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Publié le 05 fév 2008Lecture 12 min

Quand rédiger un certificat de maladie professionnelle ?

D.-A. DUPAS Hôtel-Dieu, Nantes
Les maladies professionnelles indemnisables sont celles qui figurent dans les tableaux des maladies professionnelles créés et modifiés par voie réglementaire et dont le contenu évolue avec les connaissances scientifiques. Elles ne concernent que les salariés (privé et public) et les exploitants agricoles ; les indépendants et les professions libérales en sont exclus.
Il existe 112 tableaux de maladies professionnelles répertoriés dans le régime général (RG) et 59 dans le régime agricole (RA) au 30 avril 2007, mais en raison de tableaux abrogés et de numéros bis et ter, le dernier tableau porte le n° 98 dans le régime général et 57 bis dans le régime agricole. Pour la simplicité de l’exposé et parce que les salariés du régime général sont de loin les plus nombreux, nous ne parlerons que du régime général dans la suite de l’exposé. Parmi les affections figurant dans ces tableaux, certaines sont susceptibles de concerner les spécialistes ORL, pneumologues et allergologues. Ce sont essentiellement : – la surdité (tableau 42) ; – les rhinites et les asthmes (tableaux spécifiques d’une nuisance (tableaux 43 pour le formol et 62 pour les isocyanates…) ou tableau « fourre-tout » tel que n° 66 qui inclut la farine ; – l’irritation des voies aériennes supérieures ; – certains cancers concernant les sinus de la face et l’appareil bronchopulmonaire : tableau 47 pour le cancer de l’ethmoïde dû aux poussières de bois, tableau 30 bis pour le cancer bronchique en cas d’exposition à l’amiante ; – les pneumopathies d’hypersensibilité. Il est utile de savoir que la liste exhaustive, et régulièrement mise à jour de ces tableaux de maladies professionnelles, est consultable sur le site de l’INRS (inrs.fr).   Quelles conséquences pour le patient ? Les avantages pour le salarié • En cas d’arrêt de travail, les indemnités journalières seront versées dès le premier jour et elles seront plus élevées qu’en cas de maladie ordinaire (même régime que pour l’accident du travail). Attention ! l’indemnisation ne démarre qu’à compter de la réception du certificat par la caisse d’assurance maladie. • En cas de séquelles, un taux d’incapacité permanente partielle sera fixée par le médecin conseil au moment de la consolidation, ouvrant droit à un capital versé en une seule fois si le taux d’IPP est < 10 % et à une rente versée trimestriellement si le taux d’IPP est ≥ 10 % (même régime que pour l’accident du travail). • Si la reprise du travail au même poste est impossible, l’employeur à une obligation de rechercher un poste adapté et, en cas d’impossibilité de reclassement dans l’entreprise, le salarié peut bénéficier d’une formation rémunérée en vue d’un reclassement à l’extérieur. Inconvénients pour le patient • Une affection indemnisée au titre de la maladie professionnelle ne peut pas, à elle seule, être le motif d’une mise en invalidité 1re ou 2e catégorie de la Sécurité sociale, car une même affection ne peut pas être indemnisée 2 fois ; le régime de l’invalidité pouvant être plus favorable, il faut y penser chez les salariés de plus de 50 ans. • Lorsque l’affection est reconnue maladie professionnelle, l’employeur en sera obligatoirement informé (le secret médical tombe partiellement en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle) de sorte que certains salariés qui craignent d’être stigmatisés renoncent parfois à envoyer à la caisse le certificat médical qui leur a été remis. Conduite à suivre pour le médecin Si, lors de sa consultation d’un patient salarié ou exploitant agricole, l’attention du médecin est attirée par la chronologie particulière de symptômes ou par la nature de l’affection, il doit approfondir l’interrogatoire professionnel en s’aidant : – soit du médecin du travail du patient (tout salarié du secteur privé ou agent de la fonction publique est suivi par un médecin du travail ou de prévention) ; – soit de la consultation de pathologie professionnelle de la région concernée (il en existe une dans la plupart des CHU) à laquelle il peut adresser le patient (le salarié n’aura aucun besoin d’avancer de l’argent). En présence d’un médecin du travail Notre conseil dans ce cas est de remettre au patient une lettre non cachetée destinée à la médecine du travail et rédigée ainsi : « Mon cher Confrère,  Monsieur X… présente une rhinite (ou un asthme, ou un cancer, ou une surdité…) qui me semble (ou qui lui semble) pouvoir être  reliée à son activité professionnelle ; j’aimerais avoir votre avis à ce sujet. » Le médecin du travail, au reçu de ce courrier, pourra très utilement, par sa connaissance du poste de travail, contribuer à la mise en évidence du lien de causalité et donc à l’argumentation d’un certificat de maladie professionnelle. Son avis conforté par l’accord du spécialiste pourra entraîner la rédaction d’un certificat de maladie professionnelle. En l’absence du médecin du travail   Démarche du médecin libéral Lorsque, après enquête ou en l’absence d’enquête si le sujet n’a pas encore ou n’a plus de médecin du travail, le médecin suspecte fortement que l’affection qu’il a observée (irritation simple, rhinite, asthme, cancer, etc.) est au moins en partie attribuable à l’activité professionnelle, il est légalement tenu de rédiger un certificat médical signalant cette affection : c’est-ce qu’implique l’article L 461-6 du code de la Sécurité sociale. Le plus simple pour le médecin libéral est de rédiger sur papier libre (l’imprimé CERFA, disponible dans les caisses primaires, destiné au certificat initial de maladie professionnelle a même valeur juridique) un certificat faisant état de l’affection constatée, de l’agent causal présumé et, si possible, du numéro du tableau sans préjuger du lien de causalité. Ce certificat pourra être rédigé de la façon suivante : « Je soussigné Dr X… certifie que Madame Y… présente un asthme qui semble être en rapport avec des tâches de désinfection lors de son métier d’aide-soignante. » Ou « Je soussigné Dr X… certifie que Monsieur Y…, menuisier, présente une rhinite déclenchée par l’exposition aux poussières de bois. »   Démarche du patient La possession du certificat par le patient, accompagné d’une explication, est la preuve que le patient a été informé de l’origine professionnelle possible de sa maladie. Il appartient alors au patient d’envoyer lui-même, s’il le souhaite, ce certificat à l’organisme d’assurance maladie dont il dépend, accompagné d’un imprimé de déclaration de maladie professionnelle qu’il aura rempli lui-même. Cet imprimé est disponible dans les caisses primaires d’assurance maladie mais peut également être adressé au salarié par la caisse après réception du certificat médical afin que le dossier puisse être complété. Les agents de la fonction publique peuvent rédiger sur papier libre leur souhait de voir leur affection reconnue au titre des maladies professionnelles. Ce n’est que lorsque les deux documents (certificat médical + déclaration par le patient) sont réunis que la caisse peut commencer l’analyse du dossier. Le devenir du dossier Le service administratif de la caisse examine la recevabilité du dossier. Le cas est simple Toutes les conditions du tableau sont remplies : – l’affection mentionnée par le médecin figure bien dans la première colonne du tableau ; – le délai de prise en charge (délai écoulé entre la cessation de l’exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie) est respecté conformément à la deuxième colonne du tableau ; – la nuisance ou le travail effectué par le patient correspondent à l’énoncé de la troisième colonne du tableau. Alors, la maladie sera présumée professionnelle (la preuve du lien de causalité n’est pas nécessaire) et le salarié recevra dans un délai de 2 mois une notification de la caisse lui octroyant le bénéfice de la maladie professionnelle. Le cas est  complexe Il peut s’agit des cas où l’affection figure bien dans la première colonne du tableau mais dont le délai de prise en charge est dépassé ou que les travaux effectués ne sont pas conformes à la liste de la troisième colonne. Ou bien, l’affection ne figure pas dans la liste des affections désignées et la caisse primaire soumettra le dossier à l’expertise d’un comité spécial chargé d’examiner les cas n’entrant pas dans le cadre des tableaux : le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Cet organisme se compose d’un médecin conseil, d’un médecin inspecteur du travail et d’un praticien hospitalier spécialiste des maladies professionnelles. Ce comité donnera un avis favorable ou défavorable à la prise en charge, et la décision finale sera notifiée par la caisse primaire concernée. Si un avis favorable est donné, le patient pourra être indemnisé dans les mêmes conditions que si l’affection avait été d’emblée conforme aux tableaux. Quelles conséquences pour l’employeur ? Dans les entreprises de plus de 20 salariés, le taux des cotisations d’accident du travail et de maladie professionnelle est, en partie ou totalement, proportionnel au nombre d’accidents du travail ou de maladies professionnelles reconnus dans l’entreprise. En cas d’IPP > 10 %, l’employeur est financièrement pénalisé. Ce qu’il ne faut pas faire   Rédiger un certificat de maladie professionnelle sans avoir la conviction minimale qu’il y a bien un lien entre l’affection et le travail ; tout refus de prise en charge par la caisse est mal vécu par le patient qui pense qu’un certificat médical vaut acceptation du dossier.   Encourager le patient à contester un taux d’incapacité ou le conforter dans sa contestation sans avoir des arguments solides pour le faire et, en particulier, sans connaître les barèmes utilisés par les médecins conseils. Le patient se croira toujours lésé si le taux accordé par la caisse est nettement inférieur à celui qui avait été suggéré, parfois hâtivement, par le médecin traitant. Cas cliniques Exemple 1 Un homme de 32 ans, maître nageur, consulte l’ORL pour une rhinite chronique majorée sur les lieux de travail et ayant disparu lors d’un arrêt de travail prolongé (fracture de jambe) ; l’examen ORL retrouve une muqueuse inflammatoire sans polype. Le bilan allergologique réalisé quelque mois plutôt était négatif. Le patient est affecté essentiellement à la surveillance de la baignade qui nécessite sa présence plusieurs heures par jour au bord du bassin ; il est également amené à donner des leçons aux scolaires qui fréquentent la piscine. Le médecin du travail, informé du problème, fait savoir que la commune a fait procéder à des prélèvements d’atmosphère qui ont révélé une concentration en chloramines (trichlorure d’azote principalement) supérieure aux valeurs recommandées. Au vu de ces données, il est licite de rédiger le certificat médical suivant : – certificat idéal : « Rhinite récidivant à chaque exposition chez un maître nageur exposé aux chloramines dans une piscine ; tableau MP n° 66, alinéa 34 ; » – certificat acceptable : « Rhinite récidivant à chaque exposition chez un maître nageur exposé aux produits chlorés dans une piscine .» Exemple 2 Une femme de 40 ans, employée dans une onglerie, consulte un allergologue après l’apparition, quelques mois après l’embauche d’une rhinite suivie d’épisodes de dyspnée asthmatiforme, survenant exclusivement sur le lieu de travail. Les prick-tests aux aéroallergènes communs sont négatifs. Et la composition des produits manipulés (colle et résine qu’elle étale en couches successives sur les ongles de la cliente jusqu’à obtention d’un ongle long et bombé à souhait…), que la patiente a apportés, est impénétrable pour l’allergologue qui décide d’adresser la patiente à la consultation de pathologie professionnelle du CHU voisin. L’analyse des fiches de données de sécurité obtenues auprès de l’employeur (ou à défaut du fournisseur) montre que les résines utilisées sont à base d’acrylates dont le pouvoir sensibilisant cutané et respiratoire est connu. Un test de provocation réaliste peut être tenté ; on demande à la patiente de réaliser sur la main du médecin le geste professionnel habituel et à observer la réaction  ! On peut également réaliser des prick-tests en milieu spécialisé, avec les produits manipulés dont l’interprétation est délicate. En l’absence de test diagnostique validé, la récidive à chaque exposition à une substance pathogène connue suffit à la reconnaissance en maladie professionnelle. Un certificat est remis à la patiente : « Rhinite aux résines acryliques récidivant à chaque exposition chez une employée d’onglerie, tableau 66. » Étant donné que les acrylates utilisés en onglerie ne figurent pas dans la liste limitative des travaux du tableau 66 (seules y figurent les colles au cyanoacrylate), la CPAM soumettra le dossier au comité d’experts (CRRMP) qui, dans un cas aussi net, donnera un avis favorable, et ce d’autant plus facilement que la patiente aura été vue dans un centre spécialisé. Dans ces deux cas, l’éviction du poste, inévitable même avant l’apparition de l’asthme étant donné l’inconfort majeur d’une rhinite sévère dans ce type d’emploi, entraînera la guérison et une reconversion professionnelle pourra être entreprise. 

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