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Maladie de système, Médecine interne

Publié le 13 déc 2009Lecture 12 min

Sarcoïdose : les signes d’appel dermatologiques

C. FRANCÈS, Service de dermatologie-allergologie, hôpital Tenon, Paris
La sarcoïdose est une maladie d’étiologie inconnue pouvant toucher tous les organes. Les manifestations dermatologiques y sont très polymorphes et ont un intérêt majeur sur le plan diagnostique.
Les manifestations cutanées de la sarcoïdose seraient présentes dans 20 à 35 % des formes systémiques, isolées dans 25 % des cas environ. Il n’y a pas de corrélation stricte entre le type ou l’étendue de l’atteinte cutanée et l’extension ou l’évolutivité des lésions systémiques. Il est classique de distinguer les manifestations dermatologiques non spécifiques, dominées par l’érythème noueux, des manifestations spécifiques, caractérisées en histologie par la présence de granulomes tuberculoïdes non caséeux. Manifestations cutanées non spécifiques Elles sont considérées comme non spécifiques car elles ne présentent pas de granulomes épithélioïdes à l’examen anatomopathologique.  L’érythème noueux (EN) en est la manifestation la plus fréquente, signalée dans 5 à 25 % des séries (1). Sa fréquence varie en fonction de l’origine géographique et des groupes ethniques, elle est plus faible chez les Noirs et aux États-Unis. L’EN atteint préférentiellement la jeune femme caucasienne au printemps et à l’automne. Révélé par des nouures inflammatoires douloureuses des membres inférieurs, il n’a pas de particularité séméiologique. La biopsie cutanée n’est faite qu’en cas de doute diagnostique avec une vascularite ou une panniculite ; elle met en évidence une hypodermite avec un infiltrat septal composé de polynucléaires neutrophiles puis de lymphocytes et d’histiocytes. Dans près de trois quarts des cas, il est associé à des adénopathies médiastinales bilatérales, d’apparition parfois retardée de quelques semaines. Le parenchyme pulmonaire est normal ou présente déjà une infiltration réticulo-micronodulaire diffuse ou localisée. L’anergie tuberculinique associée est le dernier élément de la triade (érythème noueux, adénopathies hilaires et anergie tuberculinique), caractérisant le syndrome de Löfgren, révélateur de la sarcoïdose dans 20 % des cas. Dès ce stade, des lésions cutanées spécifiques peuvent être intriquées, justifiant leur recherche systématique, notamment sur les anciennes cicatrices. L’ensemble de la symptomatologie est habituellement spontanément régressive. L’érythème noueux évolue vers les teintes de la biligénie locale avant de disparaître ; les adénopathies régressent en quelques mois. La présence d’un érythème noueux témoigne généralement du caractère aigu de la sarcoïdose, alors de pronostic favorable.  Les autres lésions cutanées non spécifiques sont rares. Il s’agit de vascularites, de lésions d’érythème polymorphe, de prurigo… La présence d’un érythème noueux témoigne généralement du caractère aigu de la sarcoïdose. Manifestations dermatologiques spécifiques À l’opposé, les manifestations spécifiques sont surtout l’apanage des formes chroniques, plus fréquentes sur peau noire (1). Malgré leur expression clinique variée, elles ont certaines caractéristiques communes. Les manifestations spécifiques de sarcoïdose se voient surtout dans les formes chroniques. Caractéristiques communes Elles sont indolores, non prurigineuses, souvent infiltrées, non inflammatoires, non oedémateuses, de couleur allant du jaune au violet, de topographie ubiquitaire, même si l’atteinte du visage est particulièrement fréquente et évocatrice. La vitropression fait disparaître l’érythème et apparaître des grains jaunâtres, évocateurs d’un infiltrat épithélioïde, quelle qu’en soit la cause. Contrairement à la clinique, l’aspect histologique est assez univoque avec des granulomes épithélioïdes non caséeux, assez bien limités dans le derme, pouvant s’étendre plus ou moins profondément. Des cellules géantes sont présentes au sein de l’infiltrat, entouré d’une couronne lymphocytaire avec quelques monocytes et éosinophiles. Formes cliniques La classification classique en petits nodules, gros nodules, nodules sous-cutanés, lésions en plaques ou sur cicatrice ne recouvre pas l’ensemble de leurs manifestations cliniques, d’où la proposition d’une nouvelle classification basée sur l’aspect de la lésion élémentaire, le regroupement des lésions et la topographie avec toutes les associations possibles. Selon l’aspect de la lésion, tous les intermédiaires existent entre des lésions en tête d’épingle (figure 1) jusqu’à de volumineux nodules cutanés pseudo-tumoraux (figure 2). Des lésions planes rouge foncé peuvent simuler une vascularite. L’aspect translucide de certaines lésions peut donner le change avec des lésions vésiculeuses. Ailleurs, les lésions peuvent être érythémato-squameuses, ichtyosiformes, achromiques, atrophiques ou ulcérées. Suivant le regroupement des lésions, elles forment des plaques plus ou moins infiltrées ou des lésions annulaires plus ou moins évocatrices (figure 3). Figure 1. Sarcoïdes en tête d’épingle. Figure 2. Volumineux nodules sous-cutanés. Figure 3. Sarcoïdes annulaires. Enfin, la topographie confère certaines particularités aux lésions de sarcoïdose. Contrairement à la clinique, l’aspect histologique est assez univoque.  Le lupus pernio, touchant l’extrémité du nez, est souvent confondu avec une simple acrocyanose (figure 4) ; la pointe du nez y est cependant plus rouge que bleue et discrètement infiltrée.  La sarcoïdose angio-lupoïde réalise un placard érythémateux, infiltré et télangiectasique, localisé sur le nez, les joues, l’angle interne de l’oeil, pouvant évoquer un lupus, du fait de la disposition en vespertilio (figure 5).  Les sarcoïdes sur cicatrices sont caractéristiques, permettant de faire le diagnostic de sarcoïdose avant la confirmation histologique. Il s’agit d’anciennes cicatrices qui brutalement changent d’aspect, devenant inflammatoires, infiltrées, d’allure pseudo-chéloïdienne (figure 6). Figure 4.Lupus pernio. Figure 5.Sarcoïdose angiolupoïde. Figure 6.Sarcoïde sur cicatrice.  L’atteinte distale des doigts donne des déformations unguéales pseudo-lichéniennes définitives (figure 7). Figure 7. Sarcoïdose avec atteinte unguéale.  Sur le cuir chevelu, les sarcoïdes peuvent conduire à des plaques d’alopécie cicatricielle, généralement infiltrées.  Dans la muqueuse buccale, l’aspect clinique est identique à celui de la maladie de Crohn, à type de lésions polypoïdes ou d’hyperplasie oedémateuse et fissurée de la face interne des joues ou des lèvres, réalisant un aspect en pavé (cobblestone) ou une chéilite granulomateuse.  Sur les organes génitaux externes, les lésions papuleuses, éventuellement regroupées en anneaux sont les plus fréquentes. Certaines localisations sont associées préférentiellement à des atteintes systémiques. Ainsi, les lésions diffuses des doigts boudinés ou les atteintes unguéales sont associées à une atteinte osseuse sous-jacente. Le lupus pernio du nez doit faire pratiquer un scanner pour visualiser l’atteinte ORL sous-jacente. L’atteinte pulmonaire serait plus fréquente en cas de lupus pernio et de sarcoïdose sur cicatrice (2). L’atteinte pulmonaire serait plus fréquente en cas de lupus pernio et de sarcoïdose sur cicatrice. Sarcoïdoses induites par des traitements La symptomatologie clinique de la sarcoïdose est identique, que la sarcoïdose soit spontanée ou induite par des traitements, notamment par l’interféron alpha et les anti-TNF. L’interféron alpha ou bêta L’interféron alpha, sécrété au cours de la réponse immunitaire de type Th1, stimule à son tour la différenciation des lymphocytes vers une réponse Th1, active les macrophages et les cellules T cytotoxiques. Or, la réponse immunitaire au cours de la sarcoïdose est essentiellement de type Th1. Il n’est pas surprenant que les traitements au long cours par interféron alpha ou bêta puissent induire des sarcoïdoses. Celles-ci surviennent quelle que soit la pathologie traitée (hépatite C essentiellement, mais aussi leucémie myéloïde, myélome, mélanome, etc.) et quel que soit le type d’interféron, pégylé ou non (3,4). La ribavirine, souvent donnée en association avec l’interféron en cas d’hépatite C, inhibe la production de cytokines Th2, tout en préservant la réponse Th1, d’où un effet renforcé de l’association sur la production de granulome (4). En dehors de la peau, les atteintes pulmonaires, hépatiques et rénales sont fréquentes. Toutes les atteintes régressent habituellement après l’arrêt du traitement et récidivent lors de sa reprise. Le traitement immunosuppresseur prescrit dans le cadre d’une transplantation hépatique n’a pas permis de prévenir cette récidive dans un cas personnel. Les anti-TNF Plus récemment, des observations similaires ont été rapportées avec les anti-TNF (étanercept surtout mais aussi infliximab et adalimumab). Le TNF est également une cytokine jouant un rôle majeur dans la formation du granulome sarcoïdosien avec un effet bénéfique des anti-TNF dans de nombreuses observations. Paradoxalement, les anti-TNF sont également capables d’induire de novo ou de favoriser les récidives de sarcoïdose (5,6). Les maladies pour lesquelles ils sont prescrits sont essentiellement des polyarthrites rhumatoïdes, mais aussi des spondylarthrites ankylosantes et des rhumatismes psoriasiques. Dans la majorité des cas, la sarcoïdose régresse à l’arrêt du traitement anti-TNF. Diagnostics différentiels Le polymorphisme des lésions cliniques de sarcoïdose cutanée pourrait amener à discuter tous les diagnostics dermatologiques. Aussi est-il nécessaire de restreindre cette discussion aux lésions dermatologiques avec infiltrats épithélioïdes histologiques.  Les infections doivent être éliminées prioritairement par les cultures sur milieux appropriés : tuberculose, mycobactéries atypiques, lèpre tuberculoïde, leishmaniose, mycoses. Nous ne ferons que les citer. • Plus intéressants sont les granulomes à corps étrangers, qui peuvent être des xénobiotiques inorganiques, organiques, ou des substances endogènes (tableau 1). Certaines de ces substances sont injectées dans le revêtement cutanéo-muqueux pour des raisons esthétiques. Lorsqu’ils sont en quantité abondante, ils peuvent induire des granulomes disséminés viscéraux simulant une sarcoïdose systémique (silicone, paraffine). Ailleurs, le granulome à corps étranger peut être la première manifestation cutanée d’une véritable sarcoïdose (7) (figure 8), systémique ou non, réalisant un phénomène de Koebner sur la zone injectée (tatouage, substances de comblement des rides). Les réactions à corps étranger peuvent apparaître de quelques semaines à de nombreuses années après les injections de produits de comblement des rides. Elles sont heureusement rares (0,01-1 %), peut-être plus fréquentes en cas d’hépatite C réplicative associée, nécessitant un traitement antiviral. Si cette augmentation de fréquence était confirmée, elle justifierait la réalisation d’une sérologie d’hépatite C avant toute injection de matériel étranger à visée esthétique. Les granulomes à corps étranger peuvent simuler ou être une sarcoïdose.   Figure 8. Sarcoïdose sur les zones d’injection de divers produits de comblement de rides. • Le caractère pustuleux des rosacées tuberculoïdes permet de les différencier des sarcoïdes. • Les lésions métastatiques des entérocolites inflammatoires sont similaires à la sarcoïdose dans la bouche mais non sur les organes génitaux féminins où le lymphoedème est beaucoup plus important. • Enfin, certains lymphomes épithélioïdes peuvent également simuler une sarcoïdose. Traitement des sarcoïdes cutanées • Les corticoïdes Le traitement de première intention de la sarcoïdose est la corticothérapie orale, efficace dans la majorité des cas, avec une doseseuil variable d’un malade à l’autre et en fonction des organes atteints(8-10). Lorsque l’atteinte cutanée est isolée ou persiste après guérison des atteintes systémiques, la corticothérapie générale ne semble pas justifiée du fait d’un niveau généralement trop élevé de cette dose-seuil. Une corticothérapie locale ou intralésionnelle peut être prescrite. En cas d’inefficacité ou d’impossibilité de ces traitements, d’autres alternatives thérapeutiques ont été proposées avec un niveau de preuve dans l’ensemble assez faible (tableau 2). • Les antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine et chloroquine) ont été utilisés avec plus ou moins de succès dans les formes cutanées isolées, mais aussi dans les atteintes ORL peu sévères ou pulmonaires, et en cas de troubles du métabolisme phosphocalcique. • Les cyclines (minocycline ou doxycycline) pourraient avoir un effet sur certaines lésions cutanées. La doxycycline est à utiliser de préférence car moins pourvoyeur d’effets secondaires.  Le méthotrexate Parmi les immunosuppresseurs, le méthotrexate (10 à 30 mg/ semaine) est le plus prescrit, seul ou comme moyen d’épargne cortisonique, et considéré souvent comme un traitement de 2e ligne après les corticoïdes. Les effets thérapeutiques sont retardés, après au moins 6 mois de traitement. Le méthotrexate est considéré souvent comme un traitement de 2e ligne après les corticoïdes.  Le thalidomide a donné des bons résultats dans quelques séries ouvertes, d’où la mise en route d’un protocole national randomisé dont les résultats ne sont pas encore connus.  L’isotrétinoïne et l’allopurinol ont été essayés avec succès dans des cas isolés.  Les anti-TNF, en particulier l’infliximab, se sont révélés efficaces, non seulement sur la peau mais aussi dans de nombreuses formes viscérales. Rappelons qu’ils peuvent également induire des sarcoïdoses.  Enfin, certains lasers (CO2, colorant, KTP) ont été utiles avec des résultats cosmétologiquement satisfaisants notamment dans des lupus pernio ou des sarcoïdes sur cicatrice(11-13). Conclusion Le diagnostic de sarcoïdose cutanée est en règle facile, excepté lors d’association à des granulomes à corps étrangers. Toute sarcoïdose, apparaissant sous interféron ou anti-TNF doit faire suggérer une origine médicamenteuse. Le traitement des sarcoïdes cutanées isolées ou résiduelles est parfois très difficile du fait de leur caractère chronique et affichant avec résistance aux traitements usuels.

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