les minutes ou les heures qui suivent la consommation de poissons de la famille des scombéroïdes, lorsque ces poissons ont mal été conservés. Ce syndrome a été décrit avec le thon, le maquereau, la bonite, le mahi-mahi (dolphin fish), la sardine (5-8). Il a été rapporté avec des darnes de requin mais aussi des fromages mal conservés (7). Tous ces poissons contiennent physiologiquement une haute concentration en histidine. S’ils sont mal conservés ou mal réfrigérés, les bactéries de putréfaction vont convertir l’histidine en histamine ; c’est donc en consommant une très forte quantité d’histamine que le patient développe ce syndrome. L’acide urocanique présent dans la chair de ces poissons, possédant un pouvoir de dégranulation mastocytaire, pourrait aussi avoir un effet délétère. L’intoxication scombéroïde se manifeste par des sensations de picotements ou de brûlures de la bouche, une éruption du visage et de la partie supérieure du corps, érythémateuse, maculeuse, pouvant évoluer rapidement vers une érythrodermie, toutes ces manifestations étant prurigineuses. Le syndrome s’accompagne de céphalées, de palpitations, de nausées, de vomissements, de diarrhées et d’une diminution des chiffres tensionnels. L’aspect peut donc tout à fait être confondu avec une urticaire avec choc anaphylactique. Les corticoïdes sont sans efficacité. Par contre, dès que le diagnostic est évoqué, la mise sous antihistaminiques 1 (anti-H1) associés à des anti-H2, entraîne rapidement une amélioration (8). Face à une éruption de type urticaire, il faut savoir éliminer une intoxication scombéroïde et shiitake dermatitis. Encadré 2. Urticaire aiguë et infections Il n’y a pas de bilan systématique infectieux à réaliser dans une urticaire aiguë. • D. Lipsker et P. Boeckler(12) ont rapporté récemment la survenue de deux cas d’urticaire aiguë révélant une primo infection par Parvovirus B19 avec, dans les deux cas, la coexistence d’une urticaire aiguë et d’une toux sèche, et dans un des deux cas, l’existence de quelques lésions pétéchiales des extrémités. • Il existe quelques cas d’urticaire aiguë survenant en phase pré-ictérique des infections par virus des hépatites A, B ou  (17). Leur mécanisme relève de l’existence de complexes immuns circulants, ces urticaires aiguës pouvant s’intégrer dans la classique triade de Caroli qui associe céphalées, arthralgies et urticaire. Une urticaire révélatrice d’une infection par hépatite paraît exceptionnelle. Dans l’étude de M.S. Doutre et coll.(18), parmi 79 patients avec urticaire ayant eu un bilan hépatique et des sérologies d’hépatite B, un seul patient avec urticaire chronique avait une infection virale, contre aucun des 10 patients avec urticaire aiguë. Nous avons rapporté 6 cas d’urticaire aiguë survenue dans les 24 heures à 10 jours après 1re ou 2e injection de vaccin anti-hépatite B(19). Tous ces patients avaient eu une recherche d’anticorps anti-virus de l’hépatite B et des investigations immuno-allergologiques. Chez un de ces patients, il s’agissait d’un mécanisme à complexes immuns circulants (la vaccination avait été effectuée peu de temps après une infection par le virus sauvage). Dans 2 cas, il y avait une hypersensibilité retardée avec des IDR positives à 24 heures. Enfin, un de ces patients a eu des investigations négatives et a pu être revacciné sans récidive de l’urticaire. Cela souligne que l’exposition à l’antigène HBs peut déclencher des urticaires par hypersensibilité et par complexes immuns circulants, mais qu’il existe probablement d’autres mécanismes non allergiques à l’origine de ces urticaires au décours de l’hépatite B ou de la vaccination anti-hépatite B.  Certains oedèmes du visage ne doivent pas être pris à tort pour un angioedème : c’est particulièrement le cas des eczémas de contact du cuir chevelu liés à la paraphénylène diamine qui s’accompagnent très fréquemment d’un volumineux oedème palpébral inférieur et supérieur.  Vascularite urticarienne Pour différencier une urticaire d’une vascularite urticarienne, il faut noter l’existence d’une mobilité plus lente des lésions (plus de 24 heures) dans les vascularites urticariennes, rechercher si cette dermatose pseudo-urticarienne s’accompagne ou non d’un purpura et, bien sûr, au moindre doute faire un bilan rénal. Diagnostic étiologique Devant une urticaire aiguë, il faut éliminer les urticaires aiguës récidivantes de topographie initialement localisée, comme les urticaires de contact ou les urticaires physiques.  Urticaires de contact Les urticaires de contact sont dues à des protéines alimentaires, au latex, à des protéines hydrolysées (par exemple les protéines de blé hydrolysé), des protéines animales comme celles de vers ou d’asticots, plus rarement liées à un contact avec des médicaments (9,10). Leur diagnostic repose sur l’interrogatoire à la recherche de facteurs déclenchants toujours identiques d’une poussée à l’autre. Il sera complété par la recherche orientée d’IgE spécifiques d’aliments ou du latex, par exemple, ou des tests cutanés. Pour ces derniers, les réactions pouvant être violentes, il est impératif de commencer par des tests ouverts, « open tests » dans lesquels on applique sur l’avant-bras la substance incriminée durant 20 minutes (figure 4). Si ce test est négatif, le bilan est complété par des prick-tests débutés avec de fortes dilutions du produit suspecté en augmentant progressivement la concentration (9,10) (figure 5).   Urticaires physiques Le diagnostic des urticaires physiques repose principalement sur la recherche de circonstances déclenchantes caractéristiques à l’interrogatoire(11). Plusieurs urticaires physiques peuvent être associées. À chaque urticaire physique, correspond un test spécifique. On commence par rechercher l’existence d’un dermographisme, puis on réalise les tests suivants : – test au poids lu à 6 heures dans l’urticaire retardée à la pression ; – test à l’effort dans les urticaires cholinergiques ; – test au glaçon dans les urticaires au froid (en cas de positivité, on recherchera des cryoglobulines ou des agglutinines froides) ; – test à la chaleur dans les urticaires au chaud (le test doit être fait avec un tube d’eau chaude de plus de 44°C) ; – test à la lumière dans les urticaires solaires : les tests sont faits avec différents spectres d’UVAUVB et lumière visible pour retrouver le spectre déclenchant et la dose urticante minimale afin de débuter une induction de tolérance par une PUVAthérapie adaptée ; – test à la compresse humide dans l’urticaire aquagénique : comme il est souvent négatif, il peut être nécessaire ensuite d’immerger un segment de membre ou une partie du corps du patient, mais ce, toujours sous surveillance médicale à l’hôpital ; Figure 4. Urticaire de contact : test ouvert (open test) positif. – l’urticaire vibratoire n’est pas exceptionnelle : après avoir exclu une allergie au latex, on utilise en général un appareil agitateur de type « vortex » qu’on laisse vibrer au contact de la peau du patient durant une dizaine de minutes. En cas d’urticaire vibratoire, un placard urticarien apparaît dans les 20 minutes qui suivent cette stimulation (11). Plusieurs urticaires physiques peuvent être associées. • L’interrogatoire est donc fondamental ; il exclut des urticaires physiques et de contact, mais pour les urticaires généralisées, il peut permettre, en présence d’une toux sèche, d’évoquer une cause infectieuse comme une primo-infection par le Parvovirus B19(12), de rechercher l’absence de vaccination anti-hépatite A ou B ou de comptage possible avec un porteur d’hépatite ou l’existence d’une vaccination récente antihépatite B. On recensera toutes les prises alimentaires et médicamenteuses des 24 heures qui ont précédé la survenue de l’urticaire. On recherchera également s’il n’y a pas eu d’injection d’un produit de contraste iodé. Enfin, on s’assurera que l’urticaire ne coïncide pas avec la piqûre par un hyménoptère (abeille, frelon, guêpe). Conduite à tenir à la phase aiguë :  existe-t-il des signes de gravité ? Après avoir éliminé les dermatoses pseudo-urticariennes, les urticaires physiques et de contact, tout patient atteint d’une urticaire aiguë doit être interrogé sur les facteurs déclenchants potentiels et examiné à la recherche de signes de gravité qui sont : une urticaire résistant au traitement par anti-H1 bien conduit, mais aussi l’angioedème, l’oedème de Quincke, l’association à un asthme ou une chute tensionnelle dans le cadre d’un choc anaphylactique. • En cas d’oedème muqueux, de troubles de la déglutition, de dyspnée haute, d’oedème glottique avec raucité de la Figure 5. Urticaire de contact : prick-test positif au latex. voix, le diagnostic d’angioedème est retenu. Il est tout d’abord traité par des anti-H1, mais en cas de non-réponse dans les 15 minutes, on aura recours à l’adrénaline. Le patient doit être surveillé une dizaine d’heures après la résolution des manifestations. Le patient traité pour angioedème doit être surveillé une dizaine d’heures après la résolution des manifestations. • En cas de choc anaphylactique associé à l’urticaire, le patient doit immédiatement être allongé en position de Trendelenbourg ou en décubitus dorsal avec les jambes surélevées. Les secours médicaux d’urgence doivent être appelés immédiatement pour transfert du patient en service de soins intensifs. Une injection d’adrénaline par voie souscutanée doit être faite à raison de 0,25 à 0,30 mg, doses qui seront répétées 15 minutes plus tard en cas d’inefficacité. Chez l’enfant de moins de 6 ans, l’adrénaline est administrée à la dose de 0,01 mg/kg. Des stylos injecteurs d’adrénaline existent sous deux présentations : 0,30 mg/0,3 ml utilisables chez l’adulte ou à 0,15 mg/0,3 ml utilisable chez l’enfant de plus de 15 kg. Ces préparations d’adrénaline peuvent être conservées à température ambiante ; elles sont remboursées à 65 % par la Sécurité sociale. Il faut, si possible, instaurer une oxygénothérapie au masque et mettre en place une voie d’abord veineuse. Quand tous ces gestes ont été réalisés, on peut dans un second temps administrer les corticoïdes injectables par voie intraveineuse lente, comme la bétaméthasone, la dexaméthasone ou la méthylprednisolone. On prendra soin, si l’on suspecte une allergie médicamenteuse ou alimentaire induite par les sulfites, de choisir un corticoïde injectable qui ne contienne pas cet antioxydant. • Dans les formes sans signe de gravité de l’urticaire aiguë, il est bien sûr nécessaire de rechercher par l’interrogatoire d’éventuelles causes alimentaires ou médicamenteuses, et de suspendre les traitements ou la consommation des aliments suspects. Le traitement de premier recours repose sur les anti-H1. Une étude comparant l’efficacité de la loratadine à celle de la prednisolone (50 mg/j) a noté une disparition des symptômes plus rapide chez les patients traités par corticoïdes, mais les deux traitements étaient aussi efficaces. Considérant le bénéfice/risque thérapeutique, il paraît donc préférable de débuter par des anti-H1 de 2e génération (13). Considérations sur les anti-H1 Il est préférable d’utiliser les anti- H1 de 2e génération non anticholinergiques. Les anti-H1 pouvant être utilisés durant la grossesse sont la dexchlorphéniramine durant les deux premiers trimestres, si nécessaire l’hydroxyzine durant le 1er trimestre, la cétirizine ou lévocétirizine durant les deux derniers trimestres. La méquitazine peut être utilisée (si absolument nécessaire) durant le 3e trimestre. En raison de données épidémiologiques insuffisantes, les autres anti-H1 sont déconseillés durant la grossesse. Durant l’allaitement, les anti-H1 ne sont pas recommandés. Selon les données du dictionnaire Vidal®, la méquitazine peut être utilisée si nécessaire durant une période limitée à quelques jours (14). Les anti-H1 de 1re génération ont un fort pouvoir anticholinergique qui peut être utile dans les urticaires cholinergiques. Ils sont contre-indiqués en cas de glaucome par fermeture de l’angle ou d’adénome prostatique. Ils entraînent plus d’effets secondaires que les anti-H1 de 2e génération, en particulier une somnolence. Le traitement doit être poursuivi une semaine après l’arrêt d’exposition au facteur déclenchant. Après la phase aiguë Le traitement symptomatique étant mis en oeuvre, il est important, dès la phase aiguë, de rechercher s’il existe une cause à cette urticaire aiguë. Classiquement, il est dit qu’en cas de poussée unique d’urticaire, il n’est pas nécessaire de faire un bilan. Cela doit être modulé en fonction de l’existence de signes de gravité ou si l’interrogatoire met en évidence une probable cause médicamenteuse, alimentaire ou par piqûre d’hyménoptère.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème