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Cosmétologie, Esthétique

Publié le 12 fév 2008Lecture 12 min

Les bonnes indications des injections d’acide hyaluronique. Particularités techniques et résultats espérés

L. ATALLAH CHU, Hôpital St jacques, Besançon
En dix ans, l’usage de l’acide hyaluronique (AH) a totalement révolutionné la prise en charge du vieillissement cutané. Ressenti il y a quelques années par beaucoup de dermatologues comme un acte « indigne et superflu », l’évolution des produits et des techniques d’injection en font le pivot de la prise en charge d’une requête croissante de « bien-être ».
Au même titre que détruire un lentigo sénile ou une kératose séborrhéique disgracieuse, apporter une solution à une « mine fatiguée », un « air triste » donnera à un tel plus d’assurance pour accomplir son travail, aidera tel autre à oublier sa pathologie lourde et ses traitements délabrants… L’usage de l’AH a dépassé la ride, il ne faut pas qu’il dépasse les dermatologues !
Notions de pharmacologie L’acide hyaluronique (AH), polymère de disaccharide de longueur variable, présent naturellement dans les espaces interkératinocytaires basaux d’un épiderme adulte, constitue un des composants majeurs de la matrice extracellulaire dermohypodermique. Il se lie et se combine à l’eau ; une molécule d’AH retient 500 à 1 000 fois son volume d’eau. Le complexe ainsi formé : – peut retenir les électrolytes, des nutriments, des facteurs de croissance ; – piége les radicaux libres et les oxydants ; – diminue l’attachement des cellules à la matrice extracellulaire, facilitant ainsi la migration et la prolifération cellulaire. L’AH ne présente aucune spécificité d’espèce, et donc est peu immunogène. Renouvelé d’un tiers tous les jours, il est dégradé par les hyaluronidases, les radicaux libres et la chaleur. Un implant à base d’AH naturel aura une très faible durée de vie. Chez un fumeur ou une personne qui s’expose aux UV, la durée de l’implant sera plus courte. Les implants d’AH non animal La culture de streptocoques équins (non pathogènes pour l’homme et synthétisant naturellement de l’AH) permet d’obtenir par filtration de l’AH d’un poids moléculaire < 3.106 Daltons. Afin de prolonger la durée de l’implant, les laboratoires additionnent aux molécules d’AH ainsi obtenues, un époxyde, agent réticulant connu comme étant le moins toxique, le butanédiol diglycidyl éther ou BDDE. Le but étant d’obtenir un AH qui conserve la biocompatibilité de la molécule native mais en ayant une cinétique de dégradation plus lente. La rémanence du produit ne dépend pas que du taux de BDDE, mais aussi du procédé de réticulation. Par exemple, les produits Q-Med affichent un taux de BDDE unique de 1 % pour toute la gamme et sont dits stabilisés (technologie NASHA). Le taux de BDDE faisant partie du secret de fabrication, peu d’informations sont données par les laboratoires. Cependant, certains fabricants assurent que le taux de BDDE résiduel dans une seringue est équivalent à un risque de 10-5 en termes de cancérogenèse. Les implants ont une cinétique plus lente, mais restent biocompatibles, donc nul n’est besoin de pratiquer un test d’allergie préalable. Comme alternative, les Laboratoires Genévrier proposent dorénavant une gamme d’injectables à l’AH non réticulé visqueux, qui permet aux médecins et aux patients de bénéficier de l’intérêt dermo-inducteur d’une molécule non modifiée chimiquement. Avec une tolérance optimisée, l’AH non réticulé visqueux permet un comblement mécanique immédiat et un comblement fibroblastique en stimulant la prolifération et la migration des fibroblastes dermiques (synthétisant l’AH in vivo). Ne pas traiter : • Les personnes ayant déjà eu des implants permanents, sous peine de déclencher le développement de granulomes, surtout si l’on traite la même zone. • Les personnes souffrant d’une sarcoïdose évolutive. • En cas de troubles d’hémostase (risque d’hématome à évaluer au cas par cas). Précautions avant de traiter Des précautions sont à prendre dans certaines situations : • personnes polysensibilisées et poly-allergiques : réaliser le classique double test avec lecture à 6 semaines avant tout soin, ou utiliser des produits non réticulés ; • utiliser de préférence un implant à base d’AH non réticulé, si la demande de soin provient de patient souffrant de maladie auto-immune, et en dehors des phases de poussées ; • traiter préventivement un herpès labial si l’interrogatoire révèle des poussées fréquentes et lorsque l’on doit traiter les lèvres. De même, si on relève des antécédents de rhumatisme articulaire aïgu (RAA) et que l’on souhaite pratiquer une anesthésie tronculaire ; • ne pas hésiter à pousser l’interrogatoire à la recherche d’allergie(s) aux anesthésiants, aux antiseptiques et à d’autres produits injectables ; • prudence avec les patientes qui déclarent : « Je vous laisse juge, Docteur », ou qui font une fixation sur des ridules peu visibles (le taux d’insatisfaction sera important…) ; • montrer des photos de vos résultats, et prendre des photos avant traitement ; • remettre un devis en expliquant la nécessité, en fonction du résultat souhaité, de multiplier les séances ; • laisser un temps de réflexion avant tout geste. Recommandations générales • Éviter l’usage d’antiseptique alcoolisé (risque plus élevé de saignement), ainsi que de chlorure de benzalkonium, ammonium quaternaire qui peut être incompatible avec certains implants, en plus du risque d’allergie. • Les AH fortement réticulés doivent toujours être injectés profondément sous peine d’effet « Tyndall » (aspect bleuté). • En cas d’anesthésie locale par voie externe, il est conseillé d’appliquer le produit soi-même (bonne quantité au bon endroit) et, en cas d’anesthésie tronculaire, préférer la voie externe, on limite ainsi le risque de mobilisation microbienne dans la cavité buccale. • Pour le patient, ne pas prendre avant les soins des dérivés d’aspirine ni d’AINS, et après les soins, éviter toute activité risquant d’amplifier les réactions locales immédiates (érythème, œdème…). Une personne qui veut à tout prix un implant aura tendance à camoufler des antécédents pouvant être source d’effets secondaires. Traitement en fonction de la topograpie    Front Le front est une zone où l’AH doit être idéalement associé aux injections de toxine botulique ; seul, il ne donne pas de résultat satisfaisant. On conseille de ne pas utiliser de produits fortement réticulés pour éviter un risque d’un effet « vague » ; de préférer des produits faiblement ou non réticulés qui seront injectés sous les plis et en « méso », en dehors de ces derniers. Cette localisation est peu douloureuse, le risque d’hématome est faible et rapidement contrôlé par simple compression immédiate.    Glabelle C’est une zone à haut risque de nécrose. Cette dernière apparaît de façon retardée par compression et/ou injection intravasculaire. Tous les types d’AH peuvent être utilisés ; pour limiter le risque de nécrose : injecter de faibles quantités en répétant les séances, et ne pas injecter trop profondément. L’AH est idéalement associé aux injections de toxine botulique (avant, si la personne ne souhaite pas tout de suite de la toxine botulique ; après, si le pli glabellaire est trop profond, impossible à corriger uniquement avec la toxine). La glabelle est une zone à haut risque de nécrose.    Périorbitaire C’est une zone à haut risque d’hématome. Il est fort recommandé de rester en dehors du rebord orbitaire. On utilisera des AH faiblement réticulés, et privilégiera les nappages ; il est important de pratiquer un massage en douceur à la fin de la séance. La correction peut être complétée par la toxine botulique.    Vallée des larmes Il s’agit d’une zone difficile, qui demande beaucoup d’expériences. L’injection doit se faire au contact du périoste en restant en dehors du rebord orbitaire. Le risque de thrombose des vaisseaux orbitaires est relativement important. Tous les types d’AH peuvent être utilisés. Une anesthésie préalable est fortement souhaitée. Il est fortement recommandé de ne pas injecter au-delà du rebord orbitaire.    Plis labiogéniens Cette zone est douloureuse dans sa partie sous-narinaire, cependant certaines personnes tolèrent le soin sans anesthésie. Une photo préalable est souhaitable, c’est une zone où l’asymétrie du visage est évidente même si le patient ne l’avait pas relevée. Les AH faiblement réticulés seuls sont à éviter, car ils ne donneront que des résultats de trop courte durée. Nous recommandons de remplir préférentiellement le triangle sous-narinaire afin d’estomper la zone d’ombre, et pour cela de ne pas hésiter à injecter à partir de la joue sans se focaliser que sur la ride (figure 1). Pour laisser un aspect naturel, ne pas trop remplir en regard de la commissure labiale sous peine d’un « effet masse » qui rend le sourire très disgracieux... Figure 1. Comblement du pli labiogénien, insistant sur l’injection du triangle sous-narinaire. Il faut si possible traiter le patient au moins semi-assis ou lui demander de s’asseoir de temps en temps afin d’évaluer le résultat (figures 2 et 3). Un massage doux est souhaité en fin de soin pour uniformiser la répartition de l’implant. Position allongée Position assise + sourire Figure 2. Examen et injection en positions allongée et assise.  Figure 3.  (Avant/Aprés) Comblement du pli labiogénien. Résultat immédiat. Le risque d’hématome est faible. Il existe un risque d’effet Tyndall, d’où l’intérêt d’injecter en superficiel, en complément, de l’acide hyaluronique faiblement réticulé ou du collagène.    Plis amertume Il est responsable de l’aspect fatigué et triste. L’anesthésie tronculaire ne suffit pas pour insensibiliser toute la zone de soin. Par rapport à la zone précédente : – le risque d’hématome est très élevé, souvent d’apparition tardive ; le massage en fin d’injection, indispensable dans cette topographie, doit être doux et prudent ; – nécessite une grande quantité de produit ; comme pour le pli labiogénien, on peut associer en deux niveaux des produits hautement et faiblement réticulés ; – on s’attachera à obtenir une horizontalisation des commissures labiales en croisant injections horizontales, verticales et obliques.    Lèvres L’anesthésie tronculaire rendra le soin plus confortable. Il est conseillé de traiter le contour des lèvres (en injectant l’espace virtuel lèvre rouge – lèvre blanche) en même temps que les ridules verticales, la correction excessive de ces ridules sera responsable de zones boursouflées inesthétiques. Si des soins dentaires sont prévus, il faudra attendre la fin de ces derniers. Au niveau de la lèvre inférieure, souvent l’espace virtuel n’est présent qu’au niveau du tiers moyen. Il existe un risque d’hématome faible. Ce geste nécessite une bonne compréhension du souhait de la personne à traiter. En fonction de ce souhait, on utilisera le plus souvent des AH moyennement réticulés. Plusieurs laboratoires ont développé des produits spécifiques pour les personnes qui souhaitent des lèvres plus charnues. On peut être amené à utiliser des produits fortement réticulés de façon plus exceptionnelle. Pour obtenir une projection vers l’avant, on injectera la sous-muqueuse en regard du défilé dentaire. En fonction du souhait de la personne, on augmentera la lèvre rouge en injectant la zone sous-cutanée sur toute son étendue, en évitant le muscle orbiculaire (figures 4 et 5). Figure 4. Technique de comblement des lèvres.   Figure 5. Résultat immédiat de comblement de lèvres et du pli sous-labial. Il ne faut pas trop masser en raison d’un risque d’une réaction de type angiœdème, réaction rare qui disparaît en quelques jours sans séquelles. Une courte corticothérapie générale accélère la guérison. Il ne s’agit en rien d’une réaction allergique, les patients peuvent bénéficier d’un autre traitement sans récidive de cette réaction. Ne pas trop masser après une injection des lèvres en raison d’un risque de réaction de type angiœdème.    Soins globaux superficiels (mésothérapie) Ils se font avec de l’AH non réticulé ou faiblement réticulé. Une anesthésie locale rendra le soin plus confortable. Le geste restitue au derme un AH qui diminue de 50 % entre l’âge de 25 ans et celui de 50 ans. L’effet immédiat est hygroscopique avec à long terme un effet stimulant des fibroblastes. Il s’applique sur toutes les zones du visage en respectant la physionomie de la personne et en évitant d’alourdir la partie basse. La mésothérapie est utilisable pour améliorer l’aspect du « décolleté » et du dos des mains. Les injections se font de façon superficielle, tous les 1 à 1,5 cm. La fréquence du soin dépend du produit utilisé. Le risque d’hématome est élevé. Un massage prolongé et doux terminera le soin.    Soins profonds volumateurs Ces dernières années, des AH fortement réticulés ou stabilisés avec des sphères de grand volume ont été développés. Un visage d’aspect jeune est un visage avec des rondeurs, pas forcément un visage sans rides, et ces nouveaux produits visent à répondre à ce besoin. Ils permettent de compléter un geste chirurgical type « lifting » et de prolonger les résultats, mais également de retarder le passage à l’acte chirurgical. Une anesthésie tronculaire peut être suffisante. Le comblement doit se faire en sus-périosté pour corriger : – l’ovale du visage au niveau de la jonction zone mandibulaire, zone mentonnière ; – au niveau des pommettes par voie externe, se calquant sur la technique de greffe graisseuse ; d’autres préconiseront plus tard une voie intrabuccale moins traumatisante. Un apprentissage spécifique est nécessaire en attendant peut-être le développement de techniques moins chirurgicales. Conclusion La demande de ce type de soins se banalise. Bien pratiqués ces gestes sont d’un bénéfice certain, avec peu d’effets secondaires, qu’il s’agisse des réactions immédiates (érythème, œdème, à disparition rapide), des réactions semi-retardées (pigmentation, inflammation non spécifique) qui guérissent en quelques semaines avec si nécessaire un corticoïde local, ou d’exceptionnels granulomes de formation retardée plusieurs mois après le geste. Tous ces effets secondaires sont faciles à maîtriser, et le besoin des injections s’espace avec le temps en raison de l’action de l’AH sur les fibroblastes. L’alternance avec des peelings à base d’acide alpha-hydroxylé augmenterait la durée de vie des implants. Peu d’études comparatives sur la durée des implants sont disponibles. De telles études, ainsi qu’une meilleure information sur l’agent réticulant, nous offriraient de meilleurs critères de choix des produits plutôt que le seul critère de coût. 

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