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Allergologie

Publié le 24 mai 2009Lecture 11 min

Les réactions de type allergique aux médicaments anti-infectieux chez l'enfant

C. PONVERT Service Pneumologie, Dermatologie & Allergologie pédiatriques Hôpital Necker-Enfants Malades

Les réactions allergiques aux médicaments anti-infectieux chez l’enfant sont-elles aussi fréquentes que le pensent les parents et les médecins, et quelle est la conduite à tenir ? Seule une minorité de ces réactions résulte d’une réelle hypersensibilité médicamenteuse. La valeur diagnostique des tests in vitro étant faible, le diagnostic repose avant tout sur l’anamnèse, des tests cutanés avec les médicaments accusés, lorsqu’ils sont fiables et validés, et/ou sur les tests de réintroduction.

Épidémiologie Selon les résultats des études épidémiologiques, 7 à 15 % des enfants rapportent des réactions susceptibles d’évoquer une hyper-sensibilité (HS) aux médicaments anti-infectieux, les bêtalactamines étant les plus fréquemment accusées (50-75 % des cas), avant les autres antibiotiques (25-30 %) et les sulfamides (10-20 %). Les réactions les plus fréquentes sont les rashs maculopapuleux (RMP) et des réactions plus ou moins bien identifiées (≈ 75 %), les urticaires et les angioedèmes (20-25 %). Les autres réactions (anaphylaxie, érythème polymorphe, toxidermies potentiellement sévères, etc.) sont rares, à l’exception de la (pseudo) maladie sérique, qui survient surtout chez les jeunes enfants traités par des céphalosporines de première génération (C1G). La fièvre, les manifestations cutanées et les arthralgies prédominent. La guérison s’effectue sans séquelle en 10-15 jours, et les récidives sont rares. Les bêtalactamines sont de loin les médicaments les plus souvent en cause. Selon les études fondées sur des tests cutanés (TC) et les tests de réintroduction, seule une minorité (extrêmes : 2-60 %) des réactions relève d’une HS médicamenteuse. Le risque que la réaction relève d’une HS allergique est élevé chez les enfants rapportant des réactions immédiates (survenant moins d’1 à 2 heures après le début du traitement ou la dernière prise) et/ou anaphylactiques graves. Il est beaucoup plus faible dans les réactions d’autres types et de chronologie non immédiate, à l’exception des rares cas de toxidermie potentiellement sévère (pustulose exanthématique aiguë généralisée [PEAG], nécro-épidermolyse toxique [NET], drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms [DRESS], etc.). Chez les autres enfants, la réaction résulte le plus souvent de l’infection ayant motivé la prescription de médicaments anti-infectieux et, parfois, d’une HS allergique ou non allergique (intolérance) à des médicaments associés, comme les antalgiques, antipyrétiques et antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS). Enfin, un terrain atopique personnel n’influence pas le risque d’HS aux médicaments anti-infectieux en termes de fréquence, mais il pourrait majorer la gravité des réactions anaphylactiques. Bêtalactamines Diagnostic des hypersensibilités immédiates Après un interrogatoire « policier » (tableau 1), le diagnostic repose essentiellement sur les tests cutanés (TC) et, éventuellement, les tests de réintroduction. Actuellement, en effet, la valeur diagnostique des tests in vitro explorant les HS immédiates (HSI) (dosage des IgE sériques spécifiques, tests d’activation des basophiles) et non immédiates (test d’activation lymphocytaire) aux bêtalactamines est faible, et, mis à part les dosages d’IgE spécifiques, qui ne sont disponibles que pour les pénicillines G et V, l’ampicilline, l’amoxicilline et le céfaclor, ces tests ne peuvent être réalisés que dans des laboratoires très spécialisés.   Tests cutanés Les TC à lecture immédiate (pricks et intradermoréactions, lus à 15-20 min) explorent les réactions évoquant une HSI (urticaire avec ou sans angioedème et anaphylaxie, de chronologie immédiate ou très accélérée). Ils sont effectués avec les formes solubles des bêtalactamines des diverses classes, selon un protocole codifié dont la valeur diagnostique est très bonne ; ils permettent d'identifier les patients sensibilisés à une seule ou à plusieurs bêtalactamines d'une même classe ou de classes différentes. Le risque de réactivité croisée, qui résulte pour l’essentiel d’homologies entre les chaînes latérales des bêtalactamines (tableau 2), et notamment entre celles des pénicillines et des céphalosporines de première génération (C1G), est particulièrement élevé chez les patients rapportant des réactions anaphylactiques.   Tests de réintroduction Lorsque les TC à lecture immédiate sont négatifs, le diagnostic repose sur les tests de réintroduction. Ces derniers sont effectués en milieu hospitalier, sous surveillance étroite, et ne sont indiqués que lorsque la bêtalactamine suspecte est jugée indispensable ou très utile. Certains auteurs ont suggéré que les tests de réintroduction pourraient réactiver une sensibilisation latente non détectable, et faire ainsi courir au patient le risque de réaction lors d'un traitement ultérieur. Toutefois, d’autres études indiquent que ce risque est nul ou très faible (≤ 1-2 %).   Quand tester ? Le bilan ne doit pas être effectué trop tôt après la réaction. En effet, une sensibilisation transitoire est fréquemment détectée au cours et au décours d’un traitement bien toléré ; par ailleurs, chez les sujets allergiques aux bêtalactamines, le taux de sensibilisation, faible au décours de la réaction, augmente pour atteindre son maximum au 3e-6e mois. Il ne faut pas non plus attendre trop longtemps, compte-tenu du taux annuel élevé de négativation des TC et des dosages d’IgE spécifiques. La période optimale pour effectuer le bilan se situe donc probablement entre la 6e semaine et le 3e-6e mois, même si, chez les patients polysensibilisés, le taux de négativation des tests est plus faible que chez ceux qui sont monosensibilisés. La période optimale pour effectuer le bilan se situe probablement entre la 6e semaine et le 3e-6e mois après la réaction. Les hypersensibilités non immédiates Le diagnostic des réactions d’HS non immédiate repose sur les TC (intradermoréactions, patch-tests), dont la lecture est usuellement effectuée à 48-72 h (retardée). Certains auteurs effectuent aussi des lectures à 6-8 h (semi-retardée) et à J6-J7 (hyper-retardée). Ces tests ont été positifs chez des enfants rapportant des RMP ou des urticaires non immédiates, des (pseudo) maladies sériques et des toxidermies (poten-tiellement) sévères. Cependant, leurs sensibilité et spécificité sont imparfaites et, dans notre expérience, les deux tiers des sensibilisations non immédiates ont été révélés par les tests de réintroduction. Il est possible d’effectuer des réintroductions en ambulatoire, sur plusieurs jours, aux doses thérapeutiques usuelles, lorsque les TC à lecture retardée sont négatifs, mais ces réintroductions sont réservées aux enfants rapportant des réactions peu graves et sont formellement contre-indiquées chez les enfants rapportant des toxidermies (potentiellement) sévères. Les réactivités croisées, entre les pénicillines elles-mêmes et les pénicillines et les céphalosporines, sont rares chez les enfants atteints d’HS non immédiate aux bêtalactamines. Chez ces derniers, dans l’attente du bilan allergologique, il est donc possible, sans grand risque, de prescrire des bêtalactamines des autres classes que celles qui sont accusées. Enfin, les sensibilisations non immédiates aux bêtalactamines sont détectables pendant plusieurs années. Cependant, il est recommandé d’effectuer le bilan dans un délai raisonnable (≤ 2- 3 ans, probablement), ne seraitce que pour conserver une anamnèse fiable. Les réactions croisées sont rares chez les enfants atteints d’HS non immédiate aux bêtalactamines. Attitude recommandée La confirmation ou l’infirmation de l’allergie aux bêtalactamines ne reposent donc pas, sauf exception, sur les tests in vitro, mais sur un bilan comportant un interrogatoire détaillé et, éventuellement, des TC, voire des tests de réintroduction. En pratique, on recommande l’attitude suivante.   Dans les réactions anaphylactiques graves et/ou de chronologie immédiate, il faut proscrire toutes les bêtalactamines et effectuer un bilan, si possible dans les 3 à 6 mois suivant la réaction. Ce bilan permettra de confirmer ou d'infirmer une allergie, et de déterminer si l’enfant est allergique à une seule ou à plusieurs bêtalactamines de la même classe et/ou de classes différentes.   En cas de prurit isolé, d’urticaire et/ou d’oedème sans signes de gravité, de chronologie immédiate ou non immédiate, il est également recommandé d’effectuer un bilan. Le risque de réactivité croisée étant faible, il est possible, dans l’attente, de prescrire des bêtalactamines d'une autre classe (C3G, de préférence, en cas de réaction à une pénicilline ; pénicilline en cas de réaction à une céphalosporine).   En cas de (pseudo) maladie sérique, le consensus international recommande de contreindiquer la bêtalactamine accusée, même si le risque de récidive est faible. En revanche, les autres bêtalactamines sont autorisées. Bien que la valeur diagnostique des TC soit controversée, les résultats de nos études montrent que la grande majorité des enfants rapportant une (pseudo) maladie sérique et ayant des TC négatifs en lecture semi-retardée, retardée et hyper-retardée ne récidive pas lors des tests de réintroduction et/ou des traitements ultérieurs.   En cas d’érythème polymorphe ou de syndrome de Stevens-Johnson, il faut rechercher rapidement une étiologie infectieuse (herpès et mycoplasmes notamment). En l’absence d’étiologie infectieuse évidente, on peut effectuer des TC à lecture retardée. Toutefois, la valeur diagnostique de ces tests n’est pas parfaitement validée et, même s’ils sont négatifs, on recommande généralement une contre-indication durable de la bêta-lactamine accusée. Par contre, les bêtalactamines dont les chaînes latérales diffèrent de celle(s) de la bêtalactamine suspecte ne sont pas contre-indiquées ;   En cas de toxidermie potentiellement sévère (PEAG, NET, DRESS, etc.), les TC à lecture retardée et hyper-retardée n’ont qu’une bonne valeur prédictive positive. La négativité de ces tests n’exclut donc pas le diagnostic d’HS aux bêtalactamines et, compte tenu du risque de récidive grave, les tests de réintroduction sont formellement contre-indiqués. De ce fait, les bêtalactamines suspectes et les bêtalactamines proches sont formellement interdites, sans que les bêtalactamines des autres classes, ayant des chaînes latérales distinctes, soient contre-indiquées.   En cas de rash maculopapuleux, le risque de récidive est extrêmement faible. Il est donc possible d’effectuer une réintroduction, en dehors de tout contexte infectieux, les TC n’étant effectués qu’en cas de récidive.   Enfin, dans les éruptions bénignes mal étiquetées de chronologie non immédiate, une réintroduction à domicile, aux doses usuelles, pendant quelques jours et en dehors de tout épisode infectieux, confirmera le plus souvent l'absence d'allergie. En cas de réaction suspecte, il faudra arrêter le traitement, administrer des antihistaminiques et/ou des corticoïdes et, quelques mois plus tard, effectuer un bilan. Réactions aux autres anti-infectieux Elles sont moins fréquentes que celles rapportées pour les bêtalactamines. Les études ayant comporté des TC et/ou des tests de réintroduction indiquent que seule une minorité des patients rapportant de telles réactions est réellement allergique à ces anti-infectieux. Quel que soit le type d’HS en cause, le risque de réactivité croisée entre macrolides est nul ou très faible, alors qu’il est élevé chez les patients ayant une HSI aux quinolones. Contrairement aux macrolides, le risque de réactivité croisée entre quinolones est élevé. Le diagnostic d’allergie à ces antiinfectieux repose sur une anamnèse détaillée et, éventuellement, sur des TC et des tests de réintroduction, les tests in vitro explorant l’HSI et l’HS non immédiate à ces médicaments étant inexistants ou peu fiables. La valeur diagnostique des TC à lecture immédiate aux macrolides, aux quinolones et aux sulfamides est mauvaise. Celle des TC à lecture non immédiate dépend du type des réactions : les patch-tests et photopatch-tests auraient une bonne sensibilité et une bonne spécificité dans les eczémas et les photodermatoses, rares chez l’enfant. Des intradermo-réactions et patch-tests positifs ont été observés chez des patients rapportant des urticaires, angioedèmes, RMP et toxidermies potentiellement sévères, mais la sensibilité et la spécificité de ces tests sont controversées. Qu’il s’agisse de réactions d’HS immédiate ou non immédiate, le diagnostic de certitude repose donc le plus souvent sur les tests de réintroduction dont l’indication doit être soigneusement posée en fonction du rapport bénéfice/risque. Le syndrome de multisensibilité aux antibiotiques Dix à quinze pour cent des patients, enfants surtout, rapportent des réactions à plusieurs familles d’antibiotiques. La majorité des études effectuées chez ces patients ont été basées sur des interrogatoires et ne permettent donc pas de conclure sur la réalité de ce syndrome. Chez certains enfants rapportant des réactions à plusieurs médicaments antiinfectieux, nous avons diagnostiqué une allergie ou une intolérance à des excipients, des médicaments associés (antalgiques, antipyrétiques et AINS notamment), ou à des aliments. Chez les autres, les bilans ont été négatifs, suggérant que les réactions résultaient des infections ayant motivé la prescription de médicaments anti-infectieux, et non d’une HS médicamenteuse. Dix à quinze pour cent des patients, enfants surtout, rapporteraient des réactions à plusieurs familles d’antibiotiques.

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