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Laser et autres techniques

Publié le 17 juin 2008Lecture 8 min

Quelle place pour le laser femtoseconde dans le traitement des lésions pigmentaires ?

J.-L. MICHEL, Saint-étienne
Le traitement des lésions pigmentaires par laser n’a pas subi d’amélioration depuis environ 10 ans et l’apparition des lasers Q-switched. Le détatouage par laser Q-switched est très long. Les pigments actuels peuvent nécessiter plus de 20 séances, et certaines couleurs(vert, turquoise) sont difficiles voire impossibles à détruire. D’autres pathologies pigmentaires, notamment les nævus congénitaux, n’ont pas trouvé actuellement de réponse avec les lasers.
L’alternative à la chirurgie des nævus congénitaux, qui nécessite souvent 10 à 15 temps opératoires, serait de disposer d’un traitement, éventuellement, par laser pigmentaire (1) peu douloureux et sans suite. Mais pour l’instant, l’efficacité n’est pas encore au rendez-vous. La détresse psychologique induite par ces nævus sur le plan pigmentaire et la pilosité est majeure, ce qui justifie ces traitements. À l’instar des angiomes, qui étaient opérés, peut-être pourront-nous proposer dans quelques années des traitements lasers à ces patients. Encore une fois, ce seront peut-être les ophtalmologistes qui nous apporteront une solution, comme ce fût le cas pour les lasers argon, à colorant pulsé ou excimer, ayant été les premiers à les utiliser. Depuis 2004 aux États-Unis, les ophtalmologistes utilisent des lasers femtosecondes dans le traitement chirurgical de la myopie. Ce laser émet des ondes lumineuses ultra-brèves qui créent des microbulles de gaz résultant de la vaporisation du tissu cornéen juste sous la surface de 3 mm. Ces milliers de bulles juxtaposées permettent de fendre ou de cliver la cornée par une action photodisruptive. Il se crée ainsi un volet cornéen d'épaisseur très précise, découpé parfaitement à la profondeur programmée. Ce laser entraîne beaucoup moins d'effets secondaires tissulaires. La découpe du volet est beaucoup plus précise qu'avec le microkératome, ne présente pas de variabilité en épaisseur, et ne dépend pas des caractéristiques de l'œil (taille et courbure de la cornée). Nous rapportons ici la première étude du retentissement d’un faisceau laser femtoseconde sur un tissu cutané humain. Principe physique Le laser femtoseconde a été inventé au début des années 1980 et a pu être commercialisé dès 1990. La caractéristique principale de cet appareil est de travailler avec des impulsions extrêmement brèves, de l'ordre de 500 femtosecondes (1 fs = 10-15 seconde) pour une puissance de 109 watts (gW). Cette faible durée d'impulsion permet d'éviter les effets thermiques. En effet, le rayon laser est tellement bref qu'il ne peut pas faire bouger les atomes ; il a en revanche comme effet d'arracher les électrons des atomes (ionisation) et donc de former des ions qui vont créer un plasma froid (mélange gazeux d'ions et d'électrons). L'énergie transférée aux électrons ne leur permet pas d'aller très loin, et on assiste à une recombinaison des ions dans un espace proche de l'ionisation. La vaporisation de la matière se fait par sublimation (passage de l'état solide à l'état gazeux). Cela aboutit à la création de plus de 600 000 petites bulles de gaz contiguës (figure 1). Figure 1. Modification physique après tir laser femtoseconde : micro-bulles de gaz résultant de la vaporisation du tissu de 3 microns de diamètre. Ce femtolaser est un laser solide qui fonctionne dans l'infrarouge (1 053 nm). Il permet une découpe améliorée du capot cornéen pratiquée dans la technique du Lasik (figures 2 et 3) et offre même la possibilité d'une chirurgie sans instrument (sans utilisation de microkératome). Il agit dans un milieu d'amplification solide et crée en unité femtoseconde des mini-spots espacés de 5 à 12 µm se rejoignant avec cavitation au sein du stroma cornéen (création de microcavités contiguës). Les différents points de photodissection sont contrôlés par le repositionnement répété du foyer du laser.  Figure 2 a, b. Découpe d’un capot cornéen par la technique du Lasik femtolaser.    Figure 2 c, d. Découpe d’un capot cornéen par la technique du Lasik femtolaser.    Figure 3. Ablation du capot cornéen après Lasik femtolaser. La progression du tir s’effectue à partir de la charnière et va vers la profondeur, avec une précision telle que la déviation standard théorique n’est que de + 4 µm pour une déviation clinique de 12 µm, ce qui est actuellement le système le plus précis. Une fois focalisé au plan choisi, il se produit une rupture optique à basse énergie sans effet thermique ni effet de souffle dans le plan lamellaire prédéterminé. Il n’y a pas d’ablation de tissu mais une microdissection intralamellaire par création de bulles mixant de l'eau et du carbone dioxyde. À partir du point focalisé de l'impulsion, il se produit une onde provoquant la libération d'un gaz qui écarte les tissus, diffuse et se dilue en laissant à la fin de sa disparition une zone de mini-ablation tissulaire. Le retentissement sur les couches tissulaires supérieures et inférieures est nul. Il y a une forte puissance de crête au niveau de l'impact grâce à la faible durée de l'impulsion. On observe une absorption multiphotonique importante dans le matériau : le milieu transparent devient localement absorbant. La propagation d'impulsions du laser femtoseconde dans l'air conduit à une auto-focalisation du faisceau. La propagation d'impulsions femtosecondes a pu être observée sur des distances dépassant 100 m. Les impulsions laser femtoseconde permettent de modifier de façon permanente les propriétés optiques de matériaux transparents, tels que le verre ou la silice, sur des dimensions microscopiques, de façon contrôlée. Dans l’eau, la transmission est filamentaire (12). Les physiciens ont déjà travaillé sur des lasers qui délivrent des impulsions de durée encore plus brève, de l'ordre de l'attoseconde, soit 10-18. En dehors des difficultés importantes pour mettre au point ce type d'attolaser, les électrons recevant une très grande énergie sont très accélérés et traversent des distances importantes. Ils seraient alors responsables de lésions organiques majeures (altérations de l'ADN, création d'ions oxydants), donc on peut penser que l’on ne s'en servira pas en médecine. Matériel utilisé en ophtalmologie C'est la société Intralase Corp. (Irvine, Californie), qui a mis au point le laser ophtalmologique d'une longueur d'onde de 1 µm, délivrant des impulsions d'une durée de 500 fs, après avoir mis une lentille contre la cornée pour aplanir celle-ci.   L'appareil IntraLase FS2 La firme IntraLase le construit aux États-Unis et a déjà vendu près de 150 lasers. L'expérience est donc fondée sur les données cliniques américaines. Les premières machines sont arrivées en France en juillet 2004. Le coût de la machine est élevé : 400 000 e (Smart Optic). Chaque kit d'interface patient est à usage unique et offre un anneau comportant une lentille plane et est vendu à 150 e. C'est dire que la procédure est chère et demande des débits significatifs pour simplement couvrir le retour sur investissement.   Le laser Femtek La société 20/10 Perfect Vision propose aussi un laser femtoseconde, le Femtek, qui ne demande pas d'aplanation, car une lentille courbe focalise le rayonnement dans la cornée. Ce dispositif est construit en Allemagne. Son principe et ses mécanismes sont proches de l'IntraLase. La fréquence de tir du Femtek est très inférieure à celle de l'lntraLase FS2. Il en diffère surtout par l'anneau d'immobilisation qui ne demande pas d'aplanation, puisque le tir assure son propre alignement par perpendicularité. Action sur le tissu cutané Une ablation cutanée de 0,1 mm est obtenue à un pic d’intensité de 46 TW/cm2 (1 terawatt [TW] = 1012 watts) (3). Elle s’accroît avec l’augmentation de la puissance et du nombre de pulse. Mais les dégâts sur les tissus adjacents restent limités de 0 à 30 mm. Il y a donc une possibilité d’utilisation en effet de coupe pour la chirurgie cutanée de précision (3,4). La puissance pour laquelle le laser induit dans 50 % des cas des dommages a été estimée sur des animaux (persistance d’un érythème sur le site d’irradiation à 48 heures (5)). Sur une peau porcine (4), des tirs ont été réalisés avec un laser de longueur d’onde 810 nm, de durée de pulse de 50 fs et avec une énergie de 1 à 2 TW. La lésion visible minimale apparaît au bout d’une heure pour 8 mJ et 24 heures à 21 mJ. Les pulses uniques produisent seulement des dégâts superficiels qui disparaissent en 24 heures. Une énergie 3 fois supérieure est nécessaire pour créer des dommages cellulaires. L’irradiation nécessaire pour engendrer une augmentation de l’activité clonogénique est mille fois plus faible avec le laser femtoseconde qu’avec une irradiation continue (7). L’étude in vivo sur des souris ne montre pas d’altération tissulaire ou biochimique après irradiation, notamment pas de conséquence sur l’ADN (11). Le laser femtoseconde peut aussi être utilisé pour la photothérapie dynamique (8,9). Il a aussi été étudié pour la chirurgie des osselets de l’oreille moyenne (10). Conclusion En somme, la tolérance cutanée est bonne. Il n’y a notamment pas de conséquence sur les cellules mélaniques. Le traitement des lésions mélaniques bénignes,  tatouages, tâches café au lait, naevus de Ota… pourrait donc être envisagé avec ce type de laser. Cela devrait permettre de diminuer le nombre de séances jusqu’alors nécessaires  pour ces traitements.                    

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