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Cosmétologie, Esthétique

Publié le 23 juin 2009Lecture 5 min

Les gélules solaires : efficaces ? inoffensives ?

C. COMTE, Paris
N’étant pas obligatoires à l’heure actuelle, les études cliniques dans ce domaine des « nutriceutiques » sont donc peu nombreuses. Il est parfois difficile pour le dermatologue de faire la part scientifique des choses. Les résultats des études, notamment ceux issus d’une cohorte SU.VI.MAX. nous apportent des éléments de réponse inattendus.
Il existe plus d’une douzaine de spécialités de « gélules solaires » revendiquant des propriétés multiples : accélérateurs, activateurs ou prolongateurs de bronzage, préparateurs de la peau, protecteurs vis-à-vis de l’érythème actinique, préservation du « capital jeunesse » de la peau… Chaque produit a une composition différente ; toutefois, tous sont construits sur le même modèle d’un mélange de composés antioxydants dans une solution lipophile variable.   Existe-t-il des arguments scientifiques prouvant leur efficacité ? Pour répondre à cette question, il faut séparer deux domaines : – « celui qui intéresse le dermatologue » : y a-t-il une réduction du risque de développement des cancers cutanés ? – « celui qui intéresse le patient » : y a-t-il une diminution des coups de soleil et une augmentation de l’intensité du bronzage ? • Concernant le 1er domaine, la réponse est non. Bien que leur rôle antioxydant soit logiquement efficace sur les dommages oxydatifs induits par les ultraviolets sur la peau, et que cet effet soit confirmé par des études in vitro, plusieurs études, conduites sur de larges panels de patients avec une supplémentation en bêta-carotène et en sélénium, n’ont montré aucun bénéfice. • Concernant le 2e domaine, et bien que cela soit plus discuté, il semble que oui. Compte tenu du champ d’application cosmétique de cette question, les études conduites sur ce sujet concernent des effectifs faibles (environ 20 sujets). Les premières études cliniques avaient conclu à leur inefficacité in vivo(1,2). Il est cependant à noter qu’elles étaient réalisées avec des doses de vitamines C et E, 9 à 15 fois supérieures à celles utilisées pour les études suivantes. Par la suite, plusieurs études ont démontré une efficacité, sur deux paramètres : – l’augmentation de la DEM (réduction de la sensibilité aux coups de soleil) : elle avoisine les 20 % de gain dans toutes ces études ; – l’augmentation du bronzage (aux alentours de 30 % pour Oenobiol®). Les antioxydants ayant fait la preuve de leur efficacité dans ce domaine sont : – la vitamine E : elle a démontré son efficacité, mais seulement quand elle est associée à la vitamine C : seule, elle est inefficace( 3,4) ; – les caroténoïdes : bêta-carotène, lycopène, lutéine : ils ont démontré leur efficacité(5,6) ; – le mélange de sélénium, vitamines C et E, et caroténoïdes(7) ; – le mélange de vitamine E, lycopène et bêta-carotène (Oenobiol ®)(8). Supplémentation orale en antioxydants et risque de cancer ? Comme le rappelait récemment M.-T. Leccia(9), les résultats de l’étude observationnelle SU.VI. MAX concernant l’effet sur la santé de l’apport de différents antioxydants à dose supranutritionnelle ont montré des résultats surprenants et paradoxaux. L’étude de S. Hercberg et coll., publiée en 2007(10), s’intéresse au risque de cancers de la peau chez les personnes supplémentées, en comparaison d’un placebo. Elle portait sur 7 879 femmes et 5 141 hommes de la cohorte SU.VI.MAX. Le groupe supplémenté comportait la prise orale quotidienne pendant 7,5 ans de : – vitamine C (120 mg) ; – vitamine E (30 mg) ; – carotène (6 mg) ; – sélénium (100 μg) ; – zinc (20 mg). Au bout de 7,5 ans, on comparait l’incidence des cancers cutanés dans les 2 groupes, supplémenté et placebo. Chez les hommes, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes. En revanche, chez les femmes, on observait un risque significativement augmenté de mélanome (HR = 4,31 ; p = 0,02). (Il n’y avait pas de différence significative pour les carcinomes.) Analyses et hypothèses Les auteurs comparent ces résultats à ceux de l’étude SU.VI.MAX principale. Celle-ci observait une réduction importante de la mortalité globale par cancer (tous sites confondus), chez les hommes supplémentés. La différence entre les sexes pourrait s’expliquer selon eux par deux facteurs : – les hommes ont un statut de base plus faible en antioxydants (carence), du fait de leur alimentation plus pauvre en fruits et légumes que les femmes. Les femmes auraient des statuts initiaux satisfaisants, et la supplémentation créerait chez elles un déséquilibre négatif de la balance oxydative ; – la plus grande quantité de graisses sous-cutanées chez la femme constituerait une sorte de « réservoir » de stockage des vitamines C et de bêta-carotène disponibles au niveau de la peau. Par ailleurs, les auteurs proposent une explication de cet effet paradoxal observé sur l’induction de cancers cutanés. Les études conduites chez l’animal concluant à un effet anticarcinogénétique des antioxydants, la différence avec cette observation chez l’homme pourrait être due à un timing d’intervention : chez l’animal, la supplémentation était antérieure à l’irradiation UV, alors que chez l’homme c’est l’inverse. Au moment de leur inclusion dans l’étude SU.VI.MAX, les sujets avaient déjà été exposés à d’importantes quantités d’UV. La supplémentation arrivait donc trop tard pour jouer son rôle protecteur sur l’ADN cellulaire. Ceci étant d’autant plus vrai pour le mélanome, pour lequel on connaît l’importance des coups de soleil dans l’enfance.   Conclusion On peut retenir trois choses : • Les effets néfastes étaient observés pour des supplémentations très prolongées dans le temps. Une supplémentation courte de quelques semaines par an n’a pas forcément les mêmes effets au long cours. • S’il faut recommander à une population la prise de gélules solaires, c’est plutôt aux hommes, et la déconseiller aux femmes qui font de multiples cures vitaminiques au cours de l’année. • Il faut insister sur le fait que la protection apportée sur les coups de soleil est minime (20 %), sur les cancers de la peau nulle, et que la prise orale ne doit en rien faire négliger la photoprotection externe et une exposition modérée.

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