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Maladie de système, Médecine interne

Publié le 18 fév 2010Lecture 7 min

La cellule de Merkel : entre évidences et énigmes…

A. LUCARZ, G. BRAND, Laboratoire de neurosciences, Université de Franche-Comté, Besançon

Mises en évidence dans l’épiderme, les cellules de Merkel entretiennent des rapports privilégiés avec les kératinocytes et les terminaisons nerveuses de la peau. Il semble maintenant admis qu’elles dérivent des crêtes neurales, comme les mélanocytes, ce qui expliquerait leur facilité à franchir la lame basale et que les tumeurs à cellules de Merkel soient des carcinomes agressifs. Les progrès des nouvelles technologies ont permis de mieux les connaître, mais de nombreuses questions relatives à leurs fonctions exactes persistent.

La cellule de Merkel a été décrite pour la première fois en 1875 par Friedrich Merkel (1). Un siècle plus tard, sa structure a été bien élucidée grâce à la microscopie électronique (2). Durant cette dernière décennie, d’innombrables études ont exploré les cellules de Merkel provenant de diverses parties du corps d’animaux de différentes espèces et utilisant toutes les techniques disponibles actuellement. Les revues de la littérature se succèdent (3-7) et l’objectif de cet article est d’en faire une synthèse et d’établir le lien avec la tumeur de Merkel (8). Comment reconnaître les cellules de Merkel ? Morphologie Ce sont des cellules claires, de forme ovale, mesurant 10-15 μm de long, toujours localisées dans la couche basale de l’épiderme. Elles peuvent établir des contacts synaptiques avec les terminaisons nerveuses des axones myélinisés (3-5 μm de diamètre) qui perdent leur couche de myéline en entrant dans l’épiderme. Chez les mammifères, excepté chez les humains, les cellules de Merkel (CM), associées aux nerfs, sont abondantes dans les follicules pileux des vibrisses (4). Chaque disque (appelé « touch dome » ou « Haarscheiben ») contient 30 à 70 CM connectées à une branche terminale (3 à 5 axones qui se terminent à l’intérieur du dôme). Dans les follicules pileux, les CM, localisées dans le bulge, qui correspond à un réservoir de cellules souches, sont rarement associées aux terminaisons nerveuses. Des CM dépourvues d’innervation existent aussi ailleurs, dans les muqueuses non cornées par exemple. Difficiles à reconnaître en microscopie photonique avec les techniques classiques, les CM dévoilent leur structure intime au microscope électronique à transmission. Ultrastructure des cellules de Merkel (figure 1) Les cellules de Merkel sont caractérisées par des granules de sécrétion denses aux électrons, entourés d’un halo clair et d’une membrane simple. Ces granules d’environ 100 nm (2) s’accumulent dans la partie inférieure de la cellule, près des jonctions avec les fibres nerveuses. Les contacts synaptiques révèlent les caractéristiques classiques des synapses chimiques. Figure 1. Caractéristiques ultrastructurales de la cellule de Merkel. K : kératinocyte ; BL : lame basale ; D : desmosome ; HD : hémidesmosome ; if : filaments intermédiaires ; G : granules denses aux électrons ;  go : appareil de Golgi ; me : mélanosome ; m : mitochondrie ; N : noyau ; NJ : jonction avec une fibre nerveuse ; P : protusion ou microvillosité ; A : axone. Les CM sont reliées aux kératinocytes voisins par de rares et petits desmosomes et à la membrane basale par des hémidesmosomes. Le noyau de grande taille, lobé, occupe la partie supérieure de la cellule dont la surface présente des digitations (jusqu’à 50 par cellule) ≤2,5 μm de longueur. Le cytoplasme renferme un réseau lâche de filaments intermédiaires qui s’étendent à l’intérieur des digitations appelées aussi microvillosités (5). Marqueurs immunohistochimiques des cellules de Merkel Au microscope à fluorescence, on peut reconnaître les cellules de Merkel grâce à la présence de deux types de marqueurs : les cytokératines de faible poids moléculaire (CK 20, 8, 18, 19) et les marqueurs neuroendocriniens. La cytokératine 20 (CK 20) est le marqueur le plus spécifique et le plus sensible pour détecter la CM dans la peau des différentes parties du corps des mammifères (5). Parmi les marqueurs neuroendocriniens utilisés pour identifier les CM, on observe un immunomarquage positif à l’intérieur ou autour des granules denses aux électrons avec des protéines structurales neuronales (PGP 9,5 ; la synaptophysine), l’énolase neuronale- spécifique et surtout la chromogranine A (CGA), une protéine considérée comme un marqueur important du système neuroendocrine (9). Les neurofilaments sont rarement détectables dans l’épiderme humain normal (5,9 % pour la protéine 200 KD). En revanche, la présence de protéines de neurofilaments pourrait être en liaison avec les carcinomes de Merkel (10). Les neuromédiateurs et neuromodulateurs détectés par immunomarquage dépendent grandement des espèces étudiées. Les immunomarquages positifs avec des neuromédiateurs tels que le neuropeptide CGRP (calcitonin gene-related peptide), le neuromodulateur VIP (vasoactive intestinal polypeptide), la protéine G, sont des arguments en faveur de la neurotransmission dans les neurones associés aux CM(3). Grâce à la microscopie confocale, T. Tachibana et coll. (11) ont montré dans les follicules de vibrisses de rat des immunoréactions fortement positives des récepteurs et transporteurs de la sérotonine (5 HT). La 5 HT serait libérée par les CM vers les axones terminaux de type 1, ce qui témoignerait de l’existence de synapses. Quelle est l’origine des cellules de Merkel ? Les cellules de Merkel possèdent des caractéristiques à la fois de cellules épidermiques et de cellules neuroendocrines. Cela explique la controverse qui a animé les chercheurs pendant de très nombreuses années concernant l’origine des CM : crêtes neurales ou crête épidermique ? Cette question semble maintenant élucidée avec les travaux récents de V. Szeder et coll. (12) qui ont utilisé des souris transgéniques doubles Wnt 1-cre/R26R. Toutes les cellules de Merkel de vibrisses de ces souris transgéniques doubles expriment la bêtagalactosidase, identifiant ainsi ces cellules comme dérivées des crêtes neurales. Cependant, cela ne résout pas la question des desmosomes, absents dans les mélanocytes, connus pour être des dérivés des crêtes neurales et présents (bien que petits et rares) dans les CM. Quelles sont les fonctions des cellules de Merkel ? Les cellules de Merkel présentent des phénotypes immunohistochimiques variés et peuvent être réparties en sous-populations dépendantes de la localisation sur le corps. Les fonctions qu’elles assurent sont également multiples : endocrine, mécanosensitive et chémosensitive. Certaines CM sans contact avec des terminaisons nerveuses mais immunoréactives pour la chromogranine (CGA), la synaptophysine et la mét-enképhaline (13) font partie du système neuroimmuno- cutané (14). La CM épidermique est généralement considérée comme un mécanorécepteur à adaptation lente qui détecte les déformations du tissu avec ses microvillosités et par conséquent libère des neurotransmetteurs aux extrémités nerveuses. Cependant, L.R. Mills et J. Diamond (15) ont montré que les synapses ne sont pas suffisamment nombreuses et étendues pour permettre de générer un potentiel d’action. Il semblerait que les terminaisons nerveuses et non les CM soient les éléments de transduction mécanoélectrique. Cependant, les CM, seules cellules excitables de l’épiderme, seraient capables de répondre à divers stimuli (16). Figure 2. Jeune tumeur à cellules de Merkel. Plusieurs arguments sont en faveur d’une activité nociceptive (6). On sait que les sensations de douleur sont véhiculées par les terminaisons nerveuses libres et qu’aucune cellule n’est spécialisée dans la perception de molécules irritantes. La substance P et le CGRP libérés à partir des interactions cellule de Merkel/neurite chez le rat et le singe sont le témoin d’une réponse à une irritation physique ou chimique (3). Ils sont connus pour être les principaux médiateurs pour transférer une information nociceptive. D’autres substances telles que la tachykinine, la dynorpine A (un peptide à activité opiacée) et la mét-enképhaline, ont été détectées dans la CM et peuvent être associées avec une fonction nociceptive et/ou chémoréceptive (13). Les cellules de Merkel restent difficiles à étudier car elles sont incapables de survivre seules en culture in vitro, probablement car ce sont des cellules postmitotiques en fin de différenciation (7). Conclusion Les cellules de Merkel présentent des phénotypes immunohistochimiques variés liés à des fonctions différentes. D’après les observations des dermatologues (8), ce seraient les cellules à caractère neuroendocrine sans connexion avec des terminaisons nerveuses qui auraient la faculté de se transformer en carcinomes. Ces tumeurs à cellules de Merkel sont localisées sur des zones cutanées exposées au soleil, en particulier le visage et le cou des personnes âgées (figure 2). Ceci n’est pas sans rappeler le mélanome malin (17). Comme les mélanocytes, les cellules de Merkel auraient migré en provenance des crêtes neurales au cours du développement et seraient donc capables, comme eux, de franchir la lame basale facilement. C’est justement cette capacité à s’étendre à d’autres tissus qui rend un cancer particulièrement agressif.

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