publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Maladie de système, Médecine interne

Publié le 12 oct 2006Lecture 8 min

Les perlèches révélatrices de maladies générales

E. ESTÈVE, A. NSEIR CHR Orléans Hôpital Porte Madeleine
La perlèche est un intertrigo du pli commissural des lèvres fréquemment rencontré dans notre pratique quotidienne. Dans certains cas, elle peut révéler ou accompagner des pathologies générales que le dermatologue doit garder en mémoire : la perlèche peut faire partie des signes inauguraux d’une pathologie encore non diagnostiquée.
La perlèche est une chéilite angulaire. Elle se manifeste cliniquement par un triangle érythémato-squameux, unilatéral ou bilatéral, paraissant prolonger sur le coté la fente labiale. Intertrigo du pli de la commissure labiale, la perlèche est un symptôme fréquent en consultation de dermatologie. L’aspect clinique va d’une plaque érythémateuse, unie ou bilatérale, à des lésions squamocroûteuses, fissuraires et saignotantes, limitant l’ouverture buccale. Ce sont essentiellement les formes étendues, chroniques et/ou fissuraires qui vont motiver une demande thérapeutique. Les différents facteurs étiologiques sont souvent associés, en particulier l’hypersalivation ou au contraire l’hyposialie, et la macération, qui vont favoriser la surinfection bactérienne et/ou candidosique. Dans la grande majorité des cas, la cause est locale : bactérienne, candidosique, mixte, existence d’un tic de léchage, affaissement physiologique du pli commissural. Certaines dermatoses  peuvent néanmoins  se localiser à la région commissurale : c’est le cas de l’eczéma de contact, de l’eczéma atopique (figure 1), de l’herpès, du psoriasis, et du carcinome épidermoïde, en particulier.     Figure 1. Perlèche chez un atopique.   Plus globalement, la perlèche est un signe clinique non spécifique, que l’on peut retrouver dans un certain nombre de maladies générales. Lorsqu’il existe des signes associés, cutanés ou généraux, le dermatologue doit évoquer un certain nombre de pathologies qui sont listées dans cet article. Maladies infectieuses   La séropositivité pour le VIH s’accompagne fréquemment de manifestations orofaciales. Une étude publiée en 2004 portant sur 679 Nigérians a comparé leur fréquence en fonction du statut sérologique. Une perlèche était observée chez 21 % des malades séropositifs contre 1,8 % des séronégatifs(1). Il s’agissait du deuxième signe par ordre de fréquence après la candidose orale pseudomembraneuse. La perlèche est souvent très intense en cas de séropositivité VIH en l’absence de traitement. Sa fréquence est corrélée au degré d’immunodépression, et en pratique au taux de lymphocytes CD4.   La fréquence de la perlèche est corrélée au degré d’immuno-dépression (taux de lymphocytes CD4).     La syphilis secondaire peut s’accompagner d’une éruption cutanée (roséole syphilitique) et de manifestations muqueuses : plaques linguales « fauchées », lésions génitales fissuraires, perlèche fissuraire et croûteuse. La syphilide commissurale  est classiquement papuleuse, infiltrée et coupée en deux par la fissure, « comme une pomme ». Maladies métaboliques   Les carences vitaminiques pouvant être responsables de perlèche sont les carences en vitamines A, B1, B2, B3 (PP), B6 et  B9. La carence martiale est également une cause de perlèche. Celle-ci est généralement associée à d’autres signes cutanés de dénutrition : xérose cutanée, lésions eczématiformes, hyperpigmentation, alopécie, purpura, œdèmes, lésions péri-orificielles, ichtyose acquise, syndrome pellagroïde en particulier. La glossite et la chéilite sont des manifestations communes à plusieurs déficits, mais les manifestations cliniques associées permettent le plus souvent d’orienter le diagnostic. En France, en 2005, les dénutritions s’observent essentiellement dans les populations économiquement très défavorisées, chez l’éthylique chronique, les personnes âgées et au cours des malabsorptions intestinales. L’anémie est un des signes biologiques les plus fréquemment rencontrés au cours des carences vitaminiques ou martiales s’accompagnant de perlèche.   Le diabète peut classiquement s’accompagner de perlèche, mais sa fréquence réelle est mal connue.   L’anémie est un des signes biologiques les plus fréquemment rencontrés au cours des carences vitaminiques ou martiales s’accompagnant de perlèche. Maladies inflammatoires   Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) associe une sécheresse oculaire et buccale à des manifestations articulaires et/ou systémiques. Il s’accompagne fréquemment d’une candidose buccale favorisée par l’hyposialie. Une étude mexicaine de 1998 a comparé 21 cas de SGS primitifs, 29 cas de SGS secondaires et 31 sujets sains(2). Une candidose buccale a été retrouvée chez 74 % des SGS contre 23 % des témoins sains. Une atteinte candidosique clinique du dos de la langue était retrouvée chez 68 % et une perlèche chez 24 % des SGS (figure 2).     Figure 2. Perlèche bilatérale et candidose buccale au cours d’un syndrome de Gougerot Sjögren.   Une étude italienne plus récente (2004) a porté sur les signes cutanés observés dans 93 cas de SGS (62 SGS primitifs et 31 SGS secondaires). Une perlèche a été trouvée chez 39 % des SGS primitifs et 16 % des SGS secondaires. Il s’agit donc d’un signe cutanéomuqueux fréquent au cours du SGS, bien sûr peu spécifique, et corrélé à l’existence d’une sécheresse buccale.   La perlèche est un signe peu spécifique mais fréquent au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren.   Maladies digestives   Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) s’accompagnent de lésions labiales et buccales. Une équipe italienne(3) a étudié de manière prospective la prévalence des lésions buccales chez 198 malades atteints de MICI (77 maladies de Crohn et 121 rectocolites hémorragiques). Un groupe témoin était constitué de 89 sujets ayant une colopathie fonctionnelle. Une perlèche était observée chez 8 % des malades atteints de maladie de Crohn, 5 % des malades atteints de recto-colite hémorragique, et 0 % des témoins. Tous les malades ayant une perlèche avaient un taux de fer sérique normal. Dans cette étude, les malades ayant une MICI active n’avaient pas plus fréquemment des lésions orales que ceux ayant une MICI inactive.   L’érythème nécrolytique migrateur (ENM) associe des macules érythémateuses centrées par des bulles fragiles laissant place à des érosions et des croûtes. Ces lésions ont une topographie évocatrice (visage, périnée, partie basse de l’abdomen, fesses, cuisses, extrémités). Elles sont généralement associées à des manifestations muqueuses : chéilite angulaire, stomatite, anite, vulvite ou balanite. L’ENM s’observe dans des circonstances variées : syndrome du glucagonome, pancréatite chronique, syndrome de malabsorption, cirrhose éthylique, adénocarcinome intestinal, carcinome hépatocellulaire ou bronchique,  toxicomanie à l’héroïne. Le point commun essentiel est un déficit en zinc. Des perlèches avec syndrome du glucagonome s’observent également lors de l’utilisation thérapeutique du glucagon(4). Autres circonstances   Le syndrome de Down (trisomie 21) : les fissures des lèvres et une perlèche étaient observées dans un quart des cas sur une série de 77 sujets atteints de trisomie 21. Les auteurs ont retrouvé du Candida albicans plus fréquemment chez les sujets ayant des lésions labiales, sans pouvoir affirmer s’il s’agissait de la cause ou de la conséquence de ces lésions.   L’âge avancé est une cause de perlèche. Cette notion classique a été validée par deux études épidémiologiques récentes. La première a porté sur 889 Chiliens de plus de 65 ans ayant fait l’objet d’un examen buccal systématique. La perlèche était retrouvée chez 2,9 %. La présence de lésion de la muqueuse buccale était liée significativement à l’usure dentaire, mais pas à d’autres facteurs étudiés (sexe, âge, prises médicamenteuses, tabac, xérostomie, niveau socioculturel). Une étude portant sur 500 Thaïlandais de plus de 60 ans a trouvé une prévalence de la perlèche de 4,8 %. Les porteurs de prothèses dentaires avaient des lésions de la muqueuse buccale dans 63 % des cas contre 28 % chez ceux n’en ayant pas.   La perlèche du sujet âgé est fréquemment liée à l’usure des dents ou au port d’une prothèse dentaire.   Le traitement de la perlèche par affaissement du pli commissural repose sur la prise en charge de l’articulé dentaire et/ou l’injection de produit de comblement dont l’efficacité est transitoire. À l’inverse, la perlèche récidivante, survenant chez un sujet jeune, doit faire rechercher une anomalie squelettique nécessitant une prise en charge orthodontique et chirurgicale.   L’alcoolisme : une étude prospective, effectuée à Londres entre 1994 et 1999 sur 693 patients alcooliques, a trouvé une chéilite angulaire chez 21 sujets (3 %).   L’anorexie mentale s’accompagne d’une chéilite et d’une perlèche dans 60 % des cas(5).   Les médicaments peuvent entraîner une perlèche, en particulier ceux qui induisent des candidoses buccales (corticoïdes, antibiotiques, immunosuppresseurs, etc.) comme ceux comprenant une hyposialie (neuroleptiques et psychotropes divers). Les dermatologues connaissent bien les chéilites induites par les rétinoïdes.   L’eczéma de contact est une cause rare mais documentée, en particulier l’allergie au nickel(6).   Causes diverses. Une perlèche peut s’observer au cours du syndrome de Klinefelter, au cours de la lymphopénie CD4 idiopathique et après une amygdalectomie.   En pratique, on retiendra :    La perlèche est un signe cutanéomuqueux pouvant se rencontrer dans de nombreuses situations.    Le dermatologue doit évoquer une maladie générale lorsque la perlèche survient sur certains terrains, ou s’accompagne de manifestations cutanées ou systémiques.    Les pathologies infectieuses, digestives et carentielles sont les premières à évoquer.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème