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Laser et autres techniques

Publié le 08 mai 2012Lecture 13 min

Les LED : dans quel but ?

H. CARTIER*, A. LEPILLOUER-PROST** *Arras, **Marseille

Les LED (Light Emitting Diodes) se sont banalisées dans le domaine domestique, mais elles tardent à trouver leurs marques en dermatologie. Pourtant, grâce à l’essor de la photothérapie dynamique, certains pensaient qu’elles prendraient rapidement leur place dans les cabinets médicaux.

Illustration/figure 1. : Diodes LED type CMD avec double bras : bleu-orange-rouge ou orange-rouge-infrarouge. L’efficacité d’une LED dépend de sa longueur d’onde, sa puissance, de la durée d’exposition, du mode d’émission pulsé ou discontinu. Si on se réfère aux travaux américains, canadiens et coréens de 2003 à 2011, il semble que la puissance ne soit pas le seul paramètre intéressant lorsque l’on vise une réduction des signes de photovieillissement ou un effet anti-inflammatoire. Certes, aujourd’hui, nous ne disposons que de machines à faible irradiance, mais l’apparition des LED de type SMD (Surface Mounted Device) de plus forte puissance unitairement pourrait modifier la donne. D’autres travaux tendent à démontrer que si le seuil de photoactivation du système redox n’est pas atteint en quelques minutes, il ne sert à rien de prolonger l’exposition. Il faut se rappeler que parmi les tout premiers appareils disponibles, on considérait, sur la foi d’une publication princeps, que 90 secondes 2 fois par semaine suffisaient à rajeunir ! (1). La durée d’exposition paraissait donc moins cruciale que l’énergie. Cette constatation ne s’accorde pas avec ce que l’on observe en photothérapie dynamique (PDT). Ainsi, on constate que la photoactivation de la porphyrine (dans l’exemple de l’acné) est tout aussi efficace en mode pulsé ou en mode séquencé, avec de larges temps de pause, que le mode continu classique des premiers appareils. De même, des protocoles de photomodulation avec changement de couleur, en mode pulsé puis continu au sein d’une même séance, font leur apparition, ce qui augmente d’autant les durées d’irradiations jusqu’à 30 minutes par séance.   Les avantages et incertitudes Les diodes ont indéniablement des avantages : – large palette de longueurs d’onde disponibles, depuis que dans les années 90, un chercheur japonais, Shuji Nakamura, a trouvé la façon de créer une diode bleue, nécessaire pour obtenir la couleur ou température blanche. C’est à partir de cette découverte qu’on a vu apparaître sur le marché domestique toutes les applications possibles. À ce jour, le spectre potentiel s’étire de 247 à 1 300 nm. À cet égard, des diodes pouvant remplacer les UVA et même les UVB à spectre étroit ont été récemment mises au point. Néanmoins, le coût, la fragilité et l’usure rapide de ces diodes plaident plus en faveur d’un usage diagnostique en photodermatologie plutôt que le remplacement de nos cabines de photothérapie (2,3) ; – démarrage immédiat, avec une inertie lumineuse quasi nulle ; – espace nécessaire d’utilisation limité ; – faible consommation d’électricité ; durée d’utilisation des diodes supérieures à 20 000 heures. De plus, selon les types de diodes, le rendement lumineux est variable, généralement compris entre 20 et 129 Lm/W. Les bleues n’excèdent pas les 30 Lm/W alors que les vertes peuvent avoir une efficacité lumineuse bien plus élevée. Les LED bleues sont plus fragiles et perdent 3 fois plus vite de leur rendement lumineux au cours du temps que les rouges ou orange, qui sont donc les plus performantes. C’est une des raisons de l’utilisation de la lumière orange en photorajeunissement. Elle manque néanmoins de pénétrance (anisotropie cutanée) et les LED rouges et infrarouges sont alors indispensables. Les LED bleues sont plus fragiles et perdent plus rapidement leur rendement lumineux que les rouges ou orange. Au regard de leur puissance, les LED classiques 1 à 5 mm ne chauffent presque pas la peau. En revanche, pour les montages de puissance supérieure à 1 W, il faut prévoir une dissipation de la chaleur, sans quoi la diode sera fortement endommagée, voire détruite du fait de l’échauffement. Une diode électroluminescente convertit seulement environ 20 % de l’énergie électrique en lumière, le reste étant dégagé sous forme de chaleur, d’où la nécessité d’un système de ventilation indispensable (souvent bruyant). La LED étant un semi-conducteur, elle est affectée par la température : plus elle chauffe, plus sa tension directe de jonction décroît et son rendement lumineux se dégrade. Cela pose donc un problème de fiabilité si un refroidissement adéquat fait défaut (pour les modèles de forte puissance). Les diodes de type CMD semblent mieux dissiper la chaleur (figure 1/illustration).   Les indications L’action des LED fait appel aux mécanismes physiologiques d’oxydoréduction ; ces derniers suggèrent d’autres indications que la seule photothérapie dynamique utilisée en carcinologie cutanée. Acné Bien que sa physiopathologie ne soit pas uniquement liée à l’infection par P. acnes, l’acné est sans doute la seconde grande indication des LED après la carcinologie. P. acnes produit une porphyrine – dont le second pic d’absorption se situe à 415 nm – activable par les LED, notamment bleues(4-6). Cette photoactivation provoque la destruction de la bactérie par la production de radicaux libres et d’oxygènes singulets. De nombreuses études cliniques font état d’une amélioration de plus de 50 % de l’acné inflammatoire par l’exposition aux LED bleues seules à raison de 2 séances par semaine durant 6 semaines. Bien sûr, cet effet ne peut être que suspensif, à l’instar de la plupart des traitements dermatologiques proposés à ce jour (7,8). Toutefois, P. Papageorgiou et coll.(9) ont montré il y a plus de 10 ans qu’associer des LED rouges (ou IR) aux LED bleues permet d’avoir un effet anti-inflammatoire. L’utilisation associée du 5-ALA est discutable en raison du risque de poussée inflammatoire pas toujours facile à gérer dans cette indication, et de toute façon hors AMM (10,11). Mélasma, hyperpigmentations postinflammatoires, éclaircissement du teint Quelques auteurs comme Lee et coll. ont noté que le teint s’assombrissait avec les LED bleues et s’éclaircissait avec les LED rouges et infrarouges (12). De même, L. Fouque et coll. ont mis en évidence un éclaircissement des lentigos au niveau des avant-bras dans une étude ouverte comportant seulement 5 patients, après exposition à des LED-Triwings rouge et jauneorange, à raison de 2 séances par semaine pendant 1 mois (13). L’équipe de S. Boisnic a présenté au dernier congrès de la SFME (septembre 2011) une étude ouverte portant sur 30 patients présentant des lentigos des mains ou du visage, évaluant l’effet dépigmentant de LED émettant dans le vert (525 nm, 0,3 J/cm2) à raison de 4 séances de 2 minutes par jour durant 2 mois. Le score semi-quantitatif basé sur l’intensité de la pigmentation ainsi que des macrophotographies ont permis de constater une réduction significative de la pigmentation : 30,3 % à J30 et 46 % à J60 (non encore publié). Amélioration de la cicatrisation Différentes publications montrent que la suractivation du système redox améliore les états de stress cutané impliquant le processus de cicatrisation. • A. Weiss et coll ont montré en 2007, dans une série de 19 patients traités par radiothérapie pour cancer du sein, que l’exposition à des LED 590 nm pouvait réduire significativement la survenue des radiodermites du sein : une dermite de grade 0 ou 1 est observée chez 94 % des patients versus 14 % dans le groupe contrôle ; 1 patient traité par LED a présenté une dermite de grade 2 versus 86 % de grade 2 ou 3 dans le groupe contrôle (14). • En session post-laser fractionné 1 550 nm, une illumination par LED 590 nm peut être utile pour réduire la douleur, le risque infectieux et accélérer le processus de cicatrisation tout en évitant les hyperpigmentations postinflammatoires, comme l’ont démontré T.S. Alster et coll. dans une étude princeps sur 20 patients (15). • Pour E.M. Vinck et coll., les LED vertes (570 nm) favorisent la croissance des fibroblastes(16) tandis que B.J. Erdle et coll. privilégient les LED 660 nm pour accélérer la cicatrisation d’une brûlure provoquée sur la peau de souris(17). H.T. Whelan et coll. avaient déjà publié il y a 10 ans, qu’un seul dispositif combinant trois longueurs d’onde (670, 720 et 880 nm) pouvait accélérer de 50 % la cicatrisation d’une plaie(18). • Dans un travail portant sur des plaies diabétiques résistantes, l’exposition à des LED 660 et 890 nm insérées dans une pièce à main miniaturisée a permis de guérir complètement 60 % des plaies à 90 jours versus aucune dans le groupe contrôle. Les fluences étaient assez faibles : 100 mW/cm2, 30 secondes, fluence 3 J/cm2 (19). • Des plaies chroniques résistantes aux traitements conventionnels ont été traitées avec succès avec des lasers à basse énergie et des LED dans la région visible et proche infrarouge. La production de faibles quantités d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) à la suite d’illumination serait la première étape de photobiomodulation. À des niveaux supérieurs, les ROS sont toxiques pour les cellules et les bactéries. Il a été montré que la lumière blanche (400-800 nm), qui peut être obtenue avec la conjonction de LED de différentes longueurs d’onde, a un effet stimulant similaire aux lasers et aux LED(20). A. Lipovsky et coll. ont étudié la phototoxicité de la lumière visible à haut débit (fluence de 120 J/ cm2 [400 mW/cm2]) sur plusieurs bactéries pathogènes : Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, Escherichia coli et Serratia marcescens, bactéries choisies en raison de leur forte prévalence dans les plaies infectées (20).  Figure 3. Spectre d’absorption lumineuse des fibroblastes humains : 470, 590, 630 nm et IR sont nécessaires. Une illumination à la lumière blanche (120 J/cm2) durant 5 minutes a provoqué une réduction de 62 %, 83 % et 56 % du nombre de colonies de E. coli, S. aureus et S. marcescens, respectivement, mais sans réduction de P. aeruginosa. L’effet phototoxique implique l’induction de la production de ROS par les bactéries. Les auteurs ont également constaté que l’illumination de S. aureus et E. coli, en présence de pyocyanine (photosensibilisant endogène commun), a un fort effet bactéricide par rapport à l’éclairage seul. Ainsi, l’illumination des plaies infectées par une lumière visible intense, plus qu’un éclairage de faible intensité, peut réduire l’infection et favoriser la guérison. À titre indicatif, W. Yu et coll. rappellent qu’une fluence de 4 J/cm2 suffit à stimuler la prolifération fibroblastique et les facteurs de croissance (21,22) (figure 3). La lumière visible à haute intensité peut tuer les bactéries dans les plaies infectées. Le rajeunissement • Concernant le photorajeunissement, le débat reste ouvert et c’est bien le problème. À ce jour, les mérites qu’on prête aux LED dans ces indications sont inversement proportionnels à la densité des publications sérieuses. C’est véritablement MacDaniels et Weiss qui par leurs premières publications en 2004 ont permis le développement des LED dans cette indication (23). Avec des LED de 590 nm, cette équipe, et beaucoup d’autres ensuite, mais toujours avec le même appareil, a démontré qu’on pouvait espérer une nette réduction des ridules du pourtour orbitaire, améliorer le teint, réduire les processus inflammatoires, etc. (24). Les mêmes équipes ont par la suite communiqué plutôt sous forme de posters et de communications orales. En revanche, une récente et sévère publication conclut en l’absence totale de résultat sur les rides de la face avec l’usage de ce type d’appareil (25).   Figure 4. a : érythème facial persistant 4 mois après un peeling au phénol. b : nette réduction de l’érythème avec des diodes CMD-MLS (Or/R/IR) : 2 séances par semaines pendant 6 semaines. Ce groupe important d’auteurs souhaitait se faire une opinion sur le bénéfice de la photomodulation par LED dans l’héliodermie et la sénescence cutanée de la zone périorbitaire avec les LED 590 nm Gentle- Waves (0,1 J/cm2, 40 secondes, pulse 250 ms on-time et 100 ms off-time) par une étude incluant 42 patients (6 sorties d’étude), à raison d’une séance par semaine durant 8 semaines. L’évaluation a été faite au niveau de la patte d’oie sur les critères de rougeur, rides, lentigo solaire, rugosité, dilatation des pores et teint. Les patients ont jugé que l’amélioration était nette sur tous les critères sauf pour les lentigos solaires. Toutefois, seuls 17 % des patients étaient prêts à payer 150 à 200 USD par semaine et à poursuivre le traitement. Quant aux médecins, ils ont jugé qu’il n’y avait aucun résultat bénéfique sur les critères cliniques et que, même, le teint pouvait être dégradé dans quelques cas. • Concernant les vergetures, le débat reste lui aussi très ouvert. L’équipe de S. Boisnic lors du congrès SFME (septembre 2011) a présenté une première étude comparative avec microdermabrasion mécanique puis illumination par 8 séances de LED (violet, bleu, jaune, rouge) avec une fluence de 84 J/cm2 pour une séance de 14 minutes. Elle constate une amélioration significative de la repigmentation de vergetures traitées comparées à des vergetures témoins (non encore publiée). Photoprévention, photoprohylaxie et photoprépation et UV like Dans une revue exhaustive, D. Barolet et coll. font état d’un intérêt d’utiliser des LED (26) :  Figure 5. Femme traitée par laser CO2 fractionné Activ FX « appuyé », suivi de 6 séances sur 8 jours avec LED CMD-MLS Or/R/IR durant 20 minutes. Accélération du processus cicatriciel et réduction de l’érythème postinflammatoire habituellement attendu avec des paramétrages forts en CO2. – en préparation pour augmenter la pénétration de principes actifs comme la 5-ALA avant la photothérapie dynamique ; – en prophylaxie pour prévenir des effets délétères des UVB avec des LED 660 nm ou IR ; – pour mimer l’effet bénéfique des UV dans les kératoses pilaires ou les dermatites atopiques, tout en restant dans une bande spectrale contenue entre 400 et 500 nm.   Alors LED ou pas LED ? Les LED n’induisent aucun dommage thermique immédiat apparent comme on peut le voir avec les systèmes lasers. La photobiostimulation induit une prolifération des fibroblastes, une synthèse du collagène, une réduction des processus inflammatoires, essentiellement par une sur-activation de la chaîne respiratoire mitochondriale. S’il a été prouvé que l’association de plusieurs « couleurs » optimisait le résultat pour une acné (rouge et bleu pour agir à la fois sur l’inflammation et sur le P. acnes), pour les autres indications, en dehors de la PDT carcinologique que nous ne développons pas ici, les choses semblent plus complexes. Les dispositifs continus ou à séquence de pulses à couleur variable, de durée variable de 1 à 40 minutes, rendent perplexes plus d’un dermatologue. La discussion reste donc ouverte, mais forcément source d’inquiétude. Au même titre que les lampes intenses pulsées, les instituts d’esthétique les utiliseront sans vergogne, car ce n’est pas dangereux puisque ce ne sont pas des lasers ! Faut-il rappeler que les diodes bleues sont particulièrement dangereuses pour la rétine. Les LED jouissent encore peu des faveurs des dermatologues qui n’y voient qu’un intérêt relatif. Ainsi, en dehors, des centres hospitaliers, à peine 100 dermatologues « de ville » proposent la PDT… et sûrement encore moins dans les autres indications ! Peut-être que l’engouement se fera lorsque nous aurons une véritable cotation pour la PDT… En conclusion, les LED sont de conception plus « écologique » que les autres dispositifs à exposition de photons, car elles seraient la première source lumineuse à respecter le processus cicatriciel en stimulant juste le système redox, sans passer par une « brûlure » même maîtrisée. À méditer et à confirmer.  

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