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Cosmétologie, Esthétique

Publié le 14 déc 2008Lecture 9 min

Le vieillissement cutané selon les ethnies

C. FOTOH, P. HUMBERT, Département de dermatologie, CHU de Besançon
Le vieillissement cutané est un processus plurifactoriel très complexe. Il découle essentiellement de deux processus : le vieillissement chronologique encore appelé vieillissement intrinsèque, touchant l’ensemble du revêtement cutané, et le vieillissement extrinsèque regroupant le vieillissement photo-induit, lié à l’action néfaste des rayons ultraviolets (UV) et le vieillissement environnemental dû à la pollution, au tabac et autres éléments du milieu de vie. Il existe des variations entre les différents phototypes, et chaque type ethnique ne vieillit pas de la même manière.
Le vieillissement intrinsèque selon les ethnies : état des connaissances Deux mécanismes principaux liés entre eux permettent d’expliquer le vieillissement chronologique : • le vieillissement cellulaire génétiquement déterminé ; • la théorie des radicaux libres. Rôle des UV dans le vieillissement cutané   Le vieillissement génétiquement programmé fait partie de « l’horloge biologique » qui affecte tous les organes. Lors de ces processus complexes, il y a une perte des capacités de division cellulaire, une perte d’informations du génome, des mutations d’ADN, l’altération des mitochondries, des erreurs de synthèses enzymatiques et des lésions membranaires. Cette théorie du vieillissement génétiquement programmé découle d’observations réalisées en culture cellulaire. Elle permet notamment de corréler l’âge du donneur à la capacité proliférative de ces cellules, les fibroblastes synthétisant les cellules et les éléments matriciels tel que le collagène et les kératinocytes épidermiques. En culture in vitro, l’espérance de vie des cellules est inversement proportionnelle à l’âge des donneurs.   La génération spontanée de radicaux libres au cours du vieillissement chronologique permet, elle, d’expliquer certains changements cutanés des peaux sénescentes. Du fait de leur grande instabilité, les radicaux libres déclenchent des réactions radicalaires en chaîne et les molécules environnantes deviennent à leur tour des radicaux (lipidoperoxydation membranaire) ou arrêtent la propagation radicalaire au prix de leur propre destruction (exemple de la vitamine C ou de la cystéine). Les radicaux libres oxygénés exercent également une activité pro-inflammatoire intervenant dans le processus de vieillissement chronologique.   D’autres facteurs interviennent de façon plus limitée comme les processus non enzymatiques de glycosylation des protéines, la diminution des capacités de défense du système immunitaire avec l’âge, les anomalies neuroendocriniennes avec un dysfonctionnement du système hypothalamo-hypophysai re (horloge supérieure), l’état de fonctionnement de nombreux organes, le statut hormonal de la femme au cours de la ménopause, etc. Aujourd’hui, aucune étude comparative n’a encore été publiée sur le vieillissement intrinsèque en fonction de l’ethnie. Cela relève plus de la difficulté d’étudier de manière spécifique les phénomènes du vieillissement intrinsèque que de la difficulté de la comparaison. Une fois que chacun des signes cliniques observés au cours de l’âge pourra être imputé à tel ou tel phénomène intrinsèque ou extrinsèque du vieillissement, alors seulement une comparaison selon les ethnies pourra être possible.   Détermination du vieillissement extrinsèque selon les ethnies Vieillissement cutané héliodermique (ou photo-induit) Le soleil constitue le plus important des facteurs d’accélération du vieillissement cutané : la peau a la mémoire de la dose d’UV reçue pendant toute la vie. Les UVB absorbés par l’épiderme sont responsables d’une accentuation de l’atrophie épidermique, d’une hyperkératose et d’une augmentation des cancers épithéliaux (épithéliomas baso- et spinocellulaires). Les UVA et le rayonnement visible, plus pénétrant, atteignent le derme et jouent un rôle dans la disparition des fibres élastiques du derme superficiel, l’élastose actinique et les altérations du collagène. La mélanine contenue dans les mélanosomes phagocytés par les kératinocytes a un rôle protecteur prépondérant vis-àvis des radiations solaires. De ce fait, le phototype cutané joue un rôle majeur dans le photovieillissement. Le vieillissement photoinduit est donc différent selon les ethnies, plus précisément selon les phototypes. Il est cependant important de se rappeler que l’unité épidermique de mélanisation (constituée de 36 à 48 kératinocytes entourant un mélanocyte) est identique quel que soit le phototype cutané, la couleur de la peau est donc principalement déterminée par la quantité et le type des mélanosomes. Les Noirs ont des mélanosomes de grande taille (> 1 μm), transférés aux kératinocytes à l’état isolé sans clivage enzymatique alors que les peaux caucasiennes ont des mélanosomes de petite taille (< 1 μm) qui sont transférés aux kératinocytes par paquets avec un mécanisme de digestion enzymatique rendant les mélanosomes poussiéreux. Cette différence de dispersion des mélanosomes au sein des kératinocytes induit des sensibilités différentes au soleil selon les phototypes (absorption différente des rayonnements solaires UVA et UVB selon le type de mélanosome). L’élastose solaire ainsi que les cancers cutanés sont peu observés chez les personnes à peau noire. Une récente étude comparative (Rijiken et coll., 2004) montre qu’après irradiation UV (12 000- 18 000 mJ/cm2 Waldmann), des dimères de thymine (potentiellement cancérigènes) sont présents au niveau des kératinocytes basaux et du derme en infime quantité au niveau des peaux foncées (phototype VI) et en quantité très importante au niveau du derme des peaux claires (phototype I-III). Il a aussi été observé une quantité importante de polynucléaires neutrophiles, d’élastase, de métalloprotéinases 1 et 9, de collagénase, de gélatinase, une hyperprolifération kératinocytaire (augmentation de la synthèse des cytokératines 16 et 17), ainsi qu’une augmentation de cytokines associées à l’immuno- suppression (augmentation de la synthèse de l’interleukine 10) au niveau des peaux claires, contrairement au peaux foncées ayant subies la même irradiation. Cette étude permet d’expliquer le risque réduit de cancers cutanés et les signes de photovieillissement réduit chez les sujets à peau foncée qui sont, de par leur constitution de mélanosome, moins sensibles aux coups de soleil. L’élastose solaire ainsi que les cancers cutanés sont peu observés chez les personnes à peau noire. Vieillissement cutané environnemental Les variations atmosphériques (composition, température et capacité d’épuration de l’atmosphère terrestre), notamment urbaines, se sont beaucoup accentuées ces dernières décennies. À l’augmentation de la pollution atmosphérique s’ajoute un nouveau type de pollution, limité dans l’espace : l’intoxication tabagique. Il a été montré que les sujets tabagiques à peau foncée sont moins ridés que les sujets à peau blanche car ceux-ci sont protégés physiologiquement par la mélanine. Les changements spécifiques du vieillissement cutané selon le groupe ethnique Les peaux noires afro-américaines Le peu d’études publiées sur le vieillissement héliodermique des peaux noires et métissées est limité aux peaux afro-américaines. Chez ces personnes, les signes visibles du photovieillissement apparaîtraient après 50 à 60 ans du fait de l’excellente photoprotection de l’épiderme et du derme par la mélanine. Cliniquement, les signes du vieillissement dans ces peaux se traduisent par de fines rides, des tâches de pigmentation et une agrégation de petites tâches en relief cutané (dermatosis papulosa nigra) et l’apparition d’une perte d’élasticité spécialement au niveau des couches musculaires profondes du visage, entraînant un affaissement de la partie basse des joues marquant assez profondément le sillon naso-labial. Ces signes cliniques du photovieillissement sont identiques aux signes apparaissant chez les Asiatiques d’Asie du Sud et chez les Hispaniques à peau foncée. Les peaux caucasiennes Les études comparatives portant sur le vieillissement cutané des peaux caucasiennes européennes et des peaux asiatiques sont plus fréquemment trouvées dans la littérature. Les manifestations cliniques du photovieillissement des peaux claires caucasiennes européennes et des Hispaniques à peau claire sont surtout l’apparition de rides et l’altération de la pigmentation cutanée. L’apparition des rides est plus précoce au niveau des peaux caucasiennes alors que les peaux noires et asiatiques vont, elles, plutôt souffrir d’inhomogénéité cutanée. Les peaux noires et asiatiques vont, elles, plutôt souffrir d’inhomogénéité cutanée. Les peaux asiatiques Il est essentiel de différencier trois types de peaux en Asie : – les peaux d’Asie extrême-orientale (Chinois, Japonais et Coréens) généralement claires chez les Chinois et les Japonais et plus foncées chez les Coréens ; – les peaux d’Asie du Sud-Est (Indonésiens, Malais, Singapouriens, Thaïlandais, Cambodgiens et Vietnamiens) ; – les peaux d’Asie du Sud (Bangladais, Indiens, Pakistanais et Sri Lankais). Les asiatiques de l’Est et du Sud- Est sont d’ethnie mongoloïde, alors que les Asiatiques du Sud, plus foncés, sont d’ethnie caucasienne. Une grande partie des études de vieillissement cutané sur les peaux asiatiques est réalisée en Asie de l’Est et du Sud-Est sur des Chinois, des Japonais, des Coréens, des Malais, des Singapouriens et des Thaïlandais. Dans les régions proches de l’équateur, le photovieillissement constitue un grand centre d’intérêt car dans la culture asiatique, le standard de beauté consiste en un teint clair, uniforme en couleur et en texture. Les modifications pigmentaires dues au photovieillissement sont donc pour ces peaux un réel problème dermo-cosmétique. Ces peaux, au cours du vieillissement cutané, ont tendance à subir des modifications pigmentaires telles que l’apparition de lentigos actiniques, de kératoses séborrhéiques pigmentées et de tâches d’hyperpigmentation. Les melasmas faciaux photoinduits sont plus communs sur les peaux asiatiques que sur les peaux caucasiennes. Les principaux changements du photovieillissement en Asie du Sud-Est sont l’apparition des rides plus marquées chez les femmes vers 50 ans, alors que les kératoses séborrhéiques sont plus fréquentes chez les hommes et apparaissent vers 40 ans. Aucune étude spécifique aux peaux foncées de l’Asie du Sud (Indiens et Pakistanais) n’est encore rapportée par la littérature. L’étude du photovieillissement est un grand centre d’intérêt dans la culture asiatique. Conclusion Les modifications cutanées dues au photovieillissement sont variables selon les groupes ethniques. Une excellente connaissance de ces modifications cutanées est indispensable pour proposer les meilleurs soins dermatologiques, cosmétiques et esthétiques à ces « peaux du monde ». C’est pourquoi il est intéressant de suivre de très près les travaux scientifiques sur le vieillissement cutané pour pouvoir répondre aussi bien par de nouvelles techniques que de nouvelles molécules aux attentes spécifiques de chaque population, et comme pour les peaux plus jeunes, les attentes cosmétoesthétiques selon les régions du monde.

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